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Le jour­nal­iste kurde Arat Barış est accusé, pour ses arti­cles et partages sur les réseaux soci­aux, d’inci­ta­tion du pub­lic à la haine et à l’inim­i­tié et d’insulte publique aux sol­dats et à la police de l’É­tat. Il sera inter­rogé aujour­d’hui par le Pro­cureur de la République à la Cité judi­ci­aire de Çağlayan, à Istanbul.

Un man­dat d’ar­rêt ayant été émis à son encon­tre, Arat Barış fut placé en garde-à-vue le ven­dre­di 23 sep­tem­bre dernier, puis libéré jusqu’à sa com­paru­tion devant le procureur.

Le fait que le jour­nal­isme soit con­sid­éré par le régime turc comme un “crime” est un fait avec lequel nous nous sommes famil­iarisé depuis longtemps, et le chemin de celles et ceux qui exer­cent le méti­er de jour­nal­isme passent inévitable­ment par les gardes-à-vue, tri­bunaux et case prison… Il n’est pas éton­nant que notre ami et col­lègue Arat Barış, qui est très act­if par­ti­c­ulière­ment sur Twit­ter, rejoigne le cas d’in­nom­brables jour­nal­istes et qu’il se retrou­ve ain­si devant le procureur.

Arat dit, “ils sont venus à mon domi­cile, en civ­il, un jour où j’é­tais absent, et ont annon­cé qu’il y avait des accu­sa­tions émis­es à mon encon­tre. Mon avo­cat s’est tout de suite mis au tra­vail, mais nous n’avons pas pu attein­dre les dossiers. Nous avons fait des recherch­es selon les pro­pos des policiers venus à la mai­son, mais nous n’avons obtenu aucune infor­ma­tion, ni à Mardin, ni à Istan­bul. C’est seule­ment après la garde-à-vue, que j’ai appris qu’il s’agis­sait d’une enquête ouverte auprès du Tri­bunal pénal de Tekirdağ”.

Il y a peu, le compte Twit­ter d’Arat Barış, con­tenant des partages sen­si­bles, devint la cible d’in­tens­es attaques et sig­nale­ments. Il fut d’abord frap­pé de lim­i­ta­tion, ensuite fer­mé. Suite aux sou­tiens et divers­es démarch­es, Arat avait réus­si à récupér­er son compte.

Les accu­sa­tions adressées con­tre Arat sont liées à ses partages sur Twit­ter. “J’ai pu voir les accu­sa­tions, seule­ment lorsque je fus placé en garde-à-vue. Il s’ag­it d’ac­cu­sa­tions hors-sol, et qui ren­trent dans le cadre de ‘crime d’opin­ion’. Il est ques­tion de deux dossiers. Aujour­d’hui, je vais faire ma dépo­si­tion, et, un man­dat d’ar­rêt est émis à mon encon­tre. Pour­tant, je suis vis­i­ble et trou­vable par tout le monde, il était par­faite­ment pos­si­ble de m’at­tein­dre. Les accu­sa­tions d’inci­ta­tion du pub­lic à la haine et à l’inim­i­tié et d’in­sulte publique aux sol­dats et à la police de l’É­tat, sont liées mes tweets.

Pour le moment nous ne savons pas de quels tweets il s’a­gi­rait. Un moment il fut ques­tion d’un gang de pros­ti­tu­tion auquel les mil­i­taires, policiers et gardes de vil­lages étaient mêlés, par­ti­c­ulière­ment dans la région des villes de Şır­nak Cizre et Silopi, et d’ailleurs ce sujet a occupé l’ac­tu­al­ité bien longtemps. J’ai pub­lié des partages en reprenant les arti­cles pub­liés sur ce sujet. Je pense qu’il s’a­gi­rait de ces tweets. On sera fixé aujour­d’hui. Mais cela peut con­cern­er égale­ment, mes pub­li­ca­tions sur la famille Diril…”

Le 11 jan­vi­er 2020, un cou­ple syr­i­aque  Hur­muz et Şimu­ni Diril  a dis­paru dans un vil­lage, dans le dis­trict de Şır­nak, ensuite, le 21 mars, le corps inan­imé de Şimu­ni Diril fut retrou­vé. Hur­muz reste introu­vable depuis. Arat est un des rares jour­nal­istes qui n’ont pas oublié ces enlève­ments et assas­si­nats et qui con­tin­ue à questionner.

Vous le savez, n’im­porte qui peut faire un sig­nale­ment sur les réseaux soci­aux. Et cette pos­si­bil­ité devient en Turquie, dans une démarche poli­tique, une méth­ode d’in­tim­i­da­tion util­isée large­ment et d’une façon organ­isée, afin de musel­er les journalistes.

Arat ajoute, “nom­bre de nos con­soeurs et con­frères sont arrêté.es, condamné.es à la prison, pour avoir infor­mé le pub­lic. Pour­tant, s’in­téress­er au cas de la famille Diril par exem­ple, est un devoir de jour­nal­iste, une respon­s­abil­ité déon­tologique et humaine. Mais on s’ef­force de créer une per­cep­tion à l’en­vers, comme si le prob­lème n’é­tait pas ce qui est arrivé à ces per­son­nes, leur enlève­ment, leur assas­si­nat, mais serait de ques­tion­ner tout cela.”

En effet, de l’as­sas­si­nat de Kemal Kurkut en 2017 lors du Newroz, aux deux hommes kur­des jetés de l’héli­cop­tère de l’ar­mée, de nombreux.ses jour­nal­istes qui ont cou­vert ces sujets “sen­si­bles”, ont été et sont poursuivi.es, condamné.es, et cela continue…

Arat dit “légale­ment par­lant, nor­male­ment, je dois être acquit­té”, mais le manque de Droit en Turquie, le fonc­tion­nement actuel de la jus­tice, dessi­nent encore une fois des points d’interrogation.

L’équipe de Kedis­tan suit cette affaire, et, en le répé­tant, une nième fois “le jour­nal­isme n’est pas un crime”, exprime son sou­tien à l’a­mi Arat.

Après sa dépo­si­tion, nous vous don­nerons des nou­velles ici, avec une mise-à-jour.

19h00 :

Bon­jour à tout le monde, après 7 heures de garde-à-vue, je suis libéré.  Le jour­nal­isme n’est pas un crime”.
Arat Barış 

Après 7 heures de déten­tion, j’ai fait ma déc­la­ra­tion au pro­cureur aujour­d’hui. Il s’avère que des dizaines de mes tweets ont fait l’ob­jet de plaintes. Ce que j’ai écrit sur Helin Has­ret Şen, Uğur Kay­maz, Kemal Kurkut, les morts causées par les véhicules blind­és, et même ce que j’ai dit sur les oliviers abat­tus à Afrin ont fait l’ob­jet de plaintes.”
Arat Barış 


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.