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Aujourd’hui, lors de sa session du 21 juin, l’Assemblée générale de la Cour constitutionnelle de Turquie a procédé au premier examen d’un deuxième acte d’accusation, demandant la fermeture du Parti démocratique des peuples (HDP), et cet acte d’accusation a été accepté l’unanimité.
Après des mois d’acharnement, les efforts du régime et de ses alliés pour diaboliser le HDP par tous les moyens, “l’affaire” se concrétise ainsi…
La demande de fermeture est accompagnée d’autres requêtes concernant le compte bancaire du HDP et l’interdiction d’activités politiques de ses membres. La demande de blocage du compte bancaire du parti détenant les subventions du trésor public et celles visant à imposer une interdiction politique à certains politiciens du HDP furent également examinées par la Cour constitutionnelle, ces “mesures, rejetées à ce stade des poursuites”, seront “examinés ultérieurement”.
Rappelons que La Cour constitutionnelle ayant rejeté le premier acte d’accusation conformément à la demande du rapporteur, le parquet général de la Cour de cassation avait envoyé le 7 juin 2021, un second acte d’accusation à l’encontre du HDP à la Cour constitutionnelle. [La liste de 500 membres du HDP menacés d’interdiction politique.]
Suite à l’annonce de la décision de la Cour constitutionnelle, les Co-présidentEs du HDP Pervin Buldan et Mithat Sancar se sont exprimés lors d’une conférence de presse.
Ils ont souligné que la Cour constitutionnelle avait eu une occasion historique, pour refuser fondamentalement cet acte d’accusation, et que le fait qu’elle n’ait pas saisi cette occasion est délétère pour la Turquie. “Elle possédait pourtant suffisamment de raisons juridiques et de conscience pour faire cela. Car ce procès de fermeture s’est entamé après une campagne politique, menée durant des mois. Vous le savez, le pouvoir, son petit associé MHP, et tous leurs alliés ont pris le HDP comme cible durant des mois, ont fait des déclarations et envoyé des menaces”.
“Dans l’arrière plan du premier acte d’accusation, préparé par le procureur se trouvait déjà cette campagne politique de menaces et de chantages. De plus, les diverses unités du pouvoir, commençant par le MHP, ne se sont pas satisfaites de menacer seul le HDP, mais aussi le procureur général, personnellement. N’importe qui, même ayant une connaissance juridique minimum, peut constater que cet acte d’accusation re-préparé en coulisse n’a aucune valeur juridique.
Une opération politique à l’encontre du HDP
Tout le monde a constaté en direct, qu’il s’agissait là, d’une opération politique. Et nous avons vu également, tous ensemble, comme le premier acte d’accusation était un texte vide, blet et digne de la poubelle. La Cour constitutionnelle, en refusant ce premier acte d’accusation, avait fait ce qui était juste. Il n’est pas possible d’expliquer cette dernière décision par le Droit, alors que rien n’est changé, la campagne politique, les opérations de menaces et les chantages se poursuivent, et, de plus, une attaque meurtrière fut commise à notre organisation d’Izmir…
Une occasion historique, non saisie
La Cour constitutionnelle aurait du refuser l’acte d’accusation, en soulignant toutes ces opérations de menaces, chantages, hostilités et abandon de la loi dans son intégralité. Elle aurait du également prendre en considération l’attaque de notre local à Izmir, qui n’était que la résultante de toutes ces campagnes. Alors que l’assassinat de notre camarade Deniz Poyraz a démontré au vue de tous, la nature de ces manoeuvres, le fait que la Cour constitutionnelle ferme les yeux, lui donne une responsabilité historique. Une opération politique, des projets de liquidations, des plans de d’un chaos sale et sanglant clairement existants, en refusant l’acte d’accusation la Cour constitutionnelle aurait pu donner à la société de la Turquie un important message d’espoir, pour la démocratie. Mais elle ne l’a pas fait. Nous sommes alors devant l’obligation d’affirmer que la Cour constitutionnelle n’a pas saisi cette occasion historique de démocratie, de paix sociale et de liberté.
Le procureur de ce procès est le pouvoir, en personne
Mais nous souhaitons garder nos attentes vives pour la suite du processus, sur le fait que la Cour constitutionnelle adopterait une attitude qui reviendrait sur cette lourde faute. Sans aucun doute, le procureur de ce procès n’est pas le procureur de la République… Nous avons exprimé cela de nombreuses fois : cet acte d’accusation n’a pas été préparé par le procureur de la République. Celui-ci fut préparé dans le siège du MHP, eut sa dernière forme dans les unités de Droit du Palais, et fut transmis au bureau du procureur de la République. Si le processus est si évident, tout le monde doit voir que le procureur de ce procès est le pouvoir, en personne.
Si son procureur est le pouvoir, son défenseur est le peuple
Ce procès aura aussi des défenseurs, des avocats prendront le devoir de défense. Nous ferons, avec nos juristes, la défense la plus solide, mais il faut que tout le monde comprenne clairement que, comme le procureur de ce procès est le pouvoir, son avocat est le peuple lui-même. Nous avons également exprimé que nous allons défendre le HDP jusqu’au bout et le ferons exister. Notre détermination perdure, en en grandissant. Le réel avocat de ce procès est le peuple, et avant tout le peuple kurde.
Nous allons gâter cette affaire
Le peuple kurde attaqué dans tous les domaines, a démontré sa volonté à chaque occasion mais le défenseur de ce procès n’est pas non plus seul le peuple kurde. Car la cible de ce procès en premier lieu le peuple kurde et sa volonté, mais dans le même temps, la lutte commune des peuples, qui se cristallise sous le toit du HDP. L’objectif de ce procès est donc en même temps, l’anéantissement de l’espoir de démocratie en Turquie, d’étouffer le désir de liberté, d’enterrer entièrement les rêves de paix. Justement, pour cette raison, nous disons que les défenseurs dans ce procès, seront d’abord le peuple kurde, mais en intégrant cela avec la lutte commune des peuples de Turquie, en prenant à ses côté toutes les forces de la démocratie, il gâtera ce procès. Nous allons gâter cette affaire, nous sommes déterminés.
L’avenir de la démocratie
La décision qui sera prise dans ce procès ne concernera pas seul le HDP. Celle-ci sera avant tout un verdict concernant la Cour constitutionnelle, elle-même. Si elle décide de fermer le HDP, la Cour se fermera elle-même, et aura se condamnera elle-même, dans la conscience du peuple, et dans l’opinion publique internationale qui prône la démocratie. Mais la question n’est pas limitée à cela. Si la Cour décide d’une fermeture, elle montrera qu’elle plie le genou devant les chantages, menaces et plans de chaos. S’il faut le dire autrement, la Cour constitutionnelle déterminera, avec sa décision, l’avenir de la démocratie et de la paix sociale en Turquie. La plus importante responsabilité et le devoir reviennent à nous, les représentantEs du peuple kurde, de tous les peuples qui mènent une lutte commune, aux forces de démocratie en Turquie, et à l’opinion publique internationale de la démocratie.
Défendre le HDP jusqu’au bout
Nous sommes déterminés, nous défendrons le HDP jusqu’au bout. Que personne n’en doute, nous ferons vivre le HDP, qui est une organisation et berceau d’une forte pensée qui est la lumière de l’avenir lumineux de la Turquie. Le HDP est une structure solide et enracinée, garante du vivre ensemble démocratique, non seulement en Turquie mais aussi au Moyen-Orient. Ceux qui pensent neutraliser cela par une décision de justice, faire de l’ombre, par un processus de procès, sur la détermination pour arpenter ce chemin, se trompent grandement. Ceux qui planifient d’user de ce procès comme un outil d’intimidation et de chantage, s’ils existent, ils doivent comprendre qu’ils trouveront le contraire devant eux.
Promesse à notre camarade Deniz
Le HDP trouvera cette force, dans la force qu’il prend du peuple, et les chemins pour déterminer les équilibres politiques, et l’avenir de la Turquie. Même si tous ces chemins sont fermés, le HDP en ouvrira de nouveaux, avec le peuple. Nous n’avons aucun doute. Nous avons fait une promesse à tous nos camarades qui ont payé le prix fort, commençant par notre camarade Deniz Poyraz. Nous ferons vivre le HDP, nous l’agrandirons, et nous vaincrons.”
Comment une telle procédure se déroule-t-elle ?
Lorsque le parquet général de la Cour de cassation poursuit un parti politique et demande sa fermeture, la Cour constitutionnelle suit la procédure d’une “affaire pénale”. La méthode à suivre dans le processus est déterminée dans le rapport de procédure préliminaire. Ainsi, l’acte d’accusation sera envoyé au HDP pour la défense préliminaire. L’acte d’accusation sera notifié après la signature du rapport de procédure préliminaire. Lorsque cette procédure commence, la partie est obligée de soumettre sa défense préliminaire dans le délai spécifié par la juridiction supérieure. Mais la partie peut faire une demande de prolongation de ce délai. La Cour conclura cette demande.
Après la présentation de la défense préliminaire par le HDP, le procureur de la Cour de cassation, en l’occurence Bekir Şahin, sera invité à émettre son avis sur les accusations. Cet avis sera également envoyé au HDP. Ensuite, aux dates qui seront précisées par la Cour constitutionnelle, le procureur et les responsables du HDP feront respectivement une déclaration et défense verbale.
Par la suite le rapporteur recueillera des informations et des documents sur l’affaire, préparera un rapport sur le fond. Pendant que ce processus est en cours, le bureau du procureur général de la Cour de cassation et le HDP ont le droit de soumettre des preuves ou une défense supplémentaires. Après la remise du rapport aux membres de la Cour constitutionnelle, le président de la Cour, Zühtü Arslan, fixera une date pour la réunion et, ce jour défini, les membres commenceront à examiner l’affaire “sur le fond”.
Pour la décision, une majorité des deux tiers, soit les voix de 10 des 15 membres de la Cour constitutionnelle, est nécessaire, pour fermer le parti, conformément à l’article 69 de la Constitution ou pour imposer d’autres sanctions au parti, comme le priver partiellement ou totalement d’aide publique.
La décision de la Cour suprême sera soumise au parquet de la Cour de cassation qui a déposé l’affaire, et au HDP, et sera publiée au Journal officiel. Les personnes qui se sont vues imposer une interdiction politique de cinq ans, ne pourront être fondateurs, membres, cadres ou responsables d’aucun autre parti politique pendant cette durée.