Nous n’allons pas insister sur cette prise de parole, pourtant très applaudie, dont le contenu ultra-nationaliste, bourré de clichés et d’attaques tous azimuts n’étonnera guère. Cet “allié” d’Erdogan a fait sa mue et mis beaucoup de “minarets” dans sa laïcité d’hier.
Un sous discours, sur le modèle du premier ministre, emphatique mais sans grand intérêt politique. On peut faire une remarque cependant. Cette petite leçon populiste d’histoire en plein air, insiste lourdement sur les “ennemis extérieurs” de la Turquie, clairement visés derrière des comparaisons, comme étant l’Occident européen et “américain”.
C’est la Nation qui se dresse contre les ennemis extérieurs et intérieurs, classique des classiques, légitimant tous les états d’urgence et mesures de répression…
J’enlace tous mes frères qui ont leurs yeux et leurs oreilles ici, depuis tous les coins du pays. Votre enthousiasme donne de la force, et éclaire la nuit imposée et l’avenir lumineux. J’enlace toute la Turquie et je présente mes respects et mon amour. Je vois grâce à cette enthousiasme glorifiant que vous êtes restés avec courage, droits debouts devant les enjeux et les séditions semées entre nous. Vous avez enlevé notre drapeau rouge avec fierté. Vous vous êtres appropriés les martyrs avec cœur. Vous avez défendu la fraternité avec conviction. Vous avez donné la leçon aux traitres, sans hésiter. Vous avez montré leurs limites aux terroristes. Vous n’avez pas connu l’échec. Vous avez dit ‘j’existe et je suis là’. Vous avez couru à Yenikapı en disant ‘je ne suis pas écroulé, je suis debout’, et donné la bonne nouvelle d’une résurrection. Je suis heureux parce que je regarde avec fierté la monture qui se lève de notre Turquie. Je suis heureux parce que la Nation est ici, la volonté est ici, la foi est ici, la poignée de fer, la tête qui ne se baisse pas, la force imbattable sont ici, sur cette place. La Turquie avec toutes ses grandeurs et beautés commence un nouveau voyage depuis Yenikapı. La Nation turque s’approprie son destin. Je suis fier de vous tous, je suis fier de la Nation turque.
Le 15 juillet, ils ont projeté notre catastrophe. Le 15 juillet ils ont attendu notre dernier soupir. L’Organisation terroriste FETÖ, a attaqué avec des avions qui appartiennent à notre Nation. Les hélicoptères se sont envolés sur nos têtes, les bombes et balles étaient sur nous. Le 15 mai 1919, Izmir était occupé. Istanbul, à sont tour, le 16 mars 1920. Sachez que le 15 juillet était un nouvel essai d’occupation, un nouveau pas de destruction et de massacre. Les plans de destructions dessinés lors du Mondros, imposés à Sèvres, ont refait surface le 15 juillet. Le proverbe ‘Su uyur düşman uyumaz’ (L’eau s’endort, l’ennemi ne dort pas) a retrouvé encore une fois son sens et sa place. Les tyrans, les traîtres, les pions de l’impérialisme se sont déguisés cette fois, en militaires turcs. Ils ont tourné l’arme de la Nation, contre la Nation. Ils ont voulu frapper un coup mortel sur la Nation, en utilisant les moyens de la Nation.
En parlant de Fetullah Gülen ‘le terroriste d’aspect érudit et musulman, qui a donné l’ordre de frapper, depuis la Pennsylvanie où il es réfugié’ :
Ce prêcheur qui a vendu son âme au satan, ce voïvode [prince serbe] d’aspect musulman, est au sommet de la trahison envers les Turcs et la Turquie, il a battu des records dans la corruption et l’hypocrisie. Véhicule des objectifs des Croisades, FETÖ a ciblé le cœur de la Turquie. Les investisseurs du plan historique de l’Orient, ont poussé FETÖ à attaquer la Nation turque. Tous les milieux sang corrompu, qui jalousent la Turquie, qui veulent se la partager, qui sont dérangés de l’existence de la Nation turque, ont caressé le dos de FETÖ et mis une arme dans sa main. La tentative de coup d’état du 15 juillet, est la tentative de ceux qui ont été vaincus au Kosovo il y a 627 ans, les têtes de ceux qui sont écrasé à Niğbolu il y a 620 ans qui se relèvent, Une contre opération de ceux que nous pensions avoir noyé dans leur propre sang il y a 572 ans à Varna, 563 ans à Istanbul, 490 ans à Mohaç…
Ceux qui ont bombardé le 15 juillet, l’Assemblée Nationale, les établissements de sécurité et de renseignement, massacré nos concitoyens civils et innocents, et ceux qui sont venus sur les rives de Çanakkale et ont tiré sur nous, sont les voyageurs du même chemin obscur. Ceux là, sont les plus basses créatures chargées de piétiner les droits de vies, qui se nourrissent du sang du Turc musulman. Mais ce qu’ils oublient “c’est la force et la noblesse de la Nation turque”. Le 15 juillet, c’est la conscience nationale qui s’est mise devant les chars. La Nation a dit ’stop’ à cette tentative agressive et maudite. C’est vous qui avez protégé la dignité de la démocratie, l’honneur de la République. C’est vous qui étiez le bouclier national. Quel enfant de la Patrie qui a bu du lait mérité, pourrait rester insensible à ce tableau, le soir du 15 juillet ? Qui pourrait accepter comme destin, ce linceul qui se préparait pour notre Nation ? Lequel de mes frères amoureux de la Nation et de la Patrie, pourrait digérer ce qui se passait ? Ils ont voulu vous condamner à la nuit obscure sans aube, vous avec objecté. Ils ont voulu voler votre volonté, vous avez refusé. Quand il a été nécessaire vous vous êtes couchés devant les chars. Quand cela été nécessaire, vous avez marché vers les balles, comme si vous entriez dans une roseraie. Vous avez tenu tête, au feu, à la haine, à la sédition, vous avez épargné cette Patrie sacrée, de la trahison. Parce que vous, vous êtes la Nation turque. Parce que vous êtes la Turquie. Vous êtes les héritiers de grands ancêtres et d’une grandiose histoire…
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Bahçeli, continue ainsi, aligne les références héroïques et historiques, les victoires des turcs et les échecs des ennemis en faisant des parallèles avec le 15 juillet… Peste contre les pays et forces étrangères, notamment contre les Etats-Unis qui ‘fait encore des difficultés pour ne pas rendre Gülen’ et appelle à « rester debout, pour montrer la grandeur des turcs et de la Turquie au monde entier ».
Il note : « Soyons unis et vaillants. La République de la Turquie persistera, sa garantie c’est vous. La souveraineté appartient inconditionnellement à la Nation. La garantie c’est encore vous. » Termine enfin son intervention, en exprimant son souhait que l’unité et la solidarité de la Nation turque soit pérenne et prononce le couplet habituel « Bienheureux celui qui se dit turc ».
Dossier spécial : 7 août 2016
Ce dossier nous a semblé nécessaire pour à la fois avoir les éléments factuels et des supports d’analyses, et donner nos parti pris, qui ne sont que les nôtres, afin d’amorcer un débat. En effet, tant dans la diaspora kurde et turque en Europe ou ailleurs que dans les gauches européennes et le mouvement libertaire dont nous sommes proches, ce débat internationaliste est indispensable, puisqu’il rejoint tous les autres sur l’avenir des luttes et la défense des utopies qui nous feront avancer.
Chapitres
- Yenikapı, un pont dans l’histoire de Turquie Décryptages et analyses…
- Le grand meeting de Yenikapı sous la loupe
- Discours de Devlet Bahçeli, Président du MHP
- Discours de Kemal Kılıçdaroğlu, Président du CHP
- Discours de Binali Yıldırım, Premier Ministre
- Discours de Recep Tayyip Erdoğan, President de la République
- Yenikapı : la réponse de Selahattin Demirtaş
Annexes
et bien d’autres…
Notamment sur Susam Sokak pour ses analyses, le blog d’Etienne Copeaux….
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