Généralement, quand le Calife s’exprime, lance des fatwas, les effets ne tardent pas.
On connaît ses diatribes contre les juges qui enquêtaient sur les “boîtes à chaussures” et la valse de magistrats qui avait suivi. On connaît ses déclarations de guerre contre l’Est de la Turquie, déjà bien avant les résultats électoraux de novembre 2015 et les cohortes de chars d’assaut qui s’y sont rendues dans la foulée. On connaît aussi ses invectives contre la presse, et les “expropriations” de médias, les emprisonnements de journalistes qui ont succédé… On ne va vous les refaire toutes.
Le Président, qui en principe dans la constitution turque actuelle a moins de pouvoirs qu’Iznogoud, s’avère être déjà le Calife en son “palais illégal”, capable de lancer des fatwas contre tous les opposants, qu’exécutent ses serviteurs zélés du gouvernement AKP. Dans ces conditions, le débat sur la réforme constitutionnelle paraît conclu dans les faits.
Voici quelques dernières Fatwas,
qui annoncent des purges à venir ou en cours.
“Il est impératif que l’Assemblée et le Judiciaire prennent des mesures au sujet des députés qui se comportent comme des membres d’organisation terroristes. Le Ministère d’Intérieur et le Judiciaire doivent également prendre des mesures, et je sais qu’ils ont commencé… au sujet des Maires qui mettent au service des de l’organisation terroriste les possibilités que la Nation leur a confiées.
De plus, Il est nécessaire de faire le tri, dans ceux qui travaillent dans les institutions publiques, en commençant par les universités, les hôpitaux et écoles et qui prennent place au côté de l’organisation terroriste. Personne ne peut manger le pain de cet Etat et brandir l’épée contre lui. En tant que Président de la République, je ne souhaite plus être témoin des déclarations et des images qui blessent la conscience de notre Nation.”
Déjà, un certain nombre d’élus ont été suspendus, parfois mis en garde à vue, arrêtés… Des élus du HDP et des responsables sont sous le coup de procédures pour “sécession”…
Lors des attaques de hackers récentes contre l’Internet turc, le résident du Palais avait accusé l’université ODTÜ de ne pas avoir fait son travail. Une campagne de dénigrement avait accompagné ces propos contre une des universités dont l’opposition étudiante est connue.
Le mouvement contre la guerre, après l’attentat d’Ankara avait mobilisé des enseignants, des instituts médicaux, des secteurs publics. Le récent appel d’universitaires, “d’académiciens”, comme on dit en Turquie, pour “la paix et la réouverture des négociations” trouve aussi sa source chez “ceux qui travaillent dans les institutions publiques, en commençant par les universités, les hôpitaux et écoles et qui prennent place au côté de l’organisation terroriste” comme dit le lanceur de fatwas.
La cavalerie ne devrait pas tarder.
Dans les faits, le fonctionnement présidentiel est établi et le premier ministre est aux ordres. Mais ce n’est pas seulement la présidentialisation du régime qui se profile, mais bien une “épuration” de tous les “corps constitués” qui se poursuit, une mise au pas de l’Université, une utilisation “politique” des forces armées, une censure de fait, une morale bigote pour masquer l’affairisme financier, des ambitions régionales…
Quand de plus ce régime secrète une couche sociale de parvenus, se consolide avec un populisme bigot, des alliances avec l’ultra nationalisme, prend comme bouc émissaire les minorités, développe un culte de personnalité, je ne sais pas comment vous appelez ça vous… mais si en plus on cite Hitler dans son panthéon personnel, on a le choix du vocabulaire.