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Cela fera 8 années, le 1er octobre prochain, que le magazine en ligne Kedistan fut créé.
Dès son origine, le magazine se voulait décalé, à l’esprit libertaire, et loin des jargons militants qui parfois foisonnent sur des sites “alternatifs”.
Quelques mois de rodage fin 2014, et le site devenait en 2015 une ruche d’informations sur la Turquie, en même temps que là-bas la situation évoluait très vite vers une reprise de la guerre contre les populations kurdes, un temps tempérée par le “processus de paix”.
Il était évident alors de donner principalement la parole aux intéressé.es, tout en fournissant ici des analyses appuyées sur des “spécialistes” (ce mot aujourd’hui galvaudé par les médias mainstream) de la Turquie et du Moyen-Orient. Les publications oscillèrent entre infos journalières et commentaires de situation.
Kedistan a passé alors des partenariats avec une chaîne d’infos kurdes, et opéré de très nombreuses traductions de la “presse d’opposition” en Turquie.
N’étaient alors présents en 2014 pour parler de la Turquie à ce moment là, de façon francophone, que des perroquets de l’opposition kemaliste, présentée ici comme “sociale démocrate”, la presse écrite mainstream et ses correspondant.es “objectifs”, d’autres, excellents journalistes boudés par la même presse mainstream, des universitaires ou chercheurs, que personne n’écoutait, un mouvement kurde qui manifestait à répétition dans l’indifférence générale, pour faire court.
Kedistan a “débarqué” dans ce contexte, et le ton employé, rompant avec certaines expressions politiques habituelles, et surtout son manque “d’objectivité”, a trouvé son public. Plus de 4000 lecteurs/trices francophones et turcophones journalier.es en 2015. Cela faisait suite à une activité de soutien quotidienne au mouvement Gezi des années précédentes, qui avait déjà tissé un réseau.
Ce réseau s’est fort élargi avec la mise en place du site, et Kedistan s’est ainsi engagé dans des campagnes de soutien à fort retentissement, en profitant de son audience.
Nous ne vous ferons pas l’historique complet.
Mais l’équipe de bénévoles, à géométrie variable, a varié au fil des ans, reposant cependant sur sa créatrice historique, née à Istanbul, et le noyau de publication et de mise en ligne.
C’est ce noyau, 8 années plus tard, fort de tous les liens tissés, des amitiés construites, mais aussi de certaines inimitiés rencontrées, qui maintient la publication en ligne.
Maintenir une archive de 4000 articles classés accessibles à toutes et tous, nous paraît un minimum.
L’enrichir en élargissant quelque peu la focale au delà du Moyen-Orient nous a paru également utile, puisque nous y avions des choses à dire.
Enrichir le site avec la poésie, des nouvelles traduites, véritables coups de coeur, et partager, nous a encouragé à poursuivre.
Le rythme de publication a changé. De deux, voire trois articles par jour, nous voilà passé à quatre ou cinq par semaine. Le site ayant sa version anglophone, grâce à notre fourmi traductrice, ce rythme s’en trouve aussi relativisé.
Lassitude ? Démobilisation ? Voire pire “aquoibonisme” ?
Rien de tout cela.
D’une part, en 8 années, il s’est passé bien des choses avec la presse en ligne, et l’importance prise par les réseaux sociaux, comme le “digest” qu’ils représentent. D’autres sites “amis”, nés dans les mêmes années, savent eux aussi que donner à lire en ligne, et être lus, devient un sacerdoce.
Et, concernant Kedistan précisément, la Turquie ayant été érigée comme repoussoir par la droite et l’extrême droite, par pure islamophobie, l’impression générale qu’on en parlerait déjà trop éloigne le curieux. De notre côté, depuis le coup d’Etat manqué de 2016, la rubrique prison devient omniprésente, sur fond de répression chaque jour identique. Réécrire les mêmes articles en changeant les noms n’est pas une motivation forte. Et ces dénonciations quotidiennes, nous le faisons sur les réseaux sociaux.
Nous nous sommes très souvent interdits la publication en vrac d’infos courtes, sans commentaires ni analyses, et toujours le style publication de réseau social, dans le mode sensationnel. Nous avons des lectrices et lecteurs, pas des fans qui likent, et même si cela réduit les statistiques, nous en sommes assez fiers.
Il faut dire également qu’après une activité parallèle de deux années consécutives de traduction et d’adaptations des deux ouvrages de Zehra Doğan, et le fait que notre amitié nous amène à collaborer désormais en appui à son travail, le temps manque parfois et, comme disait un ami, “Même si Kedistan n’a rien écrit, le monde continuera de tourner”.
Ainsi, nous ne nous sentons nullement coupables d’abandon de poste. Mais nous avions le devoir, pour les 30 000 lectrices et lecteurs anglophones et francophones qui continuent à fréquenter mensuellement le site, de leur dire que cette “pause” momentanée, ce ralenti, ne cache pas une future disparition, mais au contraire, une autre vie de chat à venir…
Image à la Une : Naz Oke adoptart.net
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