La Cour constitutionnelle vient de bloquer temporairement les fonds du Trésor appartenant au Parti démocratique des peuples (HDP), suite à une demande du parquet général de la Cour de cassation.
Dans cette demande de 11 pages, les procureurs ont allégué “la communication du HDP avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) s’est poursuivie pendant la procédure de clôture”, procédure en cours depuis juin 2021.
Le HDP a un délai d’un mois devant lui pour soumettre sa défense, et le tribunal décidera alors de maintenir ou d’annuler la suspension des fonds.
Le parti devait recevoir du Trésor public cette année 2023, 539 millions de lires turques, l’équivalent de 27,3 millions d’Euros. Et la première partie, équivalente à environ 9 millions d’Euros devait être versée jusqu’au 10 janvier prochain.
Une vague d’indignation dans les médias sociaux a vu le jour immédiatement sous le devise et le hashtag #GaspVar” qu’on peut traduire par “il y a confiscation”. Et comme ces affiches le disent, il s’agit bien des droits du peuple, de sa volonté, d’un processus démocratique électoral qui vient, qui sont confisqués pour le parti d’opposition. L’électorat du HDP paie des impôts cependant, pour le financement de tous les partis.…
Concernant “la procédure de fermeture” la Cour de cassation avait, en effet, ouvert une enquête contre le HDP le 2 mars 2021, et le procureur général de la Cour de cassation, Bekir Şahin, avait saisi la Cour constitutionnelle le 17 mars 2021, demandant la fermeture du HDP et l’interdiction de vie politique pour un grand nombre de ses membres.
L’acharnement a commencé bien avant la procédure de clôture” en cours enclenchée en juin 2021. Dans plusieurs municipalités, ses co-maires sont remplacé.es par des “administrateurs tuteurs” (kayyum) nommés par l’Etat et les conseils municipaux dissous de fait. Les député.es HDP dont l’immunité parlementaire fut levée, furent déchu.es, jeté.es dans les prisons. Le HDP, qualifié à tort dans les médias occidentaux de “parti kurde” (réduisant ainsi sa réélle force unificatrice), réunit sous son toit aussi bien des Kurdes que plusieurs autres forces démocratiques, différentes minorités, et des mouvements féministes, LGBTIQ+. Pour les élections prévues à la mi-juin 2023, le HDP peut jouer un rôle important, car ni le bloc au pouvoir, ni le bloc d’opposition, n’ont à eux seuls le soutien de la majorité de la population. Le HDP fait dangereusement de l’ombre à tout le monde. C’est la troisième force politique en Turquie. C’est pourquoi depuis plus d’un an, le régime d’Erdogan, soutenu par le parti nationaliste MHP, exprime la “nécessité” de la fermeture du HDP, le qualifiant de “terroriste”.
En Turquie, pour fermer un parti, ou lui imposer d’autres sanctions, comme le priver totalement ou partiellement d’aides publiques, il est nécessaire d’obtenir la majorité des deux tiers, ou les votes de 10 des 15 membres de la Cour constitutionnelle. Les personnes auxquelles “une interdiction politique” est imposée, ne pourront être alors durant cinq ans, fondateurs, membres, cadres ou superviseurs d’aucun autre parti politique. Et, même dans la démocrature turque, les formes sont mises.
L’arrêt de la Cour suprême sera soumis au parquet général de la Cour de cassation, qui a introduit l’affaire, et au parti politique concerné, à savoir le HDP, et la décision sera ensuite publiée au Journal officiel.
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Cette façon d’opérer, à l’approche des élections décisives de 2023, où la majorité actuellement au pouvoir serait donnée perdante, puisqu’elle a contre elle plus de la moitié du Pays, cherche à diviser et polariser, en mettant plus de 10% de l’électorat sur la touche, et en choisissant de fait un duel avec le Parti républicain du peuple (CHP), membre d’une coalition hétéroclite où l’emporte le nationalisme anti kurde. Potentiellement diminuer l’électorat en éliminant 10% d’opposition rebat les cartes pour le régime.
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