Les réfugiés « clan­des­tins » qui ont réus­si à se ren­dre sur les îles grec­ques au péril de leur vie, sont déportés par cen­taines vers la Turquie, accom­pa­g­nés d’autant de flics , escortés de navires de Frontex…

Arrivés au port, avant d’être trans­férés vers « des camps qui se trou­vent dans d’autres villes pour ne pas déranger les habi­tants d’Izmir » comme l’a annon­cé le Préfet, les réfugiés sont soigneuse­ment enreg­istrés, leur empreintes dig­i­tales sont pris­es, et des prélève­ments ADN faits, ce qui est d’ailleurs relayé sur les chaînes d’infos en France comme « con­trôle médi­cal » comme les autorités turcs aiment l’ap­pel­er. Rien qu’en voy­ant les images qui illus­trent les pro­pos des présen­ta­teurs, l’évidence est frap­pante, le type en blouse blanche qui tourne le coton tige dans la bouche du réfugié n’a pas la tête d’un médecin mais plutôt celle d’un flic et il ne peut s’agir en aucun cas d’une aus­cul­ta­tion médicale.

Et même si aujour­d’hui les “opéra­tions” sont sus­pendues, des autorités dépen­dant de l’ONU ayant sig­nalé des “erreurs” con­cer­nant la dépor­ta­tion d’hi­er, des per­son­nes en sit­u­a­tion de pro­tec­tion en faisant par­tie, la protes­ta­tion reste pour­tant faible, en dehors des aidants sur place.

Bref, pen­dant que les « points de trans­ferts » fonc­tion­nent comme un hor­loge, « dans d’autres villes » où l’installation de nou­veaux camps sont prévus il y a pour­tant du remue-ménage.

maras carte turquieEn effet depuis le 26 mars, des habi­tants sont mobil­isés, accom­pa­g­nés de « Yaşam Plat­for­mu », de nom­breuses organ­i­sa­tions de société civile pro­gres­sistes alévies, et des par­tis poli­tiques, con­tre l’installation d’un “camp-con­tain­ers” de 27 mille per­son­nes dans le quarti­er Tero­lar de la com­mune Sivrice Höyük qui se trou­ve dans la plaine Pazarcık.

L’en­droit est habité majori­taire­ment par une forte com­mu­nauté Kurde alévie.

A 1 km du chantier, une “tente de résis­tance” a été instal­lée, où des tours de garde sont organ­isés. Dans cette mobil­i­sa­tion les femmes tien­nent par­ti­c­ulière­ment la pre­mière place.

maras refugies alevis femmes

La con­struc­tion du camp qui occu­pera 375 mille m2 de ter­rain, était prévue depuis qua­tre mois, et mal­gré les con­tes­ta­tions, les machines ont com­mencé les travaux dans le chantier le 31 mars.

 maras refugies chantier alévis

Il y a quelques jours, les jour­naux turcs pub­li­ait des manchettes pour annon­cer que les Alévis de Maraş “ne voulaient pas de réfugiés syriens dans leur ville”. Les Alévis ont tenu à pré­cis­er que ce n’é­tait pas tout à fait cela. Le 3 avril, un grand meet­ing s’est déroulé à Maraş.

Les habi­tants s’expliquent :

Nous pré­cisons que nous ne dis­ons pas que nous voulons pas des réfugiés. Nous savons très bien ce que c’est d’être réfugié et de vivre en exil. Notre refus est sur le choix de l’emplacement du camp. Enten­dez-nous, com­prenez bien notre demande.

Mehmet Cem, le muhtar (pré­posé) du vil­lage de Sivrice Höyük souligne que 16 lieux étaient déclarés disponibles en dehors du quarti­er Tero­lar. Et l’espace où le camp doit être instal­lé sert actuelle­ment aux vil­la­geois de prairie pour leurs troupeaux.

Les ques­tions pleu­vent dans la bouche des habi­tants de ces ter­res sen­si­bles : « Nous avons déjà con­nus des mas­sacres dans notre passé. Veu­lent-ils ici, désta­bilis­er la struc­ture démo­graphique ? », « Des Dji­hadistes se baladent comme chez eux, dans la région. Qui vont-ils héberg­er réelle­ment dans ce camp ? », « Vont-ils nous forcer à une migra­tion for­cée en changeant la démographie ? »

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İbrahim İnçoğlu, le Prési­dent de l’Association « Ale­vi Eren­ler Derneği » :

Nous préfére­ri­ons que des camps de réfugiés ne s’installent pas dans les endroits où les vil­lages alévis sont con­cen­trés, alors que ces gens n’ont pas pu encore oubli­er les mas­sacres de 1978* et sor­tir totale­ment de l’état d’âme que cela a crée. Nous sommes une minorité. Même lors des com­mé­mora­tion du mas­sacre nous sommes inquiétés. Il y a des foules qui nous attaque­nt. Dans un moment où des ques­tion­nements sur la pos­si­bil­ité que des dji­hadistes soient pro­tégés ici tra­versent l’esprit des gens, l’installation d’un camp est décidée. Nous nous exp­ri­mons con­tre et ils répon­dent « c’est décidé, cela va être fait ». Nous répé­tons encore une fois, nous ne sommes pas con­tre les réfugiés. La poli­tique syri­enne est une grande erreur et elle con­tin­ue. La Turquie est dev­enue le par­adis des dji­hadistes. Maraş c’est pareil. J’ai été témoin, per­son­nelle­ment du fait que des dji­hadistes étaient soignés à l’hôpital de l’Etat. J’ai vu leurs accom­pa­g­na­teurs por­tant des uni­formes et des bottes. Nous avons peur qu’ils instal­lent les gangs dans les camps et qu’ils les organ­isent con­tre nous.

Mehmet Çar­man, l’avocat du village :

Bien sûr que les besoins des réfugiés doivent être pris en charge par l’Etat. Mais en faisant cela, il faut aus­si que l’Etat pense aux habi­tants. » dit-il et ajoute « Nous savons que les mem­bres de Daech sont égale­ment hébergés dans ces camps de réfugiés”.

Effec­tive­ment, sur ce sujet, il existe des points obscurs qui ont été déjà relevés et révélés par de nom­breux rap­ports sur des camps exis­tants. Les rap­ports noti­fi­aient égale­ment que cer­tains camps étaient par­ti­c­ulière­ment soupçon­nés d’être util­isés pour met­tre en sécu­rité les mem­bres de Daech et leurs familles. Ces camps restent inac­ces­si­bles au volon­taires, obser­va­teurs, ONG, et organ­i­sa­tions de société civile.

Le député du HDP Mah­mut Toğrul ajoute que les poli­tiques du gou­verne­ment actuel, rend totale­ment légitime les inquié­tudes des habitant(e)s et il apporte des éclaircissements :

La plus impor­tante source de recrute­ment de Daech a été les camps AFAD. Maraş est aus­si une ville où Daech se ressource. Pas plus tard qu’hier 4 mem­bres de Daech ont été arrêtés ici. La liai­son des dji­hadistes, par­ti­c­ulière­ment celle d’Adıyaman se fait via Pazarcık. Les mem­bres de Daech qui utilisent la ligne Antep-Kilis, s’étendent vers d’autres villes ana­toli­ennes. Quand vous ajoutez tout cela, sur l’expérience trag­ique du mas­sacre de Maraş, il n’est pas dif­fi­cile de com­pren­dre l’inquiétude des habi­tants. Par ailleurs, la plaine de Pazarcık est une terre agri­cole d’une extrême fer­til­ité et sous la pro­tec­tion Habi­tat. Elle est aus­si la prairie com­mune des vil­la­geois qui ont des ani­maux. Par con­séquent Pazarcık EST la réponse exacte à la ques­tion « où un camp con­tain­er ne doit pas être instal­lé ? ». Ce choix irraison­né et incom­préhen­si­ble apporte donc des ques­tions. Quand nous deman­dons des expli­ca­tions aux autorités locales, ils nous dis­ent que c’est la déci­sion d’Ankara.

Il est bien sûr inutile d’a­jouter que les man­i­fes­tants ont eu toutes les dif­fi­cultés pour se ren­dre sur le lieu du meet­ing, avec embûch­es et points de con­trôle GBT (sys­tème en liai­son direct avec accès sur le dossier S de la per­son­ne con­trôlée —  util­i­sa­tion illé­gale dans ce genre de con­texte). Et, bien sûr, la gen­darmerie, présente sur place, afin de cadr­er les dan­gereux man­i­fes­tants, (voir l’im­age à la une), n’a pas man­qué de se ren­dre utile…

Un habi­tant de 82 ans, Mor Ali Kabayel, qui avait été hos­pi­tal­isé suite à une crise car­diaque provo­quée par les gaz lancés par les gen­darmes, est décédé aujour­d’hui le 5 avril.

maras multeci alevi meeting alévis

Voici donc un des exem­ples de ce que sera l’u­til­i­sa­tion des “fonds européens”, les 6 Mil­liards à venir. Tout comme la volon­té per­sis­tante et réitérée de faire installer ou agrandir des camps exis­tants dans les zones frontal­ières de Kobanê, si pos­si­ble avec présence mil­i­taire en zone tam­pon sur le ter­ri­toire syrien kurde, on a là aus­si  l’ex­em­ple d’une pos­si­ble provo­ca­tion à car­ac­tère “eth­nique”.

Drôle de façon de pro­mou­voir “l’ac­cueil”, et surtout ques­tion­nements réels, quand on con­naît tous les rap­ports faits jusqu’i­ci sur les fonc­tion­nements mafieux de cet accueil et l’é­conomie souter­raine qu’il génère, tout comme les rela­tions frontal­ières qu’il per­met et dissimule.

Les “réfugiés” sont donc une arme de divi­sion mas­sive, que sait utilis­er aujour­d’hui le régime, en chan­tage avec l’Eu­rope, ou con­tre les pop­u­la­tions. Des humains au cœur de ren­vois de “patate chaude”, marchan­dis­es poli­tiques pro­pres à favoris­er tous les traf­fics, tous les marchandages, toutes les pra­tiques où un boucli­er humain per­met de dis­simuler ses turpi­tudes et ses crimes.

L’U­nion Européenne ne peut rien ignor­er de cette instru­men­tal­i­sa­tion et per­siste pour­tant dans sa poli­tique de “blanchi­ment”, argent sale à l’appui.

*Ce sont les populations alévies (très majoritaires dans la région) et de gauche qui ont été la cible. L’État turc ne reconnait qu’une centaine de victimes, mais ce sont entre 500 et mille personnes qui ont été massacrées dans toute la région. Les maisons des familles alévis marquées, au préalables, d’une croix peinte sur leurs portes, sont attaquées et détruites, leurs habitants massacrés dans les rues. Les violences perpétrées durant ce massacre marquent la Turquie entière. Les journalistes rapportent des photographies d’enfants tués dans les écoles, de bébés arrachés du ventre de leurs mères et de corps entassés.

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