Flambée de violences en Turquie : près de 600 morts depuis juin (IHD).
Le bilan des violences qui embrasent la Turquie depuis les élections législatives du 7 juin et le choix par le gouvernement turc d’une politique de confrontation avec les rebelles kurdes approche les 600 morts, dont 262 civils, selon un décompte publié ce jeudi par l’Association des droits de l’Homme (IHD).
Entre le 7 juin et le 9 novembre 2015, l’IHD a dénombré 128 civils tués, dont 41 mineurs, et 195 autres blessés lors d’opérations des forces de sécurité contre des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
A ce bilan s’ajoutent les 134 civils morts et 564 blessés des attentats de Suruç (département de Şanlıurfa, 20 juillet) et d’Ankara (10 octobre), tous deux imputés par le gouvernement turc à l’organisation islamiste armée Daech.
“Quelques 150 membres des forces de sécurité (armée, police, gardiens de village) et 181 “rebelles” ont également trouvé la mort durant cette période”, ajoute l’association.
L’IHD déplore par ailleurs l’arrestation de 5.713 personnes, pour la plupart des activistes kurdes, et le placement en détention préventive de 1.004 personnes, dont 19 maires et 63 cadres locaux des partis DBP et HDP, deux émanations du mouvement HDP ayant essaimé bien au-delà de sa base traditionnelle et séduit un électorat de gauche non-kurde.
L’ONG recense enfin 133 attaques contre des bureaux du HDP, 4 contre des locaux du DBP, 8 contre le parti gouvernemental AKP, 3 contre le parti d’opposition social-démocrate CHP et une contre la petite formation de gauche des Rouge et Verts.
Le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdoğan, seul au pouvoir depuis novembre 2002, a connu un revers lors des élections législatives du 7 juin 2015, qui l’ont vu perdre la majorité absolue au Parlement (40,8% des voix, 258 sièges sur 550), en raison notamment de l’entrée dans l’hémicycle d’un important contingent de députés HDP (13,1% des suffrages, 80 sièges), parvenu pour la première fois à dépasser le seuil électoral de 10%.
Les relations entre le gouvernement et le mouvement kurde n’ont pas tardé à se dégrader après cette déconvenue.
L’attentat de Suruç le 20 juillet (33 morts), qui visait des jeunes militants de gauche venus participer à la reconstruction de la ville kurde syrienne de Kobané, a été interprété par le PKK comme une attaque de l’Etat turc et une rupture des pourparlers de paix en cours depuis la fin 2012.
Les rebelles ont riposté deux jours plus tard en assassinant deux policiers turcs soupçonnés de connivences avec Daech. Des représailles immédiatement suivies de bombardements massifs des positions du PKK par l’aviation turque et de rafles dans les milieux kurdes. La situation n’a depuis cessé de se détériorer, les affrontements se déplaçant vers le cœur des villes du Sud-Est tandis que le gouvernement s’est engagé à éradiquer la rébellion kurde.
La tenue le 1er novembre de nouvelles législatives anticipées, qui ont permis à l’AKP de regagner sa majorité absolue (317 sièges, 49,5% des scrutins), n’a pas mis fin aux violences.
A Istanbul, le 22 juillet, une mère et son fils observent le cortège d’enterrement de trois activistes tués dans un attentat à Suruç, deux jours plus tôt. YASIN AKGUL / AFP
Selon la Fondation turque des droits de l’Homme (TIHV), au moins six civils ont été tués depuis le 3 novembre dans la ville kurde de Silvan, théâtre d’opérations des forces de sécurité impliquant des chars et des hélicoptères, et dont les habitants sont soumis à une interdiction totale de sortir de leurs maisons.
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