Nous avons fait la con­nais­sance de Yan­nis à tra­vers les luttes pour l’objection de con­science en Turquie en pré­parant l’ar­ti­cle sur l’ac­quit­te­ment d’İn­an Mayıs Aru.

pontos mer noireYan­nis Vasilis est un activiste mul­ti-fronts. Il mène une lutte par­ti­c­ulière pour le “Pon­tos” d’où il est natif. C’est la “Côte pon­tique”, autrement dit côte de la Mer Noire, situé entre Sinop et Tra­b­zon, qui était depuis 800 av. J.-C., ter­res des Rums, jusqu’à ce que l’Empire Rum* de Tra­b­zon tombe sous la coupe de Fatih Sul­tan Mehmet en 1461. La pop­u­la­tion de la région est encore à majorité Rums à l’o­rig­ine. Yan­nis en fait par­tie, bien qu’il ait décou­vert ses vraies orig­ines tardivement.


* Rum : Le mot ‘Grec’ en français est le seul terme utilisé pour qualifier l’ensemble des Grecs vivant dans le monde. Or en turc comme en grec, il existe une distinction nette entre un Grec de Grèce (Yunanlı, Eλληνας) et un Grec de Turquie et de Chypre (Rum, Ρομιος). Le mot ‘Rum’ est dérivé du ‘Romain’ et fait référence à l’Empire romain d’Orient autrement dit l’Empire byzantin. Il existe également une auto distinction entre Rums et Grecs de Grèce.

carte-turquie-sirnakYan­nis réside actuelle­ment à Robos­ki, et il milite pour la Paix. Le nom de ce vil­lage doit vous paraître fam­i­li­er. Vil­lage frontal­ier, com­mune de Şır­nak, Robos­ki a été scène d’un mas­sacre le 28 décem­bre 2011, où 34 kur­des avaient été tués.

Nous croi­sons Yan­nis dans dif­férentes mobil­i­sa­tions. Quand on est con­tre la guerre, pour la fra­ter­nité, qu’on dénonce les nation­al­ismes et qu’on porte un regard plus qu’acide envers l’E­tat, il n’y a rien d’é­ton­nant à vouloir faire con­verg­er les luttes, puisqu’il s’ag­it d’un ensem­ble cohérent…

Lors de nos échanges à dis­tance, nous essayons de décou­vrir qui il est. Yan­nis nous ori­ente vers une inter­view qu’il avait don­né à Mehmet Göçek­li de Demokrat Haber. Une sacré his­toire de vie ! Une véri­ta­ble transformation.

Yan­nis Vasilis, avec son anci­enne iden­tité, “Ibrahim Yay­lalı” était allé en 1994 faire son ser­vice mil­i­taire. Très motivé il avait même choisi d’être com­man­do et avait demandé à aller dans l’Est pour com­bat­tre les “ter­ror­istes kur­des”. Ibrahim, blessé, sera pris par le PKK et il restera pris­on­nier pen­dant 2 ans et 3 mois. Et il vivra une véri­ta­ble trans­for­ma­tion qui l’a amené à devenir le mil­i­tant qu’il est aujour­d’hui. A l’époque, la famille d’Ibrahim deman­dera de l’aide à l’Etat turc, pour sauver leur fils “des mains du PKK”. La réponse de l’Etat sera « Nous savons que vous êtes des Rums, ne fouillez pas trop cette affaire ».

Ce reportage, qui vaut le détour a été pub­lié en juil­let 2014.
Depuis, Yan­nis a retrou­vé offi­cielle­ment son iden­tité, con­tin­ue à militer, et il y a plein de procès en cours à son encontre…


L’interview

yannis vasilis yaylali 1• Les mem­bres de ta famille savaient-ils qu’ils étaient des Rums ?

Ma mère util­i­sait le mot dön­me [lit­térale­ment tourné qui dans la langue pop­u­laire, veut dire con­ver­ti] pour mon père, mais je n’ai jamais cher­ché à savoir ce que cela voulait dire. Lors des dis­cus­sions, ma mère taquinait mon père en lui adres­sant des “dön­me”. Et quand on demandait « pourquoi dön­me ? », « dön­me de quoi ? », elle ne répondait pas. Nous l’avons appris bien après. La soeur de mon père avait racon­té à ma mère la sit­u­a­tion de leur famille. Mais elles ont clos ensuite ce sujet. Cela ne nous a jamais été expliqué. Il y avait peut être de la peur, ou un refus d’accepter cette réal­ité. Parce que dans notre coin, le fait de ne pas être musul­man est util­isé comme un insulte. Dans ma famille il n’y a eu aucune com­mu­ni­ca­tion sur ce sujet.

• Et com­ment as-tu appris que tu étais Rum ?

Quand j’ai été retenu pris­on­nier par le PKK en sep­tem­bre 1994. J’ai com­mencé mon ser­vice mil­i­taire en avril. J’ai fait l’école à Ispar­ta, ensuite je suis allé à la Gen­darmerie de Mardin. Après 25 jours passés là-bas, nous avions été envoyés à Gabar, com­mune de Şır­nak. Il y avait un besoin urgent de sol­dats, nous y étions envoyés alors que nous n’avions que 25 jours d’expérience. Quand nous sommes arrivés, la majorité des vil­lages étaient expul­sés et détru­its. Cette péri­ode était celle où les descentes et les incendies de vil­lages étaient les plus intens­es. A cette époque, l’Etat fai­sait de l’oppression sur les vil­la­geois, pour faire accepter son autorité. Nous avons vu tout cela en arrivant sur place.

Un mois et demi après mon arrivé dans cette région, dans un endroit nom­mé Kela Mehmet, un affron­te­ment s’est déroulé. Plus de 30 mil­i­taires sont morts et on nous a appelés à l’aide. Notre unité, était très célèbre à cette époque, nous viv­ions à la mon­tagne comme les combattants.

Nous nous sommes donc ren­dus à Kela Mehmet, nous avons fait des patrouilles pen­dant deux jours. Le troisième jour, les koru­cu [des gardes choi­sis dans la pop­u­la­tion coopérant avec les mil­i­taires] nous ont dit qu’ils avaient repéré des com­bat­tants. J’étais dans l’unité de recon­nais­sance. A cette péri­ode, on ne pou­vait pas totale­ment faire con­fi­ance aux koru­cu, car ils subis­saient un cal­vaire jusqu’à ce qu’ils acceptent de force ce rôle. S’ils n’acceptaient pas, on les autori­sait à semer, mais pas pour récolter par exem­ple. C’est pour cela que les koru­cu n’acceptaient pas trop, de par­ticiper aux affrontements.

• Alors, quelle était ta moti­va­tion ? Le koru­cu ne veut pas se bat­tre, et toi, tu veux être devant le front.

Ma moti­va­tion était le dra­peau. Je suis allé au bureau mil­i­taire, me porter volon­taire pour devenir com­man­do… Quand on était des bleus [après la péri­ode d’école], ils nous ont dit « lev­ez les mains, nous allons envoy­er ceux qui veu­lent à Chypre ». J’ai bais­sé la main de mon copain, en lui dis­ant « Que fais-tu, avons nous reçu tout cet entraine­ment pour fuir ? ». J’étais une per­son­ne motivée par la Patrie, la Nation, et enne­mi des Kurdes.

Le 3ème jour, nous sommes allés donc au Kela Mehmet, pour véri­fi­er s’il y avait quelqu’un ou non. Nous n’avons rien trou­vé et sur le coup de 18h 19h, alors que le soleil se couchait, nous avons décidé de ren­tr­er. Tout à coup, des rafales venant de trois endroits dif­férents ont com­mencé. Nous nous sommes ren­dus compte qu’ils ne tiraient pas pour tuer. Les com­bat­tants font leur pos­si­ble pour ne pas tuer sans être oblig­ée, parce qu’ils savent que les funérailles des sol­dats morts devi­en­nent des rit­uels qui ser­vent à faire per­dur­er le sys­tème de guerre…

Alors que je rec­u­lais, une balle indi­recte a déchi­queté le dessus de mon pied. Je n’ai tou­jours pas de sen­sa­tion à cet endroit. Dans le mou­ve­ment, je ne me suis pas ren­du compte, j’ai con­tin­ué à déguer­pir mais, j’ai com­mencé à ne plus pou­voir courir. Nous étions tombé dans un guet-apen, nous avons essayé de fuir en prof­i­tant de l’obscurité. Nous voulions juste récupér­er et atta­quer de nou­veau. En courant sur un endroit comme un pont, je me suis vu vol­er dans l’air. J’était tombé de 30, 40 mètres, sur le dos. Heureuse­ment, j’avais mon sac à dos, c’est lui qui m’a sauvé.

Ensuite, je suis revenu à moi, j’ai regardé autour de moi, per­son­ne. Je tenais tou­jours mon fusil G3, je ne l’avais pas lâché, mais il ne mar­chait plus. Je véri­fie les grenades etc, tout était bon… J’étais réveil­lé mais je ne fai­sait pas de bruit pour ne pas être trou­vé. Je voulais me met­tre dans un endroit sûr et atten­dre les mil­i­taires. Là, j’ai vu que mon pied droit était blessé. Quand j’ai touché, j’ai attrapé des bouts de peau. Il fai­sait très noir, je ne voy­ais rien. J’ai enlevé mon t‑shirt et j’ai fait un gar­rot… Je me suis reposé mais je n’ai pas pu me met­tre debout. Mon fusil ne mar­chait pas, alors je l’ai cassé en frap­pant sur les pier­res, pour qu’il ne soit pas récupéré par l’ennemi. Et j’ai mis les grenades sous ma main, au cas où il se passerait quelque chose, je voulais lancer une en face, et une au milieu… Qu’ils soient emportés, et moi avec.

Sur ce sujet, tu prends le même enseigne­ment que les com­bat­tants. Tu ferais tout pour ne pas être pris pris­on­nier. Leur principe est légitime, car les com­bat­tants attrapés, s’ils ne don­naient pas d’informations utiles, étaient tout de suite tués. J’ai vu, les cadavres des com­bat­tants mis en pièces. Une fois je n’avais pas pu sup­port­er que ces corps soient mis en morceaux et j’ai cou­ru vom­ir. La guerre ne s’apprend pas dans les livres, c’est dif­férent de répéter « Patrie, Nation… » et de voir des choses comme ça. Quand j’ai vomi, le ser­gent m’a engueulé : « T’es un mec, t’es un Turc, non ? Pourquoi tu vom­is ? ». La rai­son de tor­tur­er des cadavres c’est la moti­va­tion des sol­dats pour la guerre. En tout cas, les com­bat­tants, en aucun cas, ne pou­vaient rester en vie sans pass­er aux aveux.

[Un Newroz à Cizre en 1992 : Voir vidéo]

Nous sommes allés brûler le village qui nous avait nourris.

yesilyurt journal 1994

Une des pre­mières d’une longue série d’in­fos relayées par la presse. Le pré­posé du vil­lage Yesi­lyurt : “Je n’ai pas voulu porter plainte pour ne pas accuser l’E­tat jusqu’à ce qu’on fasse manger des excré­ments aux vil­la­geois.” (Cumhuriyet ‑1994)

J’ai été témoin d’une opéra­tion d’incendie à Gabar. La nour­ri­t­ure qui nous était fournie n’était pas suff­isante. Il y avait aux alen­tours, quelques vil­lages dont les habi­tants n’acceptaient pas d’être koru­cu mais qui ne quit­taient pas non plus le vil­lage. Ce genre de vil­lages étaient la cible de toutes sortes de vio­lences. Notre objec­tif etait d’évacuer les vil­lages. Puisque nous n’avions pas assez de nour­ri­t­ure, nous avons décidé à quelques uns, d’aller au vil­lage. Nous y sommes allés. Nous étions un peu inqui­ets car si les autres mil­i­taires appre­naient cela, ils pour­raient nous pénalis­er. Mais, nous mar­chions, nous nous dépen­sions beau­coup et nous ne man­gions pas assez. Dans les vil­lages, il y avait du miel, des aman­des. Quand nous sommes arrivés, vous avons vu un vieux pépé qui attendait. Nous avons voulu lui acheter du miel et des aman­des. Il nous a dit, je veux bien que vous les pre­niez mais je ne veux pas d’argent. après autant de per­sé­cu­tion de la part des mil­i­taires, il dis­ait encore cela. Ce n’ était pas de peur, l’homme avait dépassé la peur, la souf­france fai­sait par­tie de son quo­ti­di­en. Il refu­sait notre argent. Nous n’avons pas accep­té, nous avons insisté, alors il nous a dit, « dans ce cas, je vais aus­si vous don­ner des chaus­settes ». Il nous a don­né des chaus­settes en laine tri­cotées à la main.

Le soir même, il y a eu une réu­nion au QG. Une déci­sion était prise pour un vil­lage, que les habi­tants ne voulaient pas quit­ter. Ils nous ont dit « Nous allons évac­uer ce vil­lage, ils aident les ter­ror­istes ». Il s’agis­sait du vil­lage où on avait pris du miel, des aman­des, et des chaussettes.

Quand on y réflé­chit, c’était un vil­lage com­plète­ment assiégé, ils ne pou­vaient aider per­son­ne… Le lende­main nous sommes allés au vil­lage. Tu t’at­tends à quelque chose de plus ou moins légal, comme dans les films… Comme dire « Nous vous pri­ons d’évacuer le vil­lage », comme dans le film de Mah­sun Kır­mızıgül. [Güneşi Gördüm — J’ai vu le soleil] Tout d’un coup on a enten­du des bruits, l’équipe précé­dente était ren­trée [dans une mai­son], frap­paient les gens, coups de poings, coups de pied, et cas­saient les affaires. Je me suis dit, je vais trou­ver le vieux d’hier, pour le pro­téger… Mal­gré mon racisme vieux de 20 ans, je cher­chais l’homme. Je l’ai cher­ché, il ‘y était pas, sa mai­son avait été incendiée. Il y avait une paire de chaus­settes comme celles qu’il nous avait don­nées, accrochée dans sa mai­son, elle brûlait aus­si. Les gens pleu­raient, cri­aient, sous les coups… Moi j’ai vu tout ça, là-bas… J’ai vu aus­si que les gens sont sor­tis, en étant bat­tus. Ceux qui font cela là-bas, savent qu’ils font des mau­vais­es choses. C’est pour cela que tous les soirs, ils réu­nis­sent les sol­dats, et ils répè­tent sans arrêt « Voilà, nous avons fait ça, parce que ces gens sont mau­vais, ils ont fait ceci, cela ». Parce que tu tombes dans l’hésitation, tu te deman­des « qu’est-ce qu’on est en train de faire ici ? ».


Kırkkuyu, Kavuncu, Atbaşı, Bağpınar, quelques villages en ruines, tous sur le flan Est de Gabar, une impressionnante montagne de 1200 mètres d’altitude. Kızılsu à 700 mètres d’altitude pourrait bien être le lieu où les gens des villages détruits sont relogés. Ils sont maintenant bien “protégés” par un poste de gendarmerie tout neuf, deux murs d’enceinte, miradors, piste pour hélico, grosse antenne, probablement mitrailleuses lourdes. La gendarmerie bénéficie d’une route asphaltée, pas le village. Kızılsu est donc un “regroupement”, comme disaient les militaires français en Algérie : un gros village protégé par le poste militaire.

Pour approfondir ce sujet vous pouvez lire la série de trois esquisses d’Etienne Copeaux sur Susam Sokak : n°1/Les villages fantômes, n°2/Migrations forcées, et n°3/L’impossible retour

Les « Loups-Gris » étaient mes héros

J’ai gran­di à Sam­sun, à Bafra. Les grands frères qui descendaient les gauchistes, les révo­lu­tion­naires étaient nos héros. Nous les admiri­ons. Il y avait Yaşar abi [abi : grand frère], nous étions des admi­ra­teurs. Ils se con­frontaient aus­si à la police… Une fois j’étais entré dans un affron­te­ment, quand j’étais gamin, c’est lui qui m’a sor­ti de là. Il était devenu mon héros. Nous voyions ces grands frères comme des défenseurs de notre quarti­er et nous étions admi­rat­ifs. Nous ne savions pas qu’ils tuaient les mil­i­tants de gauche et ensuite qu’ils affrontaient à la police qui venait. Avec ces idées reçues, je les ai suiv­is partout, à l’école, à la mosquée. Dans les mosquées on insul­tait sans arrêt les Kur­des, et à l’école nous avions des enseignants racistes. Et nous en étions fiers.

• Nous étions au moment où tu étais blessé… que s’est-il passé après ?

Je me suis reposé et j’ai un peu récupéré. Je me suis dit que si je ne pou­vait pas sor­tir d’ici, les com­bat­tants me trou­veraient et me tueraient, je dois sor­tir et atten­dre les miens. [Le jour s’est levé] J’ai tra­ver­sé le ruis­seau en me traî­nant, je ne pou­vais pas marcher. Il y avait une mai­son près du ruis­seau. C’était une mai­son de vil­lage évac­uée. Les habi­tants étaient par­tis sans pou­voir pren­dre quoi que ce soit avec eux. Ça, je le savais bien. Je suis entrée pour me trou­ver des habits, il pleu­vait, j’étais trem­pé. Une fois à l’intérieur, j’ai enten­du la porte. J’avais des yeux grands ouverts, j’ai pris mes grenades en main. Je n’avais encore jamais vu de com­bat­tant vivant. La porte s’est ouverte, un chat est entré. Je me suis dit qu’il fal­lait que je quitte cette mai­son. Je suis sor­ti, j’ai trou­vé un endroit comme une grotte [dans les hau­teurs]. La journée s’est passée comme ça et le lende­main, alors que le soleil se couchait, je me suis évanoui car j’avais per­du trop de sang.

des-combattants-kurdes-montagnesLes com­bat­tants allaient manger dans ce coin. Une femme, en ramas­sant du petit bois pour le feu, m’a trou­vé incon­scient. [Bien que j’étais habil­lé en civ­il ] elle a vu ma plaque matricule et com­pris que j’étais mil­i­taire. D’abord elle m’a réveil­lé et a appelé ses cama­rades qui étaient plus bas. Nor­male­ment, elle ne devait pas, j’avais des grenades sur moi, et avant tout, elle aurait du les pren­dre. Je me suis réveil­lé, je l’ai vue. « Que fait-elle ici ? J’ai des grenades » je me suis dit. J’ai essayé de les saisir, mais mes bras ne se lev­aient pas. Les com­bat­tants sont arrivés et ont pris mes grenades. Si j’avais été en meilleure forme, j’au­rais tout fait exploser.

Je n’ai pas accepté les soins et leur nourriture

Ceux qui m’avaient cap­turé, était un groupe de 60 per­son­nes organ­isées en trois unités. Ils se posi­tion­naient dans une région près de la fron­tière iraki­enne. Ils m’ont descen­du de là. Ils m’ont pro­posé de soign­er ma blessure. Je ne l’ai pas accep­té. Ils m’ont sug­géré de manger, je n’ai pas voulu manger leur nour­ri­t­ure. Le médecin de l’unité est arrivé, je ne lui ai pas per­mis de met­tre des panse­ments à ma blessure. Ils m’ont dit que j’était pris­on­nier de guerre et qu’ils se com­porteraient dans le respect des con­ven­tions de guerre. Avec tout cela, je me suis de nou­veau évanoui. En me réveil­lant j’ai vu qu’ils en avaient prof­ité pour me faire une piqûre hémo­sta­tique et soigné ma blessure. Je me suis dit, qu’ils allait essay­er de soutir­er des infor­ma­tion en me tor­tu­rant. Je ne m’attendais à rien de bien de leur part. Puisque tu ne te com­portes pas con­for­mé­ment au Droit, tu attends la même chose de ceux qui sont en face. Je me suis dit « ils vont te met­tre en mille morceaux, pour sûr. »

Avant moi, un sous-lieu­tenant avait été pris otage. Avec moi, ça fai­sait deux. L’Etat n’avait pas arrêté d’inquiéter les mil­i­taires pris en otage avant. Il y avait un sous-offici­er, il en avait bavé. Yen­er Soy­lu, il a d’ailleurs écrit un livre plus tard. Il a pris sa famille et s’est instal­lé dans un pays européen.

Un moment plus tard, il y a eu des jour­nal­istes qui sont venus faire des reportages. Je fai­sais des appels à l’attention des mères [dont les fils étaient pris en otage par le PKK] en dis­ant « ne soyez pas inquiètes ». Ceux qui ont fait ces reportages, les ont cen­surés, ces pro­pos étaient coupés.

yannis vasilis foto faruk balikci

• Alors que tu étais le com­man­do Ibrahim qui par­tait à la guerre con­tre le ter­ror­isme, tu vas devenir bien­tôt Yan­nis Vasilis. Com­ment ce change­ment est-il arrivé ?

Je suis le plus éton­né. Si quelqu’un m’avait dit il y a trente ans, que je deviendrais Rum plus tard, je l’aurais incendié d’injures. Dans mon pays, Bafra, les Kur­des font les boulots les plus lourds, les plus dégradants et chez nous il y a beau­coup de racisme. Quand j’étais jeune, il nous arrivait de bat­tre les jeunes Kur­des… Après ces expéri­ences, un de mes amis de jeunesse m’a demandé « Dis, on bat­tait les Kur­des ensem­ble, que t’est-il arrivé ? ». Je lui ai répon­du « Nous étions des goss­es, nous ne savions pas ce qu’on fai­sait ». Je reviens de loin.

Voilà ce qui a déclenché la réflex­ion chez-moi. Il y avait toute un for­matage appris par coeur pen­dant vingt ans. Dans une péri­ode de 2 mois et demi de guerre, j’ai fait les comptes de ces vingt ans. J’ai pris comme don­nées des exem­ples comme des incendies de vil­lage, des exac­tions qui peu­vent être con­sid­érées comme crimes de guerre. Mais je n’arrivais pas à résoudre l’équation. Après je suis tombé dans les mains des com­bat­tants. D’abord, j’ai perçu leur pro­pos comme de la pro­pa­gande ou comme du théâtre. Je pen­sais qu’ils fai­saient du théâtre.

Un com­bat­tant respon­s­able par­lait, racon­tait des trucs, je n’écoutais même pas. Pourquoi j’écouterai un ter­ror­iste ? Je cher­chais un moyen de m’échapper.

Il y avait un corps entouré d’un tapis, posé près du feu. Je le regar­dais. Ils trans­portent les corps des com­bat­tants pour les enter­rer dans les cimetières des mar­tyrs. J’ai fait la route vers le Sud, pen­dant deux jours, avec ce corps. Sur un des mulets le com­bat­tant mort, sur l’autre moi, blessé, nous avons voy­agé pen­dant deux jours.

Tu peux faire du théâtre mais com­ment tu peux con­tin­uer autant ? J’ai atten­du pen­dant des jours, le moment où ils allaient me tor­tur­er… Leur cama­rade mort à côté de moi et ils ne se rap­prochaient pas de moi, avec la haine. C’est cette route et les com­porte­ments que j’ai observés jusqu’à notre arrivée qui m’ont transformé.

La-bas, j’ai lu un livre d’ İsm­ail Beşikçi, “La méth­ode sci­en­tifique”. Il m’a beau­coup inspiré. Les autres livres n’ont pas eu d’effet sur moi. C’était des his­toires. Mais ce qui m’a influ­encé le plus, c’était leur rela­tions sociales entre eux, et leur com­porte­ment envers moi. Nous, nous avons trente six mille jeux de pieds entre nous, et là, tu regardes il n’y a pas de coup mon­té, ni d’intrigue. Per­son­ne n’injurie, per­son­ne ne par­le au dos d’un autre. Avant je voy­ais chez eux, comme quelque chose de bor­délique, une masse de per­son­nes, un peu comme Daech aujourd’hui.

• Com­bi­en de temps ton proces­sus de trans­for­ma­tion a‑t-il pris ?

montagnes kurdesHuit mois. Pens­es-tu que huit mois c’est long ?… Vingt années ont changé en huit mois. Qu’est-ce que c’est huit mois, à côté de vingt années ? Au bout de huit mois, j’étais sor­ti du sys­tème. J’étais avec un autre militaire.

Tu te dis, je suis quelqu’un de bon, tu brûles les vil­lages, tu tor­tures vivant ou mort, et le type que tu qual­i­fies de mau­vais, se com­porte correctement.

Quand il pren­nent des pris­on­niers, ils les déclar­ent à la Croix Rouge. Pas au Kızılay [Crois­sant Rouge turc], parce que celui-ci n’en a rien à cir­er. En principe Kızılay n’est pas une insti­tu­tion de l’Etat, elle est civile et indépen­dante. Son règle­ment est inspiré de celui de la Croix Rouge. L’article 7 du règle­ment, con­cerne la com­mu­ni­ca­tion sur les pris­es de pris­on­nier. Il est de son devoir de trans­fér­er le pris­on­nier à son pays ou s’il le souhaite, dans un autre pays. Mais Kızılay se com­porte comme une organ­i­sa­tion d’Etat. Dans la pre­mière semaine, ils ont donc appelé la Croix Rouge, qui est venu m’ausculter. Ils m’ont aus­si don­né du papi­er et cray­on pour que je puisse décrire en détail ma sit­u­a­tion et la don­ner à la Croix Rouge. Qui t’a blessé ? Com­ment es-tu traité ? etc.

combattants-the-feuJ’y suis resté 2 ans 3 mois. J’ai com­pris que cela ne pou­vait pas con­tin­uer comme ça. J’ai vu que les efforts d’uniformiser ces ter­res rich­es [de Cul­tures] ne pour­raient pas aboutir.

Nous pou­vions écrire à nos famille et les appel­er de temps en temps. J’ai appelé ma famille au troisième mois de ma cap­ture. J’ai racon­té tout à ma mère, elle ne m’a pas cru, après elle s’est évanouie. Mon père a pris le télé­phone, je lui ai expliqué aus­si. Je lui ai demandé d’aller au bureau du Ser­vice Mil­i­taire et de leur deman­der ma situation.

En fait, avant de par­tir à la mon­tagne, je les avais appelé et je les avais prévenu que j’allais être injoignable pen­dant six, sept mois. C’est pour cela qu’ils ne s’étaient pas inquiétés. Et l’Etat n’avait rien dit à ma famille.

L’Etat con­nait le PKK. Il sait que les mil­i­taires pris­on­niers du PKK se trans­for­ment. Je n’en ai ren­con­tré aucun qui est ren­tré sans vivre ce changement.

Mon père va donc voir le bureau, mais ils dis­ent qu’il ne peu­vent pas don­ner des infor­ma­tions. Après, il con­tacte la mafia turque. Il pense que eux, con­tac­teront à leur tout la mafia kurde, qui elle, me sauvera. Mon père venait d’être retraité. Ils ont per­du pas mal d’argent comme ça. Mon oncle con­nais­sait des officiers d’E­tat-Major. Ils essayaient de le voir et de se ren­dre à Ankara. C’est un autre homme qui vient leur par­ler à la place. Mon père se plaint en dis­ant « On ne nous donne aucune infor­ma­tion. L’armée n’accepte même pas que mon fils soit en ser­vice mil­i­taire ». L’homme répond « Oncle, nous vous con­nais­sons. Vous êtes des Rums. Nous pou­vons annon­cer que vous êtes des Rums mem­bres du PKK et si on fait ça, vous aurez des dif­fi­cultés. Ne fouillez pas trop. »

• Que ressent ton père ?

Il ne peux rien dire… Eux, il savent qu’ils sont des dön­mes mais ils se sen­tent turcs. Et puisqu’ils se voient comme des turcs, pensent que l’Etat les con­sid­ère comme turcs aus­si, mais voilà, l’Etat n’oublie pas.

C’est les jour­nal­istes qui me l’ont dit. Namık Durukan par exem­ple, il venait sou­vent. Nous leur don­nions nos let­tres, il les don­naient à nos familles, et nous appor­taient des nou­velles. J’ai eu l’information, c’est à dire qu’on avait dit à ma famille que nous étions d’origine rum et que ma famille était con­seil­lée de ne pas trop fouiller l’affaire, au 8ème ou 9ème mois. Les jour­nal­istes l’avaient su en faisant des reportages avec ma famille, ils me l’ont transmi.

• Quel genre de sen­ti­ment peut-on avoir en apprenant qu’on est Rum, en faisant la guerre pour les turcs ?

Ma vision a été changée, et cela a été la con­fir­ma­tion de ce qu’on me dis­ait. Tout ce que les mil­i­taires dis­aient étaient des men­songes et ce que l’autre par­tie dis­ait était con­fir­mée par la vie. Je n’ai pas appris tout cela dans des livres, mais avec des faits, avec ce que l’Etat fai­sait, et la façon dont les com­bat­tants vivaient.

• Et pourquoi es-tu revenu en Turquie avec de telles pen­sées ? Ta vie n’était-elle pas en dan­ger après tout cela ?

J’ai voulu con­tribuer à la Paix. Quand nous avons été libérés, nous nous sommes mis en route, un minibus et un Mer­cedes. J’étais dans le mer­cedes. Il y avait des sol­dats dans le minibus, mais c’est des civils qui m’ont pris par le bras. Ils m’ont emmené aux ren­seigne­ments et m’ont demandé de les informer sur une carte. J’ai refusé en dis­ant « Vous savez tout, pourquoi vous deman­dez des ren­seigne­ments ? ». Ensuite, ils m’ont mis devant le Tri­bunal de Sécu­rité d’Etat. Le Juge a demandé « Je suis de la Mer Noire aus­si, allez racon­te Ibrahim, que t’es-t-il arrivé ? ». J’ai juste com­mencé ma phrase par « Lors de ce proces­sus…. » le Juge a com­mencé à hurler « Traître à la Patrie, quel genre de gars de la Mer Noire ? Tu par­les avec le lan­gage du PKK ! Le mot proces­sus est util­isé par les mem­bre du PKK ! C’est les ter­ror­istes qui dis­ent PéKéKé ! ». Insultes, injures… De mon côté je n’ai pas eu une approche con­de­scen­dante au Tri­bunal, et j’ai répon­du tout ce qui est demandé à ma façon et claire­ment. Le Juge a appelé le sous-lieu­tenant : « Prenez moi celui là, et gardez le bien au chaud à l’intérieur ». Je n’avais bien sur pas com­pris sur le coup, que c’était un message.

Dès que je me suis trou­vé à l’intérieur, ils ont sauté sur moi, ils ont com­mencé à me bat­tre. J’ai été arrêté pour pro­pa­gande d’organisation [ter­ror­iste] et pour déser­tion. Ils avaient plein de témoignages à mon encon­tre, il pré­tendaient que j’avais déserté. Pour­tant, j’étais blessé et je les avais atten­dus. Il savent que je suis tombé dans les mains des com­bat­tants, car c’est inscrit sur les doc­u­ment de la Croix Rouge. Nor­male­ment, tu doit être 7 jours séparé de ton unité, pour que tu puiss­es être con­sid­éré comme déser­teur. Plus tard, cette accu­sa­tion a été retirée, car ils ne pou­vaient pas la prouver.

Du fait d’être bat­tu pen­dant 3 mois et demi en prison, mes côtes étaient fêlées. Ils ont trans­for­mé l’accusation de pro­pa­gande pour organ­i­sa­tion [ter­ror­iste] en “mem­bre” d’organisation [ter­ror­iste]. J’ai été libéré pour être jugé en lib­erté. Ce procès [débuté en 1996] a con­tin­ué jusqu’en 2013 et j’ai pour­tant été acquit­té. Et pen­dant tout ce temps écoulé, mes pen­sées sont dev­enues encore plus claires. J’ai appris à tra­vers ma pro­pre vie, les attaques de l’Etat et quel était ce système.

Il est temps de retrouver mon identité

• Et com­ment as-tu décidé de devenir Yan­nis Vasilis ?

yannis vasilis 3Mon souhait de change­ment de nom n’est pas par haine envers le peu­ple turc, peu­ple frère et voisin. C’est tout sim­ple­ment pour retrou­ver ma vraie iden­tité, mon droit.

Pour cela, j’ai fait une demande au tri­bunal. Cette démarche est payante. C’est une procé­dure de change­ment de nom. Nor­male­ment, je devrais pou­voir faire le change­ment sans pass­er par le tri­bunal. C’est un droit uni­versel qui ne peut pas être empêché. Mais dans les pays comme le nôtre, si tu veux pren­dre un nom autre que ton iden­tité turque, ils créent des dif­fi­cultés exprès. En principe, ils doivent te ren­dre ton iden­tité sans avoir besoin de témoins. Ils m’ont demandé deux témoins, et des amis qui con­nais­saient mes orig­ines ont accep­té de témoigner.

Quand tu essayes de faire des recherch­es dans les reg­istres d’Etat Civ­il, tu te trou­ves aus­si devant des inter­dits. A pri­ori, quand tu fais des recherch­es généalogiques, l’Etat doit faciliter la tâche, mais tu ne peux aller que deux généra­tions en arrière. Toi, ton père et ton grand père. J’ai alors emmené mon père avec moi, et nous avons réus­si à aller deux généra­tion en arrière pour lui, c’est à dire jusqu’à mon grand père.

Le prénom de mon arrière grand père était Kon­stan­tin. La com­mune d’Asar de Bafra com­prend des vil­lages. Des faits con­cer­nant l’attaque de l’Etat pour tuer le peu­ple rum dans le quarti­er Yay­la, sont enreg­istrés dans les archives de l’Etat. Mon arrière grand père Kon­stan­tin avait été tué là bas. Et mon grand père qui a alors 3 ans, au lieu d’être con­fié à l’orphelinat rum, a été « don­né » à une famille. Des procé­dures sem­blables ont été faites lors des mas­sacres arméniens et de Der­sim, ils ont « don­né » les orphe­lins à des familles. Cette famille qui prend en 1908, l’enfant qui sera mon grand père, lui a don­né le prénom Mehmet, mais pas leur nom de famille, pour une rai­son incon­nue. Il a reçu le nom de famille Yay­lalı, [habi­tant de Yay­la] inspiré du quarti­er d’où il venait.

• Ton grand père Mehmet n’a peut être jamais su qu’il était Rum. et ton père ?

C’est sa soeur ainée qui lui a dit. Mon oncle nous racon­tait des men­songes, comme quoi notre arrière grand père avait fait la guerre de la libéra­tion de la Turquie, etc…

• Quel est le prénom de ton père ?

Yavuz. Ils ont tou­jours don­né des noms d’assassins. [Allu­sion à Yavuz Sul­tan Selim « Le Ter­ri­ble » qui a régné de 1512 à 1520, et qui a mas­sacré entre autres 40 mille Alévis]

• Pourquoi as-tu choisi les prénoms Yan­nis Vasilis ? Y a‑t-il une rai­son spéciale ?

J’aime la sonorité de Yan­nis. Quant à Vasilis, c’est le prénom d’un per­son­nage qui avait de l’influence chez les Rums de la Mer Noire et qui a fait les pre­mières organ­i­sa­tions par­ti­sanes chez les Rums, pour leur auto-défense. En réal­ité, Vasilis veut dire « roi », je suis con­tre cette con­cep­tion mais je l’ai choisie pour les valeurs que la per­son­ne qui por­tait ce prénom représente.

On peut m’appeler Ibrahim, ou Yan­nis peu importe. Mon soucis n’est pas là. Il existe beau­coup de gens qui se trou­vent dans le même cas de fig­ure, mais qui ne se révè­lent pas parce qu’ils ont peur. Bien sûr, je ne pousse pas les gens aux nation­al­ismes, mais ils peu­vent s’approprier leurs valeurs et leur iden­tité. Ce qu’on fait subir au peu­ple turc n’est pas juste non plus. Ils essayent de faire per­dur­er [chez les turcs] une psy­cholo­gie de “Nation qui écrase”. Si cha­cun s’approprie sa cul­ture, peut être qu’on pour­ra enfin sor­tir de l’uniformité imposée par ce sys­tème. Voilà mon soucis.

• Main­tenant tu t’es instal­lé à Robos­ki et tu luttes pour la Paix depuis là-bas. Il ne serait pas mieux que ce soit Ibrahim Yay­lalı qui s’installe à Robos­ki et non pas Yan­nis ? Ils essayent d’afficher les Rums comme des enne­mis. Ils ne diront pas « Yan­nis Vasilis s’est instal­lé à Robos­ki pour y met­tre le désor­dre » ?

Quand on tra­verse Robos­ki, on tra­verse huit dif­férents points de con­trôle. J’avais du mal à pass­er en tant qu’Ibrahim. Je me demande moi aus­si, quel com­porte­ment je vais observ­er en tant que Yannis.

yannis vasili yaylali 2

Quand le Tribunal turc fait de la philosophie.

Nous avions dit en préam­bule que depuis ce reportage, Yan­nis con­tin­u­ait à militer, et qu’il y avait plein de procès en cours à son encontre…

Yan­nis été jugé aus­si en tant qu’objecteur de con­science en jan­vi­er 2016. Il était accusé de « refroidir le peu­ple du mil­i­tarisme », un des arti­cles très dis­cuta­bles du Code Pénal turc.

La déci­sion du Tri­bunal est enreg­istrée dans les annales juridiques turques avec des let­tres en or. Alors nous vous faisons prof­iter de la logique iné­gal­able de la Jus­tice turque…

La déci­sion noti­fi­ait que Yan­nis « insis­tait pour son objec­tion et y invi­tait les autres car il pos­sé­dait des con­nais­sances brutes, qu’il n’avait pas assez lu et fait de recherch­es sur ce sujet », et ajoutait « Ses pro­pos basés sur des con­nais­sances non appro­fondies, ne peu­vent pas être con­sid­érés comme des idées et opin­ion. » Le Tri­bunal pré­tendait donc, que les arti­cles et chroniques de Yan­nis ne valaient pas un sou : « Pour par­ler d’une idée ou d’une opin­ion, il faut des lec­tures et des réflex­ions, et avoir étudié le trip­tyque clas­sique ; thèse, antithèse et syn­thèse, afin d’obtenir une solu­tion. ». Car, aux yeux du Juge, Yan­nis « cri­ti­quait le sys­tème mais ne pro­po­sait pas de solu­tions pour main­tenir l’ordre nation­al et l’ordre social ». La déci­sion noti­fi­ait que « Les guer­res sont cer­taine­ment de mau­vais­es choses, mais dans les sys­tèmes d’Etat exis­tants, les Etats ont sans dis­cus­sion besoin des armées » tout en évi­tant de faire référence aux 22 pays, qui ne pos­sè­dent pas d’armée, comme l’Is­lande, le Pana­ma, Cos­ta Rica, etc.

Pas de synthèse, pas d’opinion. Pas d’opinion, pas de liberté.

En résumé, le Tri­bunal a décidé que « les idées et opin­ions du sus­pect n’étant pas de véri­ta­bles idées et opin­ions, le sus­pect ne peut pas béné­fici­er de la lib­erté d’opinion et d’expression pro­tégée par la Con­sti­tu­tion et par la Con­ven­tion des Droits de l’Homme ».

Yan­nis a donc écopé de 7 mois et 15 jours de peine de prison. Des procé­dures est tou­jours en cours.


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