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En Turquie, il y a des his­toires d’emprisonnement à ce point kafkaïennes qu’elles vous lais­sent aba­sour­dis. Elles dépeignent à quel point la Jus­tice y est tout, sauf indépen­dante. Le sys­tème juridique est sous la coupe du régime, et util­isé comme instru­ment de per­sé­cu­tion, les ver­dicts tombent du “haut”.

Ne cherchez pas à trou­ver des cor­re­spon­dances avec le droit inter­na­tion­al. La jus­tice turque s’en affran­chit sans ver­gogne, et bien qu’elle soit mem­bre du Con­seil de l’Eu­rope, y est mon­trée régulière­ment du doigt pour cela. On ne compte plus les déci­sions de libéra­tion, pour­tant con­traig­nantes en principe, pris­es par la Cour Européenne des Droits Humains, et non suiv­ies d’effets.

Bien sûr en Turquie, aller à la “case prison” est chose facile, il suf­fit de ne pas vibr­er au dia­pa­son du régime Erdoğan… Citons encore une fois, quelques noms que vous ren­con­trez régulière­ment dans les pages de Kedis­tan, pour rap­pel­er à tra­vers de leur per­son­ne, tou.tes les autres otages empris­on­nés, ou faisant l’ob­jet d’acharne­ment : Par exem­ple la roman­cière Aslı Erdoğan, que l’E­tat turc veut absol­u­ment empris­on­ner à vie, jugée deux fois, acquit­tée deux fois, jamais deux sans trois ? Par exem­ple Zehra Doğan, qui elle, aurait “dépassé avec son art les lim­ites de la cri­tique”. Elles sont aujour­d’hui libres, mais expri­ment toutes les deux, ne pas être tout à fait libres, tant que les autres sont en prison… Encore et tou­jours en prison : par­mi d’autres élu.es du du Par­ti démoc­ra­tique des peu­ples (HDP), Figen Yük­sek­dağ ex députée, l’ex co-prési­dente, tout comme son homo­logue Sela­hat­tin Demir­taş, bril­lant, charis­ma­tique, proche du peu­ple, genre d’homme poli­tique que la Turquie a rarement vu… Que dire de Nûdem Durak, chanteuse kurde, dont on essaie de faire taire la voix cristalline à jamais ? Ned­im Tür­fent, jeté der­rière les bar­reaux, comme tou.tes ces jour­nal­istes empris­on­nés pour avoir exer­cé leur méti­er de jour­nal­iste. Mais encore Sara Kaya, co-mairesse de Nusay­bin empris­on­née pour s’être tenue aux côtés de la pop­u­la­tion qui l’a élue…

Il n’y a pas que des per­son­nal­ités con­nues, c’est val­able pour tout le monde, même pour n’im­porte quel quidam. Et sou­vent, on a l’im­pres­sion d’une loterie… Une per­son­ne quel­conque peut se retrou­ver, du jour ou lende­main, dans une incroy­able machine à broy­er judi­ci­aire et y laiss­er sa vie.

Mazlum İçli, le ” désigné coupable” expiatoire

L’his­toire de Mazlum İçli est aus­si du genre à se taper la tête con­tre les murs.

Mazlum İçli, né en 2000, fils d’une famille d’o­rig­ine Ergani, vivant à Bağlar, hum­ble quarti­er de Diyarbakır, est le plus jeune de cinq frères et sœurs. Leur père, un musi­cien local, est le soliste de leur groupe, “Sidar”, les fils en sont mem­bres, Mazlum est aux per­cus­sions. Ils gag­nent leur pain en jouant de la musique.

Mazlum fut arrêté le 8 décem­bre 2014, à la suite des man­i­fes­ta­tions de Kobanê, qui se sont déroulées en octo­bre de la même année. Il fut jugé et empris­on­né pour son “impli­ca­tion” pré­sumée dans le meurtre de qua­tre per­son­nes. Il avait alors 14 ans, il était en 1ère année de lycée…

Mazlum İçli à la batterie

Sou­venons-nous des man­i­fes­ta­tions de Kobanê du 6 au 8 octo­bre 2014… Alors que l’E­tat islamique assiégeait Kobanê, juste de l’autre côté de la fron­tière syri­enne, indignés par “l’i­n­ac­tion” du gou­verne­ment turc à pro­téger les Kur­des syriens, des mil­liers de manifestant.es inondèrent les rues du sud-est de la Turquie, à majorité kurde. Lors des protes­ta­tions il y eût des dizaines de morts et de nom­breux blessés.

Ouver­ture d’en­quête et de procès, au total, 108 poli­tiques du HDP, dont les anciens coprési­dents Sela­hat­tin Demir­taş et Figen Yük­sek­dağ, sont jugés ‑entre autres- pour ce dossier dit “Procès Kobanê”.

Le régime turc accuse le HDP “d’inci­ta­tion à la vio­lence” alors que le par­ti affirme qu’il fai­sait tout son pos­si­ble pour éviter l’ef­fu­sion de sang, en étant en con­tact avec des respon­s­ables gouvernementaux…

Les événe­ments du 6 au 8 octo­bre et les meurtres qui font l’ob­jet de ce dossier sont con­sid­érés comme l’élé­ment le plus impor­tant de l’acte d’ac­cu­sa­tion, pour engager la fer­me­ture du HDP, et une procé­dure a été déposée auprès de la Cour con­sti­tu­tion­nelle pour une fer­me­ture au motif que “le HDP était le foy­er de la vio­lence” donc épi­cen­tre des meurtres et inci­dents qui eurent lieu.

Notons en pas­sant, que les tweets, con­sid­érés par le régime turc, comme “une inci­ta­tion au meurtre”, ont égale­ment fait l’ob­jet de la déci­sion du 22 décem­bre 2020, de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) con­cer­nant le dossier “Sela­hat­tin Demir­taş vs Turquie”. La déci­sion de la CEDH fut “il n’y a pas de lien de causal­ité entre les tweets du HDP et les inci­dents de décès, et  l’ap­pel lancé était un appel à man­i­fester paci­fique­ment”.

kobanê 2014

Man­i­fes­ta­tions de Kobanê du 6 au 8 octo­bre 2014

Et Mazlum, quelle place dans tout ça ?

Mazlum est juste une vic­time col­latérale de cette procé­dure, pour lequel on ne peut même pas dire, “pas de chance, il était au mau­vais endroit au mau­vais moment”, car il n’y était même pas !

L’in-Jus­tice turque affirme que Mazlum aurait donc été à cette péri­ode à ces événe­ments autour de Kobanê, et qu’il serait “impliqué” dans un quadru­ple meurtre…

Selon les chiffres offi­ciels, lors des événe­ments de Kobanê, 37  per­son­nes ont per­du la vie et des cen­taines de per­son­nes ont été blessées. La par­tie qui con­cerne Mazlum se déroula dans la soirée du 7 octo­bre, où Yusuf Er fut blessé, et 4 per­son­nes perdirent la vie : Ahmet Dakak, Hasan Gökguz, Riy­at Güneş et Yasin Börü, un ado­les­cent de 16 ans, qui était asso­cié à Hüda-Par, un par­ti islamiste d’ailleurs allié du prési­dent Recep Tayyip Erdoğan.

Pour­tant le jeune Mazlum ne cesse de déclar­er depuis le début, et lors de toutes les étapes du procès, que le 7 octo­bre 2014, lui et son père ont fait de la musique lors d’un mariage, dans un vil­lage du dis­trict de Kulp (Diyarbakır), et, ne pos­sé­dant pas de “dons d’u­biq­ui­té”, ne peut être l’au­teur des meurtres. Son avo­cat Mah­suni Kara­man dit : “Mazlum fut jugé, avec une ving­taine d’autres per­son­nes, pour avoir par­ticipé aux meurtres en ques­tion et, par le juge­ment de la 2e Haute Cour pénale d’Ankara du 24 avril 2017, il fut con­damné sans qu’au­cune enquête ne soit menée à ce sujet.” 

Mazlum était, à ce moment pré­cis, à un mariage à Keçiv­eren, c’est-à-dire à 140 kilo­mètres du lieu des man­i­fes­ta­tions de Kobanê…

mazlum içli

Le 7 octo­bre 2014, Mazlum joue du tam­bour et danse, dans un mariage… (Images extraites de la vidéo, dont en 2020, nous avions pris con­nais­sance, depuis ces enreg­istrements étant ver­sées dans le dossier, on ne peut y accéder sur internet.)

Les preuves obtenues par le tri­bunal, avec 1 an de recherches :

  • Une séquence vidéo décou­verte en 2020, démon­tre qu’il était en train de jouer le tam­bour pour un mariage. Ces images, per­ti­nentes, furent exam­inées par une com­mis­sion d’ex­perts, qui d’ailleurs a statué que la per­son­ne sur les images était “fort prob­a­ble­ment” Mazlum İçli.
  • Pour lever un quel­conque soupçon sur le terme “fort prob­a­ble­ment”, le com­man­de­ment de la gen­darmerie du dis­trict con­sulté, con­fir­ma qu’un mariage avait bien eu lieu le 7 octo­bre 2014, dans le vil­lage Kulp de Diyarbakır, au hameau de Keçiveren.
  • Le mar­ié con­cerné, Muhsin Bayram, con­fir­ma le fait que Mazlum İçli et sont père avaient joué de la musique à son mariage qui “a duré jusque tard dans la nuit, et qu’ils ont quit­té le vil­lage, seule­ment le lende­main”, le 8 octo­bre 2014.
  • Par une exper­tise agri­cole, appuyée par une étude sur place, il fut déter­miné que le lieu des enreg­istrements vidéo, est bien le lieu du mariage. Cette exper­tise con­fir­ma égale­ment la péri­ode de la vidéo : “les arbres por­tent les car­ac­téris­tiques saison­nières d’oc­to­bre, en fonc­tion de l’é­tat de flo­rai­son”.
  • Le chauf­feur de taxi, Idris Aslan, dont l’ac­tiv­ité fut égale­ment véri­fiée par le tri­bunal, a témoigné et con­fir­mé qu’il a amené Mazlum et son père sur les lieux du mariage, le 7 octo­bre 2014, et les a ramené à Diyarbakır seule­ment le lende­main 8 octobre.
  • En plus de cela, des don­nées obtenues à par­tir des relais émet­teurs-récep­teurs furent véri­fiés, et des sig­naux du télé­phone portable de Mazlum İçli furent con­statés à prox­im­ité de la zone de mariage.

Procureur et tribunal, l’effet girouette

Suite à ces résul­tats, lors de l’au­di­ence du 28 mai 2021, le pro­cureur deman­da que l’ac­quit­te­ment de Mazlum soit pronon­cé, avec un avis motivé par ces preuves obtenues.

Une semaine plus tard, le même pro­cureur déci­da plutôt de “châti­er Mazlum”, en changeant son avis en une semaine, même s’il n’y avait aucun autre développe­ment qui néces­si­tait de chang­er d’opin­ion, ce qui affec­ta immé­di­ate­ment le statut juridique de Mazlum auprès du tribunal.

Lors de l’au­di­ence du 25 juin 2021, face à ces nou­velles preuves citées ci-dessus, le Tri­bunal déci­da à l’u­na­nim­ité que la demande de renou­velle­ment de procès méri­tait d’être accep­tée, et sépara le dossier de Mazlum İçli de ceux de 15 autres sus­pects. Il sus­pendit l’exé­cu­tion de la peine de prison.

Mais, tou­jours le même jour, le pro­cureur qui avait émis d’avoir changé d’avis en une semaine, objecta.

Ensuite, le 29 sep­tem­bre 2021, le tri­bunal qui exam­i­nait l’ap­pel, revint sur sa déci­sion. Il annu­la sa pro­pre déci­sion de renou­velle­ment du procès et d’ar­rêt de l’exé­cu­tion de la peine.

Si vous voulez bien, n’es­sayons pas d’imag­in­er ce que Mazlum et sa famille ont pu ressentir…

Ce n’est pas tout. Au cours de la procé­dure judi­ci­aire, subite­ment, apparut un nou­veau “témoin”. Il s’ag­it de İ.Ö., un homme présen­té comme ancien mem­bre du Par­ti des Tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK) et qui est révélé dans la presse, comme ayant “témoigné” depuis quelques années dans env­i­ron 150 procès à l’en­con­tre de per­son­nes jugées. Là encore, son témoignage se fit aus­si à l’en­con­tre de Mazlum.

Face aux déc­la­ra­tions de ce nou­veau témoin, bien que celui-ci reti­ra aus­si son témoignage, en affir­mant qu’il s’agis­sait “de déc­la­ra­tions obtenues par la force”, le 2e tri­bunal pénal d’Ankara mod­i­fia la déci­sion et con­damna Mazlum, le 29 novem­bre 2021 : à la per­pé­tu­ité. Je ne devrais pas dire “à la” per­pé­tu­ité, mais à “des” perpétuités…

La con­damna­tion repose sur de mul­ti­ples accu­sa­tions : “atteinte à l’in­tégrité de l’É­tat et l’u­nité du pays”,“meurtres de qua­tre per­son­nes avec haine et tor­tures”, “ten­ta­tive de meurtre sur une per­son­ne” et “pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste”. La fac­ture fut donc 6 “per­pé­tu­ités incom­press­ibles”. Il s’ag­it une “per­pé­tu­ité” par­ti­c­ulière, qui ne per­met pas de béné­fici­er des réduc­tions de peine, et qui est en fait la con­damna­tion de sub­sti­tu­tion à la peine de mort après son abo­li­tion en 2004 en Turquie.

En détail : • Pour actions visant l’in­tégrité de l’É­tat : peine de “per­pé­tu­ité incom­press­ible”, réduite à 22 ans dû à son jeune âge. • Pour le meurtre de 3 per­son­nes : 3 peines de “per­pé­tu­ité incom­press­ible”, réduites à 66 ans. • Pour ten­ta­tive de meurtre : “per­pé­tu­ité incom­press­ible”, réduite à 12 ans. • Pour le meurtre de Yasin Börü : “per­pé­tu­ité incom­press­ible”, réduite à 23 ans. • Pour pro­pa­gande : 2 ans 8 mois.

Vous avez bien com­pris, le tri­bunal fit une fleur, “des réduc­tions” pour son jeune âge, et le con­damna seule­ment à 125 ans et 8 mois de prison.

Un procès ubuesque, six peines de per­pé­tu­ités, une vie qui s’ar­rête de bat­tre, comme le tam­bour dont on a crevé la peau. 

L’av­o­cat de Mazlum, Mah­suni Kara­man, ne cesse de pré­cis­er que la déci­sion du tri­bunal est “pure­ment poli­tique”. Mazlum se retrou­va donc der­rière les bar­reaux à 14 ans, et, en reprenant le terme de son avo­cat, en plein milieu d’une “opéra­tion poli­tique du gou­verne­ment”. Il souligne que “le gou­verne­ment est ‘inter­venu’ dans l’af­faire, puisqu’elle sous-tend l’af­faire Yasin Börü”. Alors que le gou­verne­ment utilise la mort de Börü comme un “preuve de vio­lence” et accuse le HDP de la mort de l’ado­les­cent, il n’est pas dif­fi­cile de voir que l’ac­quit­te­ment de Mazlum “n’arrangeait” pas le régime, car il bris­erait ce dis­cours con­stru­it à l’en­con­tre du HDP.

Me Mah­suni Kara­man fit donc appel devant la Cour de cas­sa­tion, affir­mant dans sa requête, que l’af­faire de la mort de Yasin Börü est util­isée à des “fins poli­tiques”. La réal­ité est pour­tant vis­i­ble, grosse comme une mai­son, mais la Jus­tice turque à l’or­dre du régime pou­vait-t-elle encore se per­me­t­tre de ren­dre justice ?

Façon de faire, injustices ordinaires…

Il existe en Turquie, plusieurs affaires où les inculpés, qui n’ont rien à voir avec les accu­sa­tions portées à leur encon­tre, ont ain­si été con­damnées et “main­tenues” en prison. Car leur acquit­te­ment serait pour le régime recon­naitre que les crimes attribués par tous les moyens à ces per­son­nes, sont en vérité l’oeu­vre de l’E­tat, et sou­vent com­mis par la main de JITEM, les ser­vices de ren­seigne­ments et de lutte antiter­ror­iste de la gen­darmerie turque, ouverte en 1987, et offi­cielle­ment déclarés “fer­més” en 1990. Cette organ­i­sa­tion clan­des­tine s’est ren­due coupable, dans les années 90, de plus de 1500 dis­pari­tions en garde à vue et de 5000 exé­cu­tions extra-judiciaires.

Pour garder le cou­ver­cle sur la cocotte minute, il est bien plus pra­tique de laiss­er des inno­cents en prison, sans preuves tan­gi­bles, ou encore, mal­gré les preuves à décharge, et de leur vol­er la vie.

Mehmet Emin Özkan

On peut citer deux cas par­mi les plus emblé­ma­tiques ; celui de Mehmet Emin Özkan, une per­son­ne âgée aujour­d’hui. Il fut accusé de “la mise à feu de Lice et la mort du com­man­dant Bahti­yar Aydın”, en 1993. Le général était à l’époque, com­man­dant région­al de la gen­darmerie turque à Lice, dis­trict de Diyarbakır. Il fut assas­s­iné devant sa caserne par un tireur d’élite util­isant un fusil Kanas. Il est “offi­cielle­ment” une vic­time du PKK, qui réfute d’ailleurs toute respon­s­abil­ité, et sa mort a longtemps été con­sid­érée comme sus­pecte. Il aurait eu “des rela­tions étroites avec le pub­lic” et n’ap­prou­vait pas la vio­lence extra­ju­di­ci­aire couram­ment util­isée par l’ar­mée turque dans le sud-est de la Turquie à l’époque.

Bref, Mehmet Emin Özkan, “sup­posé assas­sin”, fut jugé d’abord avec une demande de peine de mort, ensuite, avec les dépo­si­tions de deux témoins, dont pour­tant les témoignages furent invalidés par la suite, il a été con­damné à la “per­pé­tu­ité incom­press­ible”. Et bien, Mehmet Emin Özkan, n’avait ni les com­pé­tences d’un tireur d’élite, ni ne pos­sé­dait lui non plus, le “don d’u­biq­ui­té”, il n’é­tait pas sur les lieux du crime… Pour­tant, il est bien en prison, encore aujour­d’hui. Un grand père de 83 ans, grave­ment malade, pour lequel l’emprisonnement est devenu une véri­ta­ble tor­ture.

Un autre dossier est celui de İlh­an Çomak, arrêté en 1994,  jugé pour “appar­te­nance à une organ­i­sa­tion” (enten­dez PKK), et pour avoir “provo­qué des incendies forestiers”. Un procès basé sur des doc­u­ments étab­lis sous tor­ture, lors d’une longue garde-à-vue de 16 jours. Pour les incendies, il fut acquit­té, car il était impos­si­ble de jus­ti­fi­er, encore une fois, son “ubiq­ui­té”, il ne pou­vait pas être présent au même moment à trois endroits dif­férents, à des kilo­mètres de dis­tance, pour démar­rer des incendies simul­tané­ment. Mais il fal­lait le con­damn­er, donc le tri­bunal le con­damna. Pour İlh­an, mal­gré l’absence de toute preuve, le ver­dict fut la peine de mort. Celle-ci fut trans­for­mée plus tard, en per­pé­tu­ité. Nous ajoutions ces lignes sur notre arti­cle le con­cer­nant :

Amer ajout du 5 octo­bre 2016 :
Aujour­d’hui İlh­an est de nou­veau passé devant la jus­tice. La Cour de cas­sa­tion a con­fir­mé la peine de perpétuité.
Le père d’İlh­an hurlait sa douleur dans les couloirs du Tribunal :
“A bas votre Jus­tice ! A bas votre Jus­tice !.… Justi­i­ice ! Justiiiiiice !”

İlh­an Çomak est tou­jours en prison, pas de libéra­tion avant 2024…

Et Mazlum… il est der­rière les bar­reaux depuis 7 ans, à tort.

Mazlum hier, Mazlum aujourd'hui...

Mazlum hier, Mazlum aujourd’hui…

Dans cette prison où il fut jeté enfant, il est devenu un jeune homme de 22 ans. Même si un jour, si bien sûr on lui per­met de voir ce jour, il peut retrou­ver sa lib­erté, qui lui ren­dra-t-il toutes ses années de jeunesse volées ?

Le mot “Mazlum” en turc a deux sens : “per­son­ne calme, dis­cret, docile” et “per­son­ne lésée, opprimée, per­sé­cutée”.

Il faudrait tant de Zola en Turquie pour écrire tant de “j’ac­cuse”.

Parce qu’en réal­ité, toutes ces “affaires” ont le même point com­mun. Elles con­cer­nent la con­tes­ta­tion poli­tique d’un régime où la turcité implique obéis­sance à l’E­tat, qu’il soit mil­i­taro poli­tique et nation­al­iste, ou aujour­d’hui alliance tur­co islamique nation­al­iste. Dans la machine d’E­tat, où plus aucune autonomie n’est don­née à la Jus­tice, tous les règle­ments de comptes poli­tiques du régime à l’en­con­tre des oppo­si­tions broient indis­tincte­ment des “coupables désignés”, pour l’ex­em­ple et l’af­fir­ma­tion d’une vérité d’Etat.

Les pris­ons de Turquie sont ain­si pleines de vérités bricolées par son injustice.

Image à la Une : Aynur İçli, la mère de Mazlum (Agence Mésopotamie / MA)

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.