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Chers lec­tri­ces et lecteurs de Kedis­tan, vous con­nais­sez déjà Ziya Ata­man, jour­nal­iste kurde et pris­on­nier malade, qui fut jeté en prison  le 11 avril 2016, année aus­si, de l’in­ter­dic­tion par décret à valeur de loi, et la fer­me­ture, de l’a­gence Dicle Haber (DİHA) dont Ziya était correspondant.

Une incar­céra­tion préven­tive au delà des lim­ites légales, un juge­ment dans la série des procès kafkaïens habituels de Turquie, une con­damna­tion sans preuves… L’emprisonnement de Ziya, avec de graves prob­lèmes de san­té, se trans­for­ma vite en une dou­ble peine…

Après une longue attente “préven­tive”, c’est-à-dire au bout de 4 ans, Ziya fut jugé, et la con­damna­tion tom­ba : 14 ans 3 mois de prison. Les avo­cats de Ziya sol­lic­itèrent la Cour d’ap­pel, mais il n’y tou­jours aucune suite à ce jour. Et Ziya est empris­on­né depuis plus de 6 ans. Dehors, le temps s’é­coule, cer­taine­ment plus vite que der­rière les murs. En 2020, Ziya apprit en prison, que son père avait quit­té ce monde, pour rejoin­dre sa mère…

J’ai demandé plusieurs fois à  Ziya de nous envoy­er des let­tres, pour partager avec les lec­tri­ces et lecteurs du Kedis­tan. D’une extrême mod­estie, presque cul­pa­bil­isé à l’idée de par­ler de lui-même, parce qu“il y a telle­ment de prisonnier.es malades, dont les droits les plus fon­da­men­taux sont con­fisqués, vio­lés”, il se fait tout discret…

Et, bien évidem­ment le cal­vaire de Ziya se pour­suit. Nous apprenons que le 7 août dernier, il fut l’ob­jet d’un trans­fert for­cé, util­isé comme un moyen de répres­sion pour isol­er les “otages” poli­tiques, ils, elles sont légion à être déplacé.es dans des régions dif­férentes du pays, loin de leur famille. Vous pou­vez lire cet arti­cle, pour pren­dre con­science de l’en­ver­gure, de la sys­té­ma­ti­sa­tion de ces pratiques…

Ziya fut donc déporté de la prison de Van, vers la prison de haute sécu­rité de Dum­lu, près d’Erzu­rum. Sa famille devait déjà faire env­i­ron 5, 6 heures de route pour lui ren­dre vis­ite, lorsqu’il était à la prison de Van. Main­tenant, la dis­tance à par­courir a car­ré­ment dou­blé. Seuls les proches des détenu.es savent, ô com­bi­en c’est com­pliqué et ardu de réu­nir les forces et le bud­get pour ces vis­ites famil­iales men­su­elles, dites “vis­ites ouvertes”, qui sont une source de survie pour les prisonnier.es…

Non seule­ment Ziya est main­tenant encore plus loin de sa famille, mais aus­si, lors de son inté­gra­tion à la prison de haute sécu­rité de Dum­lu, il a subi des vio­la­tions de ses droits et des fouilles-à-nu, pra­tique “inex­is­tante” en Turquie, à en croire le min­istre turc de la Jus­tice… Puis il fut placé dans une cel­lule indi­vidu­elle, ou d’isole­ment, je vous laisse le choix du mot, à votre guise…

Ziya nous fait part de ces pra­tiques par une let­tre, rédigée le 24. août 2022, et qui nous est parvenue…

Mal­gré le fait que j’ai répon­du, ‘oui’, à la ques­tion ‘un long voy­age créerait-il des gênes’ [pour votre san­té]’, ils m’ont déporté dans le véhicule ‘ring’ vers une prison-exil. Je dis ‘exil’ car ce lieu où je fus amené m’a éloigné encore plus de ma famille…”

Chaque déplace­ment devient une souf­france pour les prisonnier.es, ne serait-ce que pour l’accès à l’hôpital, donc pour des voy­ages de cour­tes dis­tances, le voy­age et les longues attentes dans le véhicule de trans­fert, “le ring bleu”, dont l’écrivaine Aslı Erdoğan, souf­frant égale­ment d’une mal­adie, par­lait égale­ment dans un entre­tien réal­isé juste après sa libération.

Ziya pour­suit : “Dès mes pre­miers pas ici, j’ai subi une fouille-à-nu”. “Cela fait deux semaines main­tenant, je n’ai tou­jours pas réus­si à me ressaisir…”

Je suis seul. Je n’ai pas de sanc­tion dis­ci­plinaire qui néces­site une cel­lule d’isole­ment, ni une con­damna­tion alour­die. Mais, mal­gré cela, je fus amené dans une prison de type [haute sécu­rité] organ­isée par cel­lules indi­vidu­elles. La cel­lule n’a pas de cour, j’ai droit à seule­ment une heure et demie  de ‘prom­e­nade’ par jour, et pour cela, nous devons tra­vers­er de mul­ti­ples couloirs labyrinthiques, et chaque fois, on nous demande de nous déchauss­er plusieurs fois, et de dépous­siér­er nos chaus­sures avec nos mains. Et le restant de mon temps passe dans cette cel­lule étroite. Comme j’ai refusé de sor­tir tout seul, depuis longtemps je n’ai pu béné­fici­er des heures de prom­e­nade. Et aujour­d’hui enfin, j’ai vu le soleil…”

S’il vous plait, soutenez Ziya avec vos let­tres et cartes. Il serait judi­cieux d’écrire en turc afin d’éviter les blocages lors des con­trôles du cour­ri­er. Une idée pour les non tur­coph­o­nes, serait de chercher les tra­duc­tion de poèmes et cita­tions con­nus, ou encore, pour des  phras­es sim­ples, les tra­duc­teurs en ligne fonc­tion­nent bien. A vos crayons…

Ziya Ata­man
Dum­lu 2. nolu Yük­sek Güven­lik­li Ceza ve İnf­az kurumu
Yaku­tiye — ERZURUM — TURQUIE


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.