Faysal Sarıyıldız, député de Şır­nak du HDP, est actuelle­ment en Alle­magne pour le lance­ment de la cam­pagne de “par­rainage de familles” pour Cizre. Il apporte des pré­ci­sions sur ce qui s’est déroulé sur Cizre, et la sit­u­a­tion actuelle. 


Reportage d’Ayfer Turhal­lı réal­isé à Cologne
pub­lié en turc sur ANF News
le 12 avril


Türkçe metin :

Sarıyıldız: Cizre, Madımak, Maraş, Çorum, Sivas, Roboski yapıldı
Ayfer Turhallı — Röportaj | ANF News


Etiez-vous à Cizre depuis le début du cou­vre-feu, ou vous y êtes-vous ren­du sur place plus tard ?

 page_hdpli-faysal-sariyildiz-bu-sizinle-son-konusmamiz-olabilir_134100631Avant que cela ne com­mence, j’étais à l’étranger pour une vis­ite. Nous devin­ions plus ou moins ce qui allait se pass­er. Suite aux signes apparus sur les réseaux soci­aux, l’ordre de retrait des enseignants par sms, nous savions que le cou­vre-feu allait être mis en place. C’était une sit­u­a­tion évidente.

Quant au sujet d’être acteur à Cizre, là-bas, il y a de grandes résis­tances, des prix très lourds payés pour cela, des per­son­nes qui don­nent leur vie. Je serais gêné de me retrou­ver au pre­mier plan. Ma présence est juste, pour com­mu­nier avec celles et ceux qui se trou­vent là-bas, m’im­prégn­er de la même atmo­sphère, partager la même ardeur. Sinon je sais ma place, et je suis bien sûr con­scient que le respect doit aller au peu­ple de Cizre, à la résis­tance de Cizre et la fière atti­tude de Cizre.

Par­tant de ce point, pourquoi Cizre a attiré autant de haine ?

Si on remé­more le déroulé, les enseignants ont été retirés deux jours avant, par un ordre com­mu­niqué par SMS, en pré­tex­tant une for­ma­tion interne. Ce n’était pas une façon de faire ordi­naire pour cette péri­ode. J’avais pré­cisé déjà à cette péri­ode, via les réseaux soci­aux, qu’il s’agissait d’une « ten­ta­tive de mas­sacre aseptisé ».

Quant à la ques­tion « pourquoi Cizre ?», Cizre est depuis tou­jours, une ville qui pos­sède des réflex­es soci­aux. Si Botan est le cen­tre du Kur­dis­tan, Cizre est le cen­tre de Botan. Et tout au long de l’Histoire, elle est un cen­tre impor­tant pour les Kur­des. Une ville qui a joué un rôle précurseur dans le mou­ve­ment pop­u­laire kurde. Encore, une ville qui compte pour la lutte de la libéra­tion kurde. C’est à dire que Cizre est de tou­jours, un des endroits les plus poli­tiques du Kur­dis­tan. Dans les années 90, cette ville a vécu de nom­breux assas­si­nats dont les sus­pects restent tou­jours “incon­nus”, ses vil­lages ont été expul­sés, brûlés. Elle est aujour­d’hui, une des villes où l’Etat souhaite établir sa dom­i­na­tion. Par con­séquent, Cizre a eu une posi­tion de précurseur. Depuis Cizre, un sale mes­sage a été don­né à notre peu­ple. Et cela a été fait en usant de l’op­pres­sion et de la per­sé­cu­tion peut être les plus sys­té­ma­tisées de ce siècle.

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Vous avez par­lé du fond à la fois his­torique et actuel. Quand on regarde sous l’angle des années 90, et il s’agit d’un passé récent, il y a la réal­ité de cette époque, des vil­lages brûlés, des meurtres non réso­lus, les puits. Ceux qui étaient vic­times, à Cizre étaient-ils les mêmes couch­es pop­u­laires ? C’est à dire, étaient-ils les enfants des généra­tions des années 90 ?

Tout Cizre était un cible. Le HDP a obtenu, [lors des élec­tions de juin 2015], 90% de votes et le reste était celui des fonc­tion­naires. Toutes les couch­es de la société ont pris leur place dans la lutte poli­tique. Dans les “sous-sols de la sauvagerie”, tout le monde y était, du bébé Miray, jusqu’à Hacı Ramazan à 70 ans. 250 per­son­nes ont été mas­sacrées, et la plu­part de ces gens étaient des per­son­nes qui avaient des familles. Il n’y avait pas seule­ment une par­tie de la pop­u­la­tion, il y avait toutes les couch­es pop­u­laires. L’Etat n’a pas fait de dif­férence, il a tiré au hasard, tout a été cible sans hési­ta­tion, et les chars, les canons ont tiré partout. Par exem­ple les frères et soeur Mehmet et Büşra, 11 et 12 ans, Mehmet Veli Mujde, ont été mas­sacrés dans des quartiers où il n’y avait pas de fos­sés, par des tirs de chars au hasard. Dans le quarti­er de Kale, un enfant de 11 ans a été tué. Les chars se sont posi­tion­nés sur les collines, et les tirs au jugé ont fait des vic­times surtout dans des quartiers où il n’y avait pas de fos­sés. Une femme de 59 ans, a été mas­sacrée égale­ment dans le quarti­er de Kale.

Une attaque de masse, une destruc­tion de masse ciblent le peu­ple kurde. En par­tant du principe de l’interdit et de la pénal­i­sa­tion du crime de géno­cide de la con­ven­tion de Genève du 1948, le fait qu’un peu­ple soit pris pour cible, de façon indif­féren­ciée à Cizre, Sur, Silopi et main­tenant à Gev­er et Şır­nak, ne ren­tre-t-il pas dans la caté­gorie de « génocide » ?

Même si ce n’est pas un géno­cide au sens clas­sique du terme, cela peut être défi­ni par « géno­cide poli­tique ». Cela peut être con­sid­éré comme une géno­cide post­mod­erne. Kar­bala cible un groupe religieux bien pré­cis [chi­ites tués par les sun­nites], Madı­mak, un groupe poli­tique par­ti­c­uli­er. A Cizre un Madı­mak, Maraş, Çorum, Sivas, Robos­ki ont été simul­tané­ment réal­isés. 80 de nos dépouilles n’ont pas pu encore être iden­ti­fiées. Les corps sont mis en plusieurs par­ties. Dans les gra­vats, sous les épaves, on trou­ve encore des par­ties de cadavres. Suite à des tests ADN, on a trou­vé les dif­férentes par­ties d’un corps, une était à Antep, une à Urfa, et une autre est sor­tie de la riv­ière Tigre.

Ces sous-sols, bien qu’ils n’étaient pas loin de l’hôpital, à 5 min­utes de route, il n’a pas été pos­si­ble de les attein­dre. Pen­dant qu’Erdoğan dis­ait « Il n’est pas pos­si­ble de les attein­dre à cause des affron­te­ments », les mères ont essayé d’y aller, et se sont ren­dues compte qu’il n’y avait pas d’affrontement. Les policiers et les mil­i­taires se bal­adaient tran­quille­ment dans les rues. Les ambu­lances aurait pu par­faite­ment y aller. Il était évi­dent que l’objectif était de mas­sacr­er en masse toutes les per­son­nes qui s’y trou­vaient. Dans le pre­mier sous-sol, il y avait 31 per­son­nes dont 6 blessés, notam­ment l’étudiant Cihan Kara­man et la lycéenne Sul­tan Irmak. Ils avait pu pren­dre con­tact avec nous, la pre­mière fois le 22 jan­vi­er. Cihan et Sul­tan étaient blessés aus­si. Nous avons essayé de join­dre les autorités. En pre­mier lieu, j’ai appelé 155 Police, ils n’ont pas répon­du. Aucun d’entre eux [les autorités] nous a con­sid­éré comme interlocuteur.

De toutes façons, Erdoğan avait don­né des instruc­tions lors de la réu­nion avec les Gou­verneurs « Vous n’êtes pas oblig­és de suiv­re la lég­is­la­tion ». Il y a des cir­cu­laires por­tant le cachet offi­ciel, envoyées aux autorités civiles. Ils ont dit « N’ayez pas crainte d’être jugés dans l’avenir ». Par con­séquent, la lib­erté de faire ce qu’ils voulaient a été offerte à des per­son­nes à car­ac­tère psy­chopathe. Ils ont voulu créer une peur psy­chologique avec la présence de per­son­nes bar­bus, à apparence de Daech. A savoir, Erdoğan a dépêché sur place, tous les meur­tri­ers des assas­si­nats non réso­lus des années 90.

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Dans une de vos déc­la­ra­tions, vous aviez dit « Ils ont envoyé leurs assas­sins de 50 ans, aux cheveux blancs, ayant vécu des trau­mas dans les années 90 ». Selon vous, en y envoy­ant ces assas­sins, l’Etat turc, a‑t-il obtenu ses objectifs ?

Là-bas, les cheveux blancs ont dis­per­sé la mort. Le fait qu’ils détru­isent 95% des meubles dans les maisons où ils pénètrent, les mes­sages de con­tenu sex­uel et sex­iste qu’ils lais­sent dans les maisons, le fait qu’ils exposent les lin­geries féminines, les cadavres de chats et de chiens accrochés aux pla­fonds sont les signes qui mon­trent leur état psy­chologique. Parce qu’il n’y a aucun mécan­isme pour les inspecter ou juger. Ils pensent qu’ils s’en sor­tiront grâce à une immu­nité. Or il n’y a pas de mécan­isme pour cela. Un ordre qui cor­re­spond à un crime ne doit pas être effec­tué, et le fonc­tion­naire qui l’effectue ne peut pas éviter d’être jugé. Il est jugé comme un criminel.

Bien que les déc­la­ra­tions offi­cielles annon­cent la lev­ée du cou­vre-feu, on observe que ce n’est pas le cas. Con­crète­ment, que s’est-il passé, que se passe-t-il ?

Le Min­istre des affaires Intérieures, a annon­cé que le cou­vre feu était levé le 60ème jour, mais dans les faits, il a été levé au 79ème jour. Pen­dant cette péri­ode, ils ont essayé de faire dis­paraître les preuves des crimes com­mis. Ils sont entrés avec les machines BTP, et pen­dant 20 jours, ils ont enlevé les gra­vats, fait dis­paraître les traces de crimes. Après la fin du cou­vre-feu, les deux immeubles dont les sous-sol étaient scène de sauvageries, étaient tou­jours debouts. Deux immeubles de cinq étages. Nous y sommes entrés. Ensuite, ils ont été entière­ment détru­its et les gra­vats on été jetés sur les bor­ds du Tigre. Pen­dant 60 jours, de graves crimes de guerre ont été com­mis. Con­scients du fait qu’ils aient com­mis des crimes qui apporteront un juge­ment his­torique, ils sont dans la panique de détru­ire les preuves, effac­er les traces. Depuis le 79ème jour le cou­vre-feu est levé, mais il con­tin­ue encore la nuit. Les pièces à con­vic­tion, les preuves ont été trans­portés par des camions. Mais mal­gré ces noir­cisse­ments de preuves, leur sauvagerie est mise à la lumière du jour. Dans les gra­vats il y avait des par­ties de corps. L’accès nous étant inter­dit, sur les images enreg­istrées par les jeunes sur place, les organes d’une femme étaient vis­i­bles. Nous avons immé­di­ate­ment porté plainte auprès du Pro­cureur de la République. La réponse que nous avons reçu dis­ait ceci : « Nous avons con­sulté les unités de sécu­rité. Ils nous ont infor­més qu’elles [par­ties de corps] appar­ti­en­nent à des ani­maux. Nous ne trou­vons donc pas néces­saire d’ouvrir un dossier d’enquête ». L’affaire a été close de cette façon.

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Avez-vous entamé des procé­dures à l’encontre des autorités civiles ?

Bien sur, nous avons essayé toutes les procé­dures, qu’elles soient admin­is­tra­tives ou judi­ci­aires. Nos deman­des sont restées sans suite. Le Min­istre de l’Intérieur avait dit « Nous allons ‘attribuer’ chaque quarti­er à une unité de police ». Vous savez, attribuer admin­is­tra­tive­ment, est un terme sans âme, sans sen­ti­ment, util­isé pour des objets. Des per­son­nes, un quarti­er et ses habi­tants, ne peu­vent pas être attribués de cette façon. Ceci est la man­i­fes­ta­tion d’une philoso­phie, dom­i­nante, impéri­al­iste et méprisante. Cette vision ne peut aboutir qu’à l’affrontement et à la guerre. C’est une sit­u­a­tion qui vio­le la dig­nité humaine. Cela donne un avis sur la vision poli­tique. Les Kur­des sont un peu­ple, ils veu­lent être con­sid­érés comme des êtres humains. Les Kur­des n’ont pas besoin de l’attri­bu­tion admin­is­tra­tive de l’Etat. On nous fait pay­er déjà le prix car juste­ment nous refu­sons cette approche sou­verain­iste à sens unique de l’Etat, et nous voulons être nous mêmes. Nous retournons le terme attri­bu­tion. Il ne trou­vera pas d’accueil par­mi nous. Nous sommes un Peu­ple, qui a une cul­ture, des valeurs, et de l’honneur, nous ne nous met­trons jamais à genoux.

Quel est le plan du gou­verne­ment après cette étape, qu’est-ce qui va suivre ?

Le gou­verne­ment a un plan, et il le suit étape par étape. Cizre est mis à terre. Avec une approche d’ingénierie il veut inter­venir sur la struc­ture des lieux, les tis­sus soci­aux, et créer de nou­velles villes. C’est une méth­ode déter­minée, intru­sive, qui dénie la volon­té des gens. Ceci porte un nom, le fas­cisme post­mod­erne. C’est un délit com­mis con­tre la struc­ture des villes. C’est une méth­ode, qui ressem­ble à met­tre des livres sur une étagère et chercher ce qu’on veut dans un réper­toire. Ils veu­lent créer une telle ville, qui per­met de retrou­ver ce qu’ils cherchent immé­di­ate­ment. C’est une méth­ode qui n’est pas ouverte à des solu­tions mais à des problèmes.

A Silopi, l’Etat pen­sait “avoir résolu le prob­lème”, mais les affron­te­ments ont de nou­veau com­mencé. L’Etat doit savoir qu’il n’aura pas de résul­tats avec ces façons. Face à cela, nous allons don­ner plus de poids à la poli­tique d’organisation démoc­ra­tique. Parce que la recon­nais­sance de l’existence, de l’identité de la valeur de la pop­u­la­tion est néces­saire. Si l’objectif de l’Etat était de répar­er, il n’adopterait pas ces méth­odes. Son but n’est pas de répar­er. Il a une approche de colo­nial­iste qui veut redessin­er les choses à son profit.

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Est-il ques­tion d’un Pro­gramme de réha­bil­i­ta­tion kurde ?

Oui, absol­u­ment. Cela a été fait dans les pre­mières années de la République par des méth­odes brutes. Aujourd’hui, la même chose se fait par des méth­odes post­mod­ernes d’une façon asep­tisée. Les mécan­ismes de dés­in­for­ma­tion, les out­ils de médias sont util­isés avec des moyens très com­plets. La per­cep­tion est tra­vail­lée soigneuse­ment. Les vérités sont trans­for­mées. Un exem­ple de ces derniers jours, est l’installation d’un camp de réfugiés [Quarti­er Tero­lar, à Maraş], sur des ter­res où des pop­u­la­tions alévies vivent, pour y héberg­er des Arabes sun­nites de Syrie. Nous ne sommes pas con­tre ce peu­ple. Nous respec­tons leurs droits. Mais, le souhait de ces gens est de ren­tr­er dans leur pays. Il faut instau­r­er la paix en Syrie et rebâtir les con­di­tions pour qu’ils puis­sent y retourn­er. Le respect se mon­tre de cette façon. Ça ne marche pas en nour­ris­sant Daech. Cela marchera en créant les con­di­tions néces­saires pour que tous les peu­ples, toutes les couch­es de Syrie puis­sent vivre ensem­ble. Le gou­verne­ment, n’a aucune soucis de ce type. Son soucis est le Roja­va, la peur du Kurde, l’inquiétude qu’il ressent devant la nou­velle con­struc­tion sociale au Rojava.

[Qu’on ne se méprenne pas sur ces propos. Le fédéralisme est le moyen politique de vivre ensemble entre communautés différentes, dans la reconnaissance des droits, non dans le déracinement, mais dans des histoires jusque là vécues côte à côte sur des territoires. Ce n’est pas possible quand il s’agit de déportations ailleurs, et principalement justement conçues pour diviser pour mieux régner.]

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Cizre est géo­graphique­ment frontal­ier avec le Roja­va. L’Etat regarde-t-il Cizre avec cette peur ?

C’est une peur qui provient de la prox­im­ité, non pas seule­ment géo­graphique, mais aus­si poli­tique. Cizre a fait beau­coup de chemin en met­tant en place ses insti­tu­tions pour la recon­struc­tion de la vie. Des assem­blées civiles ont été con­sti­tuées. Ceux qui sont morts dans les sous-sol étaient des mem­bres de cette assem­blée. C’était des per­son­nes qui étaient depuis des années acteurs de la vie civile, qui de toute leur vie, n’avaient jamais pris une seule arme dans leur main. Cette prox­im­ité, ce lien, n’influence pas seule­ment les Kur­des, mais aus­si la gauche de la Turquie, les révo­lu­tion­naires social­istes. Des Para­maz, des Sibel, des jeunes social­istes des peu­ples et des pays dif­férents du monde, sont tombés à terre, dans la sol­i­dar­ité. Alors, pour Cizre, mais aus­si pour Nusay­bin, au delà de la prox­im­ité physique et géo­graphique, la prox­im­ité poli­tique est impor­tante, c’est pour cela que le gou­verne­ment agit comme cela.

Ils veu­lent donc installer des réfugiés arabes à la frontière ?

Ils ont com­mencé par le quarti­er Tero­lar, à Maraş. Ils ont ce pro­jet. Nous ne sommes pas insen­si­bles aux réfugiés. Je tiens à pré­cis­er de nou­veau, pour qu’ils vivent dans des con­di­tions égal­i­taires, ces con­di­tions doivent être mis­es en place.

Nous ne per­me­t­trons pas le change­ment démo­graphique, par les poli­tiques d’hébergement de migrants déportés. Dans les années 1920, on arrivait peut être à quelques fins avec ces méth­odes, mais en tant que représen­tants, nous ne le per­me­t­trons pas aujourd’hui. Cette méth­ode prend les réfugiés comme vic­times. Ces ter­res ne sont pas com­pat­i­bles à leur style de vie. Nous nous bat­trons con­tre ces poli­tiques. A Pazarcık, les habi­tants ont mon­tré leur réac­tion. Que cela se sache, un esprit prend nais­sance comme à Gezi, à Karate­pe, on résiste et un expose une pos­ture et une volon­té de masse.

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La campagne de parrainage familial

Vous êtes actuelle­ment en Europe, pourquoi ? Qu’attendez-vous du peu­ple kurde qui vit en Europe ?

Dans ce dernier mois, je suis venu en Europe trois fois. Les prob­lèmes sont très lourds, très graves. Ici, il y a une pop­u­la­tion kurde très impor­tante. Pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui, des cen­taines de mil­liers de per­son­nes de notre peu­ple ont démé­nagé ici, aupar­a­vant. Cizre a vécu une destruc­tion physique et psy­chique. Nous ne pou­vons rien atten­dre de l’Etat qui a fait cette sauvagerie, nous le savons. en tant que peu­ple, nous devons donc panser nos blessures, nous mêmes. Notre attente de la part de la dias­po­ra kurde est par­ti­c­ulière­ment impor­tante. Il n’y a pas seul Cizre, mais aus­si Sur, Far­qîn (Sil­van), Nusay­bin, Gev­er (Yük­seko­va), Silopi, Şır­nak. Nous avons com­mencé une cam­pagne de sol­i­dar­ité, de par­rainages de familles. Grâce à ce pro­jet, chaque famille, va pou­voir pro­téger, soutenir, s’approprier une famille pen­dant un an. Il ne s’agit pas seule­ment d’une aide finan­cière, mais c’est égale­ment un pro­jet d’aide de réha­bil­i­ta­tion. C’est un fort lien avec la dias­po­ra. Les souf­frances guéris­sent quand elles sont partagées. Des mil­liers de familles doivent se connecter.

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Il faut com­pren­dre que ce pro­jet fera du bien à notre peu­ple là-bas. Je voudrais don­ner un exem­ple. Orhan Tunç, le frère de Mehmet Tunç [Co Prési­dent du con­seil pop­u­laire de Cizre, égale­ment mort dans un sous-sol], par­le une dernière fois au télé­phone avec sa mère. Elle lui dit qu’il vient d’avoir un fils. Orhan Tunç, dit à sa mère, comme un dernier souhait, « Appelez mon fils Bêkes » (esseulé). Il y a donc un sen­ti­ment comme ça. [Dans les sous-sols] eux, ils ont dit « Nous ne nous pli­erons pas devant la per­sé­cu­tion » et ils ont résisté. Nous devons cass­er ce sen­ti­ment d’être bêkes, d’être aban­don­né. Notre peu­ple n’est pas bêkes.

Par ailleurs, nous nous sommes entretenus avec des organ­i­sa­tions de la société civile en Alle­magne et en Autriche. Nous avons dis­cuté avec les représen­tants de trois par­tis autrichiens, et en Alle­magne, nous avons ren­con­tré des parlementaires.

Nous leur avons trans­mis, que ce ne sont pas seule­ment les villes kur­des qui sont détru­ites, mais qu’à tra­vers ces crimes com­mis con­tre l’humanité, les valeurs com­munes de l’humanité sont pris­es pour cible. Pour l’instant, les poli­tiques, surtout en Alle­magne, réagis­sent avec leurs références poli­tiques pro­pres, ils ne voient pas l’aspect humain. Mal­gré cela, nous n’hésiterons pas à trans­met­tre la sit­u­a­tion. Les crimes con­tre l’humanité sont com­mis au Moyen Ori­ent, au Kur­dis­tan, et ne restent pas lim­ités à cette région. Ils affectent toute l’humanité.


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Tous les témoignages s’ac­cu­mu­lent, et tous met­tent en lumière les crimes com­mis, crimes de guerre, crimes à car­ac­tère géno­cidaire, délibérés. Des ami(e)s de retour du Kur­dis­tan Nord, fin mars, décrivent les mêmes hor­reurs, témoignent des mêmes visions des sous sols, et pour­tant décrivent aus­si les résis­tances sur place, et la vie qui veut s’im­pos­er. A la fois parce que tous les témoignages seront autant d’archives pour que le “on ne savait pas” n’ar­rive pas un jour comme réponse à une demande de “jus­tice”, et parce qu’il est néces­saire de con­tribuer à la vie sur place, en tis­sant des sol­i­dar­ités et en infor­mant, nous con­tin­uerons à relay­er l’innommable. Et à le faire sans fard ni jar­gon convenu.

Et nous sommes aus­si disponibles pour relay­er l’in­for­ma­tion sur les ini­tia­tives con­crètes, comme celles qui sont demandées ici, dès lors où elles ne seront pas que de sim­ples faire val­oir pour des par­tis ou organ­i­sa­tions qui se sen­ti­raient redev­ables pour leur bruyant silence remar­qué jusqu’i­ci, mais de véri­ta­bles engage­ments à agir et à sus­citer des actions.


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