Du dis­cours de Tayyip Erdoğan, les médias offi­ciels dits “occi­den­taux” n’au­ront retenu que la réitéra­tion de ses pro­pos sur la peine de mort.

Tout en évi­tant les nom­breuses répéti­tions, nous ten­tons d’en livr­er l’essentiel.

Il s’est réservé la part du lion. Mais s’il ne pou­vait en être autrement, le fait qu’il par­le au dessus des chefs des trois par­tis, devant le “peu­ple”, alors que con­sti­tu­tion­nelle­ment il n’est encore que “prési­dent”, a pleine sig­ni­fi­ca­tion. La prési­den­tial­i­sa­tion n’est plus qu’une for­mal­ité dont il devra trou­ver la forme, le lieu, et l’heure.

Sa prise de parole de tri­bun est dirigée vers le “peu­ple”, pris à témoin de l’his­toire, et élevé… à ses côtés bien sûr. Il ne s’est pour­tant pas séparé pour ce faire de sa mys­tique habituelle, ni de l’évo­ca­tion de la “nou­velle Turquie” et son avenir radieux pour 2023.

Tayyip Erdoğan endosse sans prob­lème pour ce faire, l’habit kémal­iste au pas­sage, que vient offi­cielle­ment de lui apporter son “oppo­si­tion” peu avant. Oppo­si­tion qui avait pour sa présence, négo­cié en couliss­es la couleur des dra­peaux et la dimen­sion des por­traits du saint homme, rappelons-le.

Le dis­cours fut sur sa fin plus “poli­tique”, et s’adres­sait cette fois à ses opposants, de l’in­térieur comme de l’ex­térieur, tout autant qu’aux par­tis qui lui ont fait allégeance. Ce sera lui le patron incon­testé, et la journée du 7 août en est le com­mence­ment. La purge se pour­suiv­ra jusqu’au bout, le “ter­ror­isme” sera com­bat­tu, la place de la Turquie dans le “con­cert des Nations” réhabilitée.

Après avoir salué longue­ment tout le monde :

Avant tout je remer­cie encore une fois, tous mes frères qui ont mon­tré le soir du 15 juil­let, le courage de descen­dre dans les rues, et se met­tre face aux canons, chars héli­cop­tères et avions.

240 de nos frères; dont 172 civils, 63 policiers, 5 mil­i­taires, se sont élevés au rang de mar­tyre. Je demande à Allah mis­éri­corde. Je présente mes con­doléances à notre Nation. Encore le même soir, 2195 de nos frères qui ont marché sur l’ennemi, ont atteints le rang de ghazi. Je leur souhaite qu’Allah leur donne bon rétablissement.

Ceux qui ont obtenu l’honneur d’être mar­tyre et ghazi, faisant par­tie de nos mil­lions de conci­toyens qui ont rem­pli cette nuit, les rues et les places en tuant la mort, ont fait écrire leurs noms dans l’Histoire avec des let­tres d’or. Dans la lutte menée pour la Patrie, le fait d’atteindre de tels rangs n’est pas un priv­ilège qu’on peut avoir n’importe quand.

Que dit notre poète de l’Indépendance [Mehmet Akif Ersoy, poète, père des paroles de l’yhme nation­al turc] « Qui ne se sac­ri­fierait pas pour cette Patrie par­adis. Des mar­tyrs gicleront si tu ser­res la terre, des mar­tyrs. Que le Dieu prenne tout ce que je pos­sède, vie, amour. Pourvu qu’il ne me prive pas dans ce monde, de ma Patrie. »

Cha­cun de nos frères qui ont rem­pli les places la nuit du 15 juil­let, ont leur part pour la pro­tec­tion de notre Patrie. Je dis alors, pour cette rai­son, que notre Dji­had soit béni.

Ici, main­tenant, cette image, voyez-vous cette image que nous don­nons avec nos gens de nos 81 villes, nos gens de toutes opin­ions, avec les Prési­dents du CHP et du MHP… Elle doit ren­dre nos enne­mis tristes, elle doit les ren­dre malades, autant que le matin du 16 juillet.

Amis ou enne­mis, le monde a vu…

Le 15 juil­let a mon­tré à nos amis, que ce pays, est non seule­ment fort devant des attaques poli­tiques économiques et diplo­ma­tiques, mais aus­si devant les sab­o­tages mil­i­taires et qu’il ne s’effondre pas, ne sor­ti­ra pas de ses rails. Et nos enne­mis qui attendaient en se frot­tant les mains, pour que la Turquie s’écroule par terre, se sont réveil­lés le lende­main, mal­heureux de voir que leur affaire sera désor­mais plus difficile.

Ce paysage est la preuve et la déc­la­ra­tion du prix que ceux qui visent ne serait-ce qu’une pierre de notre Patrie de mille ans, doivent tenir compte du prix à pay­er. Ce paysage est la preuve et la déc­la­ra­tion que la Turquie attein­dra ses objec­tifs du 2023. Savez-vous quel est notre tra­vail désor­mais ? Dépass­er le niveau des civil­i­sa­tions contemporaines.

Suite aux slo­gans revendi­quant la peine de mort :

Les Prési­dents des par­tis poli­tiques sont ici. Comme la sou­veraineté appar­tient incon­di­tion­nelle­ment à la Nation, et comme vous revendiquez la peine de mort, l’autorité qui décidera de cela est l’assemblée Nationale. Quand notre Assem­blée pren­dra une déci­sion de ce genre, les pas qui devront suiv­re sont évi­dents. S’il s’agit d’approuver, je le déclare dès main­tenant, j’approuverai. Mes frères, quand je vois mon frère dont le corps est divisé en deux sur l’avenue de Vatan (Istan­bul) est-il pos­si­ble que je mette cela de côté ? Mon frère dont la tête était séparée de son corps par une bombe lancée par un F‑16… sa tête s’était envolée sur le cen­tre des con­grès… Après avoir vu cela, il n’y a pas de peine de mort dans l’Union Européenne, il n’y en a pas au Con­seil, il n’y en a pas je ne sais où… Il y en a aux Etat-Unis, il y en a au Japon. Il y en a en chine. Dans la majorité des pays mon­di­aux, il y en a.

L’esclavage et l’humiliation

Le fon­da­teur de notre République Ghazi [titre don­né aux blessés de guerre] Mustafa Kemal, en 1920, dans les jours obscurs où la plus grande par­tie du pays, com­mençant par Istan­bul et Izmir, dis­ait : « N’ayons pas peur, notre Nation est grande. Elle n’acceptera pas l’esclavage et l’humiliation . Mais il faut la réu­nir et la deman­der ‘Ô la Nation, acceptes-tu l’esclavage et l’humiliation ?’ Moi, je con­nais la réponse que ma Nation don­nera. ». Alors, ici, main­tenant, encore une fois, je demande. 96 ans après Ghazi Mustafa Kemal, sur la place de Yenikapı, je vous pose la même ques­tion. Ô la Nation, acceptes tu l’esclavage et l’humiliation ?
C’est cela. Per­son­ne ne peut apporter l’esclavage à cette Nation.

Le 15 juil­let, vous avez mon­tré con­crète­ment en met­tant vos corps con­tre les chars, que vous n’accepterez pas l’esclavage et l’humiliation. Notre ghazi se jette sous les deux che­nilles du char. Son bras est grave­ment blessé. Quand je l’appelle, il me dit ‘Lais­sez moi tomber mon Pres­i­dent, vous, com­ment allez-vous ?’. C’est un esprit hors du commun.

Les écoles militaires

Le gou­verne­ment a fait une déc­la­ra­tion sur la fer­me­ture des lycées mil­i­taires. Cer­tains anciens mil­i­taires ont dit que c’était une erreur. Je leur fait appel, depuis ici, ce sont les mem­bres de FETÖ, for­mé en mono­type [dans ces lycées] qui ont fait cette ten­ta­tive. Alors nous dis­ons que nos écoles [académies] de guerre res­teront, que les diplômés de tous les lycées [y com­pris les Imam Hatip] pour­ront inté­gr­er ces écoles. Désor­mais ceux qui fer­ont des ten­ta­tives sim­i­laires auront la même réponse de ma Nation.

Il y a encore cer­tains qui hési­tent à les nom­mer [FETÖ]. N’hésitons pas. Nous devons nous ren­forcer con­tre les réseaux de traîtrise qui arrivent à s’infiltrer partout. Peu importe le nom que ce réseau de traîtrise porte, FETÖ, ou PKK, ou encore Daech, aucune différence.

Sur le point où nous en sommes arrivés, les rangs sont très nets. D’un côté il y a l’Etat de la République turque, et de l’autre, il y a des organ­i­sa­tions ter­ror­istes dont cer­taines sont dans l’abus eth­nique, d’autres, l’abus religieux, et encore d’autres sont dans la déviance idéologique. Der­rière eux, il y a des forces obscures. Tous ceux qui sont du coté de son Etat, sa Nation, des droits et de la réal­ité sont aujourd’hui ici, à Yenikapı. Je salue les 80 villes d’ici, je salue les 79 millions.

Bien analyser le 15 juillet

Ma Nation sacrée, en tant que Nation et Etat, nous devons bien analyser la ten­ta­tive de coup d’Etat. Nous devons bien éval­uer non seule­ment ceux qui ont réal­isé cette traîtrise mais les forces qui sont der­rière eux, et les motifs qui les ont mobilisés.
Prof­i­tons de cet esprit d’unité et d’union que nous avons. Nous devons trans­former le 15 juil­let en un jour de nais­sance [Milat, util­isé pour le jour de nais­sance de Jesus]. Nous devons met­tre tous les événe­ments gênants sur la table. Nous devons étudi­er tous les procès qui ont frag­ilisé les Forces Armées turques. Nous devons étudi­er de nom­breux procès sim­i­laires. Nous devons étudi­er tous les con­cours [allu­sion au scan­dale de ques­tion­naire volés pour le con­cours d’embauche des fonc­tion­naires] et processus.

Les organ­i­sa­tions terroristes

Les mem­bres des organ­i­sa­tions ter­ror­istes, pour cer­tains, atten­dent leur sort dans les palais de jus­tice, d’autres écopent leur peines, et encore d’autres don­nent leur dernier compte dans leur tombeau. Nous con­nais­sons très bien les forces qui se trou­vent der­rière eux. Quand le temps vien­dra, nous allons met­tre leur compt­abil­ité devant eux.
Le 15 juil­let est dans un de ses aspect, une ten­ta­tive de coup d’Etat, ini­tié par les mem­bres du réseau de traîtrise FETÖ infil­trés dans notre armée. Mais l’affaire n’est pas réduite a cela. C’est à la fois, une ten­ta­tive par la main des ter­ror­istes por­tant des uni­formes mil­i­taires, d’une nou­velle étape, du résul­tat recher­ché par les actions armées du Daech et du PKK. Cette ten­ta­tive est donc, une action ter­ror­iste. Avec toutes ces par­tic­u­lar­ités, le 15 juil­let, est une ten­ta­tive d’occupation de notre pays par la main d’une force armée qui trahit sa Nation et son pays. Nous savons très bien, à qui ces ter­res qui nous appar­ti­en­nent depuis mille ans, allaient être servies dans un plateau en or, si le coup d’état avait réussi.

Que per­son­ne ne s’inquiète…

Nous devons met­tre sur leurs cours nor­mal et naturel, la poli­tique, les médias et le monde des affaires que cette organ­i­sa­tion [FETÖ] essayait de con­cep­tu­alis­er grâce à la force obtenue par des voix illégitimes. Nous devons ren­dre à la Nation, tous les moyens qu’ils ont obtenu [FETÖ] en abu­sant la sen­si­bil­ité religieuse, la bon­té et la sol­i­dar­ité de la Nation. Que per­son­ne ne s’inquiète à cause des foy­ers, écoles, maisons qui ont été fer­més. Aus­si bien les insti­tu­tions de notre Etat que les organ­i­sa­tions de société civile qui ser­vent dans les mêmes secteurs, combleront les man­ques, large­ment et d’une meilleure façon. Nous devons ren­dre les moyens qu’ils ont obtenu à l’étranger, en util­isant le nom et le pres­tige de notre pays, à leur vrai pro­prié­taire, c’est à dire à notre Etat et à notre Nation. Notre gou­verne­ment, avec les prérog­a­tives qu’il détient avec la déc­la­ra­tion de l’état d’urgence, con­tin­ue à faire des pas très impor­tants dans ces domaines.


Dossier spé­cial : 7 août 2016

Ce dossier nous a semblé nécessaire pour à la fois avoir les éléments factuels et des supports d’analyses, et donner nos parti pris, qui ne sont que les nôtres, afin d’amorcer un débat. En effet, tant dans la diaspora kurde et turque en Europe ou ailleurs que dans les gauches européennes et le mouvement libertaire dont nous sommes proches, ce débat internationaliste est indispensable, puisqu’il rejoint tous les autres sur l’avenir des luttes et la défense des utopies qui nous feront avancer.

Chapitres 

Annex­es

et bien d’autres…
Notam­ment sur Susam Sokak pour ses analy­ses, le blog d’Etienne Copeaux….
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