Nous nous sommes déjà fait le relais de l’ap­pel des Uni­ver­si­taires pour la Paix, et avons alerté sur la répres­sion forte qu’ils subis­sent depuis que leur ini­tia­tive a été vilipendée par Erdo­gan en per­son­ne.

Alors que cette répres­sion con­tin­ue, tout comme les destruc­tions et mas­sacres dans les ter­ri­toires à majorité kurde, nous apprenons qu’une con­férence ini­tiée par des uni­ver­si­taires français se tien­dra à l’Ecole des Hautes Etudes en Sci­ences Sociales, le mer­cre­di 13 avril.

Celle-ci, comme annon­cé par ses ini­ti­a­teurs, débouchera sur la créa­tion d’un “Comité inter­na­tion­al de soutien”.

En effet, la répres­sion con­tre les milieux intel­lectuels, les uni­ver­si­taires, les juristes, s’est accen­tuée, avec l’usage de plus en plus fréquent de la loi « anti-ter­reur », qui a per­mis des procès et des mis­es en déten­tion pour « ter­ror­isme » ou « com­plic­ité de ter­ror­isme ». Cette Loi, le pou­voir Turc veut aujour­d’hui encore ren­forcer ses effets et l’élargir, alors que son util­i­sa­tion se fait unique­ment con­tre les “opposants”, et que très dernière­ment, à l’in­verse, des mem­bres avérés de Daech ont été blan­chis et élar­gis.

Une nou­velle étape a été franchie dans les pour­suites, pour les mêmes motifs de « ter­ror­isme », con­tre l’ensemble des sig­nataires (1128) d’une péti­tion qui énonçait, le 10 jan­vi­er dernier, qu’en tant qu’« Académi­ciens pour la Paix », ils ne seraient pas « com­plices des crimes ». Cette péti­tion inter­ve­nait après la vic­toire élec­torale que s’at­tribuait Recep Tayyip Erdo­gan l’automne dernier, et la reprise des exac­tions sys­té­ma­tiques des forces de répres­sion au Kur­dis­tan Nord, suite à la rup­ture uni­latérale du proces­sus de négo­ci­a­tions avec le PKK par le même Erdogan.

Les Uni­ver­si­taires se pla­cent sim­ple­ment du côté de la société civile et esti­ment qu’il était du devoir des pou­voirs publics d’assurer la sécu­rité des pop­u­la­tions plutôt que de les soumet­tre à la ter­reur. Ils appel­lent à une relance du proces­sus de paix avec le PKK rompu fin juin 2015.

Le 18 jan­vi­er 2016, en France, une réu­nion d’information avait déjà été organ­isée à l’EHESS suite aux men­aces immé­di­ate­ment pronon­cées con­tre les sig­nataires de l’appel et aux pre­mières mesures de répres­sion qui n’avaient pas man­qué. Des textes de protes­ta­tion ain­si que des péti­tions inter­na­tionales ont été signées. Par exem­ple, plus de plus de 10 mille uni­ver­si­taires, jour­nal­istes, cinéastes, syn­di­cal­istes, mem­bres de pro­fes­sions libérales ont exprimé publique­ment dans le monde leur sol­i­dar­ité en faveur des « Uni­ver­si­taires pour la paix », rejoignant en cela d’autres ini­tia­tives publiques de dénonciation.

Le 15 mars dernier, trois d’entre eux, sig­nataires de la péti­tion et organ­isa­teurs d’une con­férence de presse (le 10 mars) ont été arrêtés sur ordre du pro­cureur adjoint d’Istanbul au motif de « pro­pa­gande pour une organ­i­sa­tion ter­ror­iste ». Esra Mungan (Uni­ver­sité de Bospho­re), Muzaf­fer Kaya (ren­voyé de l’U­ni­ver­sité de Nişan­taşı) et Kıvanç Ersoy (Mimar Sinan Uni­ver­si­ty) ont ain­si été placés en déten­tion dans l’attente de leur procès. Le 31 mars Mer­al Cam­ci (licen­ciée de son poste à Uni­ver­sité de Yeni Yüzyıl) a égale­ment été incar­cérée préven­tive­ment à Istan­bul. Par ailleurs, une loi est en dis­cus­sion selon laque­lle tout uni­ver­si­taire (et même tout fonc­tion­naire) soupçon­né ou con­va­in­cu d’être impliqué dans « des activ­ités liées à des menées séparatistes ou des activ­ités ter­ror­istes, ou toute action de sou­tien » serait licencié.

Une cam­pagne de “crim­i­nal­i­sa­tion” est égale­ment menée à l’en­con­tre des élus du HDP, par­ti démoc­ra­tique d’op­po­si­tion, dont la lev­ée de l’im­mu­nité par­lemen­taire est demandée. Nom­bre de ses élus locaux et régionaux sont déjà arrêtés et des respon­s­ables démis de leurs fonc­tions élec­torales. Tout cela au nom de la “com­plic­ité ter­ror­iste”, et sur fond de destruc­tions et mas­sacres, états de siège et exac­tions militaires.

Au même moment (18 mars), les 28 chefs d’État et de gou­verne­ment européens sig­naient avec le Pre­mier Min­istre turc l’ac­cord sur les “réfugiés”. En vio­la­tion du droit d’asile, à dater du 4 avril, tous les migrants arrivant dans les îles grec­ques depuis la Turquie sont ren­voyés en Turquie.

En échange, l’UE garde de fait un silence com­plice sur la répres­sion, qui con­tin­ue con­tre la pop­u­la­tion kurde d’une part, et les uni­ver­si­taires, jour­nal­istes, mag­is­trats, avo­cats, syn­di­cal­istes etc. de l’autre. Elle se tait aus­si sur le sort que subisse les réfugiés des guer­res déjà sur le sol turc.

Cette per­sé­cu­tion mas­sive de la lib­erté de recherche et d’enseignement n’est donc qu’un des élé­ments qui se sura­joute à la sit­u­a­tion de vio­lence d’Etat en Turquie, s’il était encore besoin de le prouver.

L’é­cho que sus­cite mal­gré tout cette vio­lence dans le monde, et prin­ci­pale­ment dans les milieux intel­lectuels attaqués, rend, selon les organ­isa­teurs,  pos­si­ble la créa­tion d’un Comité inter­na­tion­al de sou­tien aux Uni­ver­si­taires pour la paix.

Ce sera donc l’ob­jet de la nou­velle con­férence du 13 avril 2016 à l’EHESS (14h — 17h30), amphithéâtre François-Furet, 105 Bd Ras­pail, Paris 6e.

Y par­ticiper­ont :

– Le groupe inter­na­tion­al de tra­vail « Lib­erté de recherche et d’enseignement en Turquie » (GIT)

– La sec­tion EHESS de la Ligue des droits de l’homme

– L’as­so­ci­a­tion française de sci­ence politique

– Des enseignants-chercheurs des uni­ver­sités Paris-Descartes, Paris 10, Paris 8, Paris 1, Stras­bourg, etc.

Kedis­tan se fera l’é­cho des déci­sions qui y seront pris­es, et invite d’ors et déjà les ini­ti­a­teurs à pub­li­er dans nos colonnes, sur les suites de cette cam­pagne. correspondants@kedistan.fr

Nous soulignons que toutes les ques­tions sont aujour­d’hui liées, tant celle de la mise au pas de la société civile turque, que celle de la con­ti­nu­ité d’une démarche nation­al­iste iden­ti­taire, à car­ac­tère géno­cidaire, de la part d’une large frac­tion poli­tique liée au régime et à la défense de l’ul­tra nation­al­isme turc. Ce poi­son con­duit depuis quelques jours le régime AKP à soutenir une guerre qui a repris con­tre les Arméniens, comme il s’est ingéré déjà en Syrie, et con­tin­ue à le faire au Kur­dis­tan, dans toutes les com­posantes territoriales.

Dans ces con­di­tions, l’ac­cord UE/Turquie, non seule­ment est une igno­minie con­tre le droit inter­na­tion­al con­cer­nant les réfugiés de guerre, mais aus­si un blanc seing don­né à un régime poli­tique qui mène désor­mais ses guer­res con­tre les civils avec le label d’un pays “sûr”, alors que sa poli­tique d’E­tat s’ap­par­ente au ter­ror­isme, et que ses rela­tions trou­bles dans la région elles, se font avec des ter­ror­ismes iden­ti­fiés, cause de tous les exodes de population.

Le com­bat pour la paix ne se divise donc pas, ni ne se com­par­ti­mente, toutes les ini­tia­tives doivent être con­ver­gentes, et nous ne cesserons de le répéter, comme de le doc­u­menter ici même.

Sou­tien donc à cette ini­tia­tive, et appel à nos ami(e)s lec­tri­ces et lecteurs à s’y join­dre et à se faire le relais des con­clu­sions qui en sortiront.

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