Con­cer­nant les pris­ons, la Turquie tra­verse actuelle­ment la péri­ode la plus intense de son histoire.

Dans la caté­gorie du “plus grand nom­bre de prisonnier.es”, la Turquie occupe la 2ème place en Europe, après la Russie, et au niveau mon­di­al, elle est 6ème.

Selon le min­istère de la Jus­tice turc, en date du 31 mars 2022, 314 milles per­son­nes sont empris­on­nées, dont 40 milles femmes, et 150 enfants avec leur mère.

Depuis 2011, on con­naît une aug­men­ta­tion de 292% (selon les sta­tis­tiques 2021 du min­istère de la Justice).

Il existe 384 pris­ons : en 2021, 32 nou­velles pris­ons furent ouvertes, en 2022, 18 pris­ons con­stru­ites, pour­tant tou­jours surpeuplées…

Impos­si­ble de dire pré­cisé­ment com­bi­en de pris­on­niers poli­tiques sont en geôle, mais les pris­ons sont rem­plies de femmes et d’hommes poli­tiques, d’élus déchus de leurs man­dats, de jour­nal­istes, d’artistes, d’u­ni­ver­si­taires, d’é­tu­di­ants et d’activistes.

Courant octo­bre 2022 on comp­tait 57 jour­nal­istes emprisonné.es.

Il est devenu qua­si impos­si­ble de suiv­re les incar­céra­tions, les libéra­tions, les dépor­ta­tions… C’est “le jeu des chais­es car­cérales” : La plu­part des organ­i­sa­tions qui fai­saient ce tra­vail de suivi ont jeté l’éponge…

Chanter en kurde, un arti­cle, une phrase d’un arti­cle sor­tie de son con­texte, des partages sur les réseaux soci­aux, sont util­isés comme “preuves” de ter­ror­isme, pour des accu­sa­tions fourre-tout comme “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion illé­gale” ou “pro­pa­gande”.

Les faux témoignages obtenus par la force, sous men­aces et tor­tures, sont util­isés sys­té­ma­tique­ment pour des con­damna­tions. Il existe des cas kafkaïens, d’une absur­dité totale.

Quelques cas emblé­ma­tiques, pour n’en citer que deux : La chanteuse Nudem Durak jetée en prison pour 19 ans. Mazlum Içli 22 ans aujour­d’hui, con­damné et empris­on­né à l’âge de 14 ans…

Les procès qui s’é­taient ter­minés par des acquit­te­ments sont ré-ouverts encore et encore…

Par exem­ple, la soci­o­logue et activiste fémin­iste, défenseure des droits humains, Pınar Selek en exil en France, pour­tant acquit­tée chaque fois, fut re-jugée de nom­breuses fois depuis plus de 20 ans, et cela con­tin­ue. Ou encore, l’autrice Aslı Erdoğan, en exil en Alle­magne, jugée pour la per­pé­tu­ité et acquit­tée, a vu cette année, son acquit­te­ment annulé par la Cour suprême et elle est à nou­veau sous le coup d’un jugement.

Dans les pris­ons, où le nom­bre de détenu.es aug­mente de jour en jour, on observe : de nom­breuses et graves vio­la­tions de droits, des inter­dic­tions et sanc­tions dis­ci­plinaires arbi­traires, des dépor­ta­tions, des mau­vais traite­ments et tor­tures. Mais aus­si des décès suspects.

En 2022, une cinquan­taine de morts… Suite aux mal­adies ou morts sus­pectes annon­cées par les autorités, comme “crise car­diaque”, “malaise”. On peut citer comme exem­ple la mort du jeune Fer­han Yıl­maz en 2022. Un cer­tain nom­bre de morts déclarées comme “sui­cide” restent égale­ment sus­pectes. On con­state aus­si des sui­cides réels suite à des tor­tures physiques et psy­chologiques. Comme le décès de la jeune kurde Garibe Gez­er, qu’on peut qual­i­fi­er de “fémini­cide d’E­tat”.

Pris­on­niers malades, un vrai problème…

Actuelle­ment on compte 1580 malades dont 600 graves.

Si le cas de certain.es prisonnier.es sont plus médi­atisés que d’autres, les cam­pagnes de sol­i­dar­ité autour de leur per­son­ne deman­dent la jus­tice pour tous les prisonnier.es malades. Par exem­ple Aysel Tuğluk, femme poli­tique souf­frant de démence pré­coce fut libérée en fin octo­bre 2022, après 600 jours d’in­car­céra­tion et une cam­pagne insis­tante pour sa libéra­tion. Enfin libérée, mais sa mal­adie trop aggravée, elle ne peut être soignée. Un autre cas est celui  de Mehmet Emin Özkan, à 86 ans, souf­frant de plusieurs mal­adies, il ne peut même pas marcher, mais il est main­tenu en prison.
Le jour­nal­iste Ziya Ata­man est un autre exem­ple… Tous kurdes…

Il est utile de not­er que l’ac­cès à la san­té et aux soins est extrême­ment dif­fi­cile. Véhicule “Ring” de trans­port étouf­fant et non adap­té, longues attentes, con­sul­ta­tions en présence de sol­dats, et avec menottes… L’autrice Aslı Erdoğan, qui fut pris­on­nière malade égale­ment, en par­le dans cette inter­view qui a suivi sa libéra­tion provisoire.

Vio­la­tions des droits…

En 2021, 901 requêtes ont été déposées auprès de l’As­so­ci­a­tion des droits humains (İHD), et seule­ment pour les six pre­miers mois de 2022, on compte 506 requêtes déposées auprès de l’In­sti­tu­tion turque des droits de l’homme et de l’é­gal­ité (TİHEK).

Les requêtes des familles et des avo­cats auprès des autorités judi­ci­aires con­tre les vio­la­tions des droits sont sou­vent rejetées, les requêtes des détenu.es ne sont même pas traitées. Il est régulière­ment rap­porté que cer­taines admin­is­tra­tions péni­ten­ti­aires ne respectent pas la déci­sion de nom­breuses insti­tu­tions, y com­pris la Cour con­sti­tu­tion­nelle, et ques­tion­nées, ont don­né la réponse “C’est dif­férent ici”.

La libéra­tion des prisonnier.es qui ont ter­miné leur peine sont empêchées sous divers pré­textes, comme pour Tev­fik Kalkan

Dans cer­tains quartiers, les livres, mag­a­zines et jour­naux ne sont pas acces­si­bles ou leur dis­tri­b­u­tion est arbi­traire­ment aléa­toire. La dif­fu­sion de chaînes indépen­dantes ou opposantes sont blo­quées. Ain­si, le droit à l’in­for­ma­tion est qua­si sys­té­ma­tique­ment violé.

Le cor­re­spon­dance, qui est l’outil le plus impor­tant de com­mu­ni­ca­tion des détenus avec l’ex­térieur, est sou­vent blo­quée, les let­tres ne sont pas toutes don­nées, ou cen­surées. Les inter­dic­tions de com­mu­ni­ca­tion télé­phonique sont égale­ment mon­naie courante. Ce sont sou­vent des moyens de “sanc­tion” dis­ci­plinaire pour un oui pour un non, au mépris du droit élémentaire.

Les objets per­son­nels, tels que sous-vête­ments, chaus­settes et servi­ettes, envoyés par les familles, ne sont pas remis aux détenu.es et on leur demande de se les pro­cur­er à la can­tine à des prix exor­bi­tants. De cette manière, les can­tines sont égale­ment trans­for­mées en “sources de profit”.

De nom­breuses affaires, matériels, dont des effets per­son­nels, sont con­fisquées dans les quartiers, sous pré­texte de “fouilles générales”.

Le droit des pris­on­niers de dis­cuter entre eux n’est pas respec­té, on n’au­torise pas aux détenu.es le droit de se rassembler.

Les temps de prom­e­nade des prisonnier.es en cel­lule sont désor­mais diminués.

Les dépor­ta­tions, c’est à dire l’en­voi de pris­on­niers dans des pris­ons éloignées de leurs familles sont dev­enues une pra­tique d’isole­ment général­isé.

Les réac­tions des pris­on­niers con­tre les vio­la­tions des droits qu’ils-elles subis­sent, comme “avoir scan­dé des slo­gans”, ser­vent égale­ment de motifs de sanc­tions dis­ci­plinaires. Y com­pris chanter en kurde

Pour plus de détails, vous pou­vez égale­ment lire la série “Notes de prison” d’Aslıhan Gençay, ex pris­on­nière, témoin aux pre­mières loges, qui partage ses con­stats concrets.

Leur écrire est primordial !

Les prisonnier.es ont droit, à une vis­ite heb­do­madaire en cab­ine, une vis­ite famil­iale ouverte par mois, et un appel télé­phonique de 10 min­utes par semaine.

A part ces droits, nos cartes et let­tres sont leur seul lien avec le monde extérieur. Il faut leur envoy­er nos mots, notre sou­tien, pour qu’ils-elles ne se sen­tent pas oublié.es.

Vous pou­vez trou­ver ICI une liste non exhaus­tive de noms et d’adress­es, que nous essayerons de met­tre à jour régulièrement.


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