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Ziya Ataman, notre ami, journaliste, correspondant de l’agence Dicle Haber est incarcérée dans la prison d’Erzurum depuis le 11 avril 2016. Il nous a fait parvenir un article dans une lettre adressée au Kedistan. Les lettres de prison arrivent avec beaucoup de retard, son billet fut donc rédigé avant les derniers rebondissements, ainsi que le retrait de la candidature de Muammer Ince, aujourd’hui même. Mais nous tenions cependant à publier son article avant les élections du 14 mai.
Nous allons bientôt nous rendre aux urnes pour des élections. J’aurais voulu dire que ce sera des élections lors desquelles chaque parti aura des droits égaux, mais ce ne serait pas une déclaration éthique. Il s’agira sans aucun doute des élections lors desquelles, l’illégalité empestera partout. Car d’un côté, certains partis mèneront leur travail avec difficulté, du fait d’être sous blocus, d’autre part, de l’autre côté la campagne électorale sera menée avec des efforts et moyens non équitables, en utilisant constamment le budget de l’État (c’est-à-directement pris dans nos poches). C’est ainsi que fonctionnent les élections démocratiques dans notre pays !!!
Peut-on consciencieusement mettre dans le même panier la campagne électorale effectuée par ceux qui n’hésitent pas, pour préserver leur réputation, à faire des excès, des dépenses sans limites, et ceux qui respectent les droits qu’ils ont acquis du peuple, et s’efforcent de mener un travail électoral restreint ? Bien sûr que non. Si c’était le cas, ce serait un acte équivalent à la mentalité de ceux qui ont amené le pays dans cet état actuel. Evidemment, étant un de ceux qui préfèrent éviter ce penchant, je ne pense pas que cette élection sera équitable. Pourquoi ?
Le fait que l’organe d’Etat appelé “Conseil électoral supérieur” (YSK), dont je ne sais pas de quoi il s’occupe réellement ces temps-ci, soit affilié au ministère de la Justice et au ministère de l’Intérieur, et que les dirigeants de ces derniers soient eux-même des candidats, et qu’ils participent aux élections sans mettre en œuvre l’institution de la démission, m’a laissé une opinion négative, sans aucun questionnement, sur la possibilité de l’obtention d’un résultat équitable lors de ces élections. Le fait qu’ils aient qualifié cette élection injuste de “destin” serait sujet d’un article à part entière.
Et l’on dit donc que ces élections sont le destin. Selon qui et selon quoi ? Pour ceux qui espèrent chaque élection depuis des années, qui en ont assez d’être trompés, ou bien, pour ceux qui sont impatients de compléter le tableau négatif encore inachevé ? Devant nous, il y a un vrai tableau “douloureux”, alors pour qui ces élections sont-elles le “destin” ? Peut être ce sera le cas pour ceux qui sont allergiques à la Loi n°6284, la “Loi sur la protection de la famille et la prévention de la violence à l’égard des femmes” et qui ne se privent pas de l’exprimer à chaque occasion… Je ne sais pas, peut-être que je ne le saurai jamais, mais ce dont je me rends compte, c’est que la notion de “destin” a été vendue très bon marché pendant cette période…
Dans le pays, les promesses, les actions et l’idée de reprendre les acquis sont devenues un enchevêtrement. Nous entrons à la veille des élections dans une atmosphère où les actions se transforment en promesses creuses, alors que nous attendons des améliorations, nous entrons dans le pire, alors qu’en l’absence d’actions, une idéologie artificielle est déterminée par la convoitise de toutes les conquêtes. Et nous appelons cela “élections”. On nous oblige à l’appeler ainsi. Parce qu’on nous y a habitués.
Nous nous y sommes tellement habitués que nous avons consenti à l’entrée au Parlement de ceux 1 qui ont brutalement assassiné 20 de mes collègues dans les années 90 sous la torture de “noeud porcin”. 2. Et ce, sans cacher les 17 500 meurtres non élucidés faute d’enquêtes, qu’ils ont commis ensemble. Si l’on tient compte de ces éléments, sans parler de la démocratie, même la tranquillité d’esprit ne sera malheureusement plus qu’un souvenir.
Dans l’enquête sur l’indice de démocratie mondiale, nous constatons que le terme “démocratie” qui est pourtant présent dans chacun de leurs discours, n’est rien de plus qu’un ornement. Nous nous classons au 104e rang sur 167 pays. La raison en est les injustices que j’ai décrites partiellement. Illégalité ? Bien qu’il fut courageux de le mentionner sans cesse, cela n’a pas eu d’effet de changement. Nous sommes 117e sur 139 pays dans l’indice de l’État de Droit. Et la presse ? Un tableau dément : nous sommes 149e sur 180 pays. Et nous courons à toute allure pour prendre le leadership. Ne doutez pas que demain sera meilleur qu’aujourd’hui.
En somme, le fait que nous occupions la 79e place sur 147 pays dans le classement mondial du bonheur explique tout. D’ailleurs, si cela continue, les résultats actualisés de cette recherche nous donneront une image encore plus nette. Notre pays serait leader mondial.
Ziya Ataman
Mai 2023
Prison d’Erzurum
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Ziya Ataman
2 Nolu Yüksek Güvenlikli Kapalı Cezaevi
A2 / 2K — 10
Yakutiye ERZURUM / TURQUIE
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