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ARTE Regards dif­fuse un reportage de 30 min­utes : “La dure vie des glaneurs de déchets en Turquie”.

Ce reportage de 2021, met l’ac­cent non seule­ment sur le labeur des ramasseurs, leur pré­car­ité et les dis­crim­i­na­tions subies, mais mon­tre aus­si com­ment la manne du recy­clage attire les con­voitis­es et, de fait, sous cou­vert de “régu­la­tion”, com­ment l’E­tat turc tente de pren­dre la main sur un ser­vice pub­lic sauvage, qu’il n’a su organ­is­er lui-même, pour les plus grands prof­its à venir de cir­cuits qui abon­deront la corruption.

En effet, la loi “zéro déchet” pour 2023, ini­tiée en grande pompe en 2017, et chas­se gardée d’Em­ine Erdoğan, épouse du prési­dent de la République, qui en assura la pop­u­lar­i­sa­tion à la tri­bune de l’ONU en 2021, vise surtout à con­cen­tr­er et rentabilis­er entre quelques mains le secteur du recy­clage et de la val­ori­sa­tion des déchets en Turquie.

On le sait, l’é­conomie cir­cu­laire entre les mains de la mon­di­al­i­sa­tion cap­i­tal­iste est davan­tage une val­ori­sa­tion finan­cière où le déchet va lui aus­si cir­culer comme une marchan­dise dans un grand démé­nage­ment du monde et, au final, devenir une créa­tion de valeur prof­i­tant des développe­ments iné­gaux sur le marché mondial.

C’est surtout la valeur com­mer­cial­is­able du déchet qui est mise en avant, la prise de prof­it à tous les étages au cours de son voy­age autour du monde, par des grossistes, des inter­mé­di­aires, des sociétés de trans­port, plutôt que l’in­térêt écologique du recy­clage, pour­tant bran­di comme un éten­dard vert.

Quand on jette un oeil sur les sta­tis­tiques mon­di­ales, on se rend compte que les cinq Pays qui dépassent ou atteignent pénible­ment le 50% de recy­clage sont l’Alle­magne, l’Autriche, La Corée du Sud, le Pays de Galles, et la Suisse. Par­mi ces Pays l’Alle­magne, jusqu’à des déci­sions très récentes, fig­u­rait aus­si dans les gros “expor­ta­teurs”. Et tout ça con­tribue aux chiffres de la “crois­sance”.

Mais cet arti­cle n’est pas une enquête sur l’é­conomie cir­cu­laire. Il y aurait tant de choses à dire sur l’u­til­i­sa­tion de con­cepts vertueux repeints en vert par le cap­i­tal­isme et détournés de leur util­ité sociale.

Un épisode récent en Turquie, qui s’est mise à accueil­lir plus de déchets qu’elle n’en pro­duit, alors que la Chine en par­ti­c­uli­er fer­mait ses fron­tières aux ordures mon­di­ales, a don­né l’alerte. Ce sont des tonnes de déchets qui ont atter­ri dans des zones agri­coles ou peu­plées, jetés ou brûlés en plein air, faute d’in­fra­struc­tures de recy­clage suff­isante, et faute de tri per­ti­nent de la part des pays exportateurs.

Le “zéro déchet” en 2021 s’est avéré être un engorge­ment des ports de Turquie égale­ment, en péri­ode de pandémie, ce qui n’a rien arrangé.

La Turquie se tourne donc vers sa “pro­duc­tion locale”. Et l’E­tat décide de con­cen­tr­er le secteur. Il ne s’ag­it pas de créer un grand ser­vice pub­lic des ordures et des déchets, au ser­vice de l’é­colo­gie, des pop­u­la­tions et de la planète, mais de ne pas laiss­er échap­per la par­tie rentable du recy­clage et de con­cen­tr­er la chaîne de valeur jusqu’i­ci dis­per­sée dans l’é­conomie informelle.

Per­son­ne ne peut souhaiter que ce “petit méti­er” de ramasseur per­dure ain­si, bien sûr. Mais détru­ire par la répres­sion cette macro économie qui fait vivre tant de tra­vailleurs pau­vres, alors que le ser­vice qu’ils ren­dent au pub­lic et à l’en­vi­ron­nement ne sera pas rem­placé avant longtemps, est là encore une démon­stra­tion que cap­i­tal­isme sauvage et autori­tarisme fas­cisant sont des alliés.

Ce reportage met en scène une forme de mis­ère en Turquie qui cohab­ite avec l’in­so­lente richesse, avec sa cohorte de mépris et de dis­crim­i­na­tions, sur fond cul­turel où fort heureuse­ment la sol­i­dar­ité reste présente.

Le doc­u­men­taire restera disponible jusqu’en octo­bre 2022


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