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Traduction de l’article de Fehim Taştekin, publié le 2 août dans Duvar.
Nous traversons des jours, où nous devons préserver notre raison.
Nos cerveaux sont cramés ; avec ceux qui confisquent le pays, le régime mafieux, l’arrogance, l’égoïsme, l’ignorance, l’incapacité, la négligence.
Nos coeurs sont fatigués ; du racisme, des propos de haine, de la discrimination, de la brutalité, et de mille nuances du mal.
Maintenant, nos poumons brûlent ; les forêts disparaissent avec tout leur écosystème, tous leurs êtres vivants, arbres, faune et flore…
Il file des perles pour excuser le fait que l’Etat n’a même pas un seul avion contre les incendies de forêt. Pourtant il a mis 13 avions au seul service de sa personne, juste pour sa “réputation”. Il exprime les raisons pour lesquelles ils ont laissé pourrir les avions de secours de l’Association aéronautique turque (THK), sur laquelle ils se sont tous abattus 1
Tout le monde est fautif, sauf sa personne. Pour préserver notre raison, nous cherchons refuge chez quatre, cinq personnes, dans la bonté de ceux qui se déchirent pour agir, dans l’immortalité des pompiers qui combattent les flammes.
L’Italie, la Grèce et la Turquie sont dans la même ceinture géographique. Hier, il y avait 299 feux de forêt en Italie, et 58 en Grèce. Le nombre d’incendies que la Turquie a connus ces derniers jours est de 112. Le territoire de la Grèce représente un sixième de la taille de la Turquie. Le nombre d’avions de lutte contre les incendies en Grèce est de 39, et celui de la Turquie est de zéro. Cette réalité s’est plantée tel un couteau dans le cœur de tout le monde.
Il a une réponse à tout. Par exemple il dit “la base des difficultés concernant les avions, se trouve dans le fait que le THK qui s’acquitte de cette tâche depuis de nombreuses années, n’a pas été en mesure de renouveler sa flotte.”
Mais pour la notoriété, il fait construire des palais qui rongent le budget, palais d’hiver, palais d’été… Le budget, il y a, pour cela. Les palais et demeures qui ont fait la fierté des sultans ottomans à Istanbul, ne lui suffisent-ils pas !
De toutes façons, En tout cas, les sujets sont silencieux, le tributaire est heureux ! Les sacs de thé qu’il leur a jetés sur la tête suffisent à les émoustiller ! L’ambition de grandeur déborde à l’extérieur. Malgré les Chypriotes, il prétend construire à Chypre, encore un palais inutile et futile. Toutes ces catastrophes ne sont pas dues à un manque de ressources, mais parce qu’ils considèrent toute la richesse du pays comme leur butin. Lorsque les liens avec le profit sont absent, il n’y a ni mesures, ni investissements. Les liens avec le profit eux, ordonnent la déforestation, pas la conservation.
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Quand l’État prétend l’être, il est grand, il est suprême, il est tout-puissant. Mais quand il s’agit de l’eau, de la vallée, de la forêt du paysan, il rétrécit, devient cruel. “THY vole vers 58 endroits en Afrique”, se vante-t-il. Il négocie d’un marché à l’autre, avec fierté, les drones de fabrication familiale. Il disait il y a peu “Nous sommes désormais le troisième ou quatrième pays au monde dans la production de drones, IHA, SIHA et TIHA”. A partir des aventures militaires en Syrie, en Libye, au Karabagh, il crée le mythe du “Grand État”. Il scrute les montagnes du Kurdistan irakien 24h/24 et 7j/7, opérant jour et nuit avec des dizaines d’avions. Il a annoncé un moment, que les avions nationaux seraient dans le ciel en décembre 2023. Maintenant, il dit à ses sujets “retenez votre souffle, nous sommes près d’aller sur la lune”. Mais Suleyman le Magnifique n’a pas un seul avion pour protéger, conserver, sauver ses forêts !
La carte mondiale des forêts est en flammes. La Turquie, tout comme elle est dans une zone sismique, est aussi dans la zone d’incendies. Depuis des années, il n’y a pas eu de préparation à cette crise qui prend de plus en plus d’ampleur avec le réchauffement climatique. Au contraire, règnent, une insatiabilité, une frénésie dans lesquelles tous les projets ennemis de la nature trouvent vie à la vitesse de la lumière. Beaucoup de mots, aucune précaution ! En raison de l’interruption du califat par la République, il vide et effondre systématiquement toutes les institutions qu’il a associées à la volonté fondatrice. THK en fait partie et vient en tête. A la place de la flotte du THK qu’ils n’ont pas renouvelée pour 34 millions de livres turques, il paie, depuis deux ans, 287 millions pour la location des avions russes.
Et ils ne reculent pas de conspirer pour maintenir la conception accablante de la politique. Une partie de l’appareil du pouvoir répand la haine raciste contre les Kurdes, à partir des incendies, et porte le feu au moteur de la coalition nationaliste-islamiste. Une pièce de théâtre dans une maison de fous ! Une fête pour sa flatterie, ses gangs, son clic de profit, pour le reste, un cauchemar.
Depuis 20 ans, il vend un conte au monde entier : le pays leader, l’avant-garde du monde islamique, la voix de l’Oumma.2. Un récit d’appropriation, qui commence au Kosovo et à la Bosnie, et qui s’étend jusqu’à Jérusalem, Damas, Bagdad, Kaboul. Grand patron de la Providence ! Une revendication non déclarée du nouveau califat. Aucun retour bien sûr ! A part une poignée d’islamistes, tout le monde s’en fiche !
Un spectre qui déborde au-delà des frontières, beaucoup de bruit mais l’intérieur est vide. Les cadres aux ordres sont incompétents, les discours déconnectés de la réalité. Les incitations et les discours qui transforment le pays en bassin de réfugiés ne sont-elles pas le produit de cette logique maladive ? La terre du Calife est ouverte à tous ! Mais, le fait de faire semblant de protéger celui qui se réfugie, de le piétiner, le mépriser, l’exposer au racisme, de le transformer en main-d’œuvre bon marché, de l’utiliser comme chantage contre l’Europe et d’en extorquer de l’argent, rentre dans le livre du calife ! Tout ce qui reste sur les terres qu’ils ont saisies avec leurs maîtres mondiaux, c’est l’instabilité et la migration irrégulière.
Un réseau du mal s’est établi, tel un poulpe dont les tentacules s’étendent à droite et à gauche. Ce mal organisé a aussi un côté qui se régénère et trouve une marge de manœuvre là où il s’est écrasé. Comment l’appeler, dextérité, maléfice ou acrobatie ? Voilà, se porter candidat à la protection et au fonctionnement de l’aéroport de Kaboul, en une. Si la proposition tient, il enrôlera les milices de l’Armée syrienne libre en tant qu’ânes dragueurs de mines, tout comme lors de l’intervention libyenne. Pour ces milices, il va soutirer aux alliés, des budgets, pour le compte de sociétés de sécurité privées qui lui sont fidèles. Par ailleurs, pour les demandeurs d’asile afghans, il fera un accord similaire à celui des migrants syriens. Ces relations immorales avec les États-Unis et l’UE seront la garantie de la pérennité d’un seul homme. Il montre son appétit pour la mission de Kaboul, jusqu’à exprimer qu’il n’y aurait pas de problème en termes de foi religieuse entre lui et les Talibans, qui pourtant traitent la Turquie comme occupante.
En ayant accompagné, pendant 20 ans, l’invasion américaine sous l’égide de la Force Internationale de soutien à la sécurité (FIAS) et de la Force Resolute Support, maintenant il essaie de faire de la Turquie une partie du conflit, avec une nouvelle mission au nom de l’OTAN, tout en disant, “nous avons pris le parti de nos frères afghans face à toutes ces forces impériales”.
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Il est prêt à aller n’importe où, de Syrie en Libye, de Somalie au Qatar, du Karabakh en Afghanistan. La géographie de son cœur est vaste. Mais, comme les incendies l’impliquent directement, pas d’intérêt pour la géographie du désastre en Turquie, discriminée ! Qu’on ne pense pas que le le monde imaginaire agrafé sur d’autres terres pourrait avoir des conséquences réelles et mesurables. Depuis des années, la Turquie consomme ses capacités pour des envies obsessionnelles.
Il se sèche le dos dans le feu à l’intérieur, et recherche d’autres lieux d’incendies à l’extérieur.
Frères, soeurs, préservez votre raison !
Fehim Taştekin
Journaliste d’investigation et chroniqueur de Turquie, il a écrit pour Radikal et Hürriyet et continue d’écrire pour Al Monitor, Turkey pulse. Il a animé l’émission “Sınırsız” (sans frontières) sur IMC TV, chaîne de télévision interdite et fermée par le régime. Excellent analyse, il est spécialisé dans la politique étrangère turque et les affaires du Caucase, du Moyen-Orient et de l’UE. Il a écrit plusieurs livres, notamment “Rojava : Kürtlerin Zamanı” (Rojava : Le temps des Kurdes), livre interdit… Il est également fondateur et rédacteur en chef de l’Agence Caucase. Sur Twitter : @fehimtastekin
Image à la Une : Muğla