Voy­ant la per­for­mance réal­isée par le Reis Erdoğan, dans la caté­gorie “lancer-de-thé”, je n’ai pas pu m’empêcher de saisir la plume de notre doyenne, Mamie Eyan. Non, nous n’é­tions pas aux JO de Tokyo, mais côté Mer Noire, ensuite dans la région méditerranéenne…

Vous le savez cer­taine­ment, après ces inon­da­tions, qui ont causé de grands dom­mages et emporté des vies, depuis plusieurs jours, ce sont des incendies qui anéan­tis­sent les forêts et la faune, voire les habi­tants, aux qua­tre coins de la Turquie. Ces cat­a­stro­phes révè­lent le manque de moyens, l’in­dif­férence et la suff­i­sance du régime, et créent une indig­na­tion sans précé­dent qui se déverse avec colère sur les réseaux soci­aux. Hier, c’é­tait dans l’Est kurde de Turquie, que la boue ensevelis­sait des habitants…

Le Reis et les autorités s’au­torisent ‑comme dis­ait Coluche- à “faire des obser­va­tions” et se ren­dent sur place. Ce qui peut paraitre tout à fait logique. Seule­ment quand l’E­tat pointe son nez, en grand cortège, avec des dizaines de voitures de pro­to­cole étince­lantes à la queue-leu-leu, sou­vent en coupant ain­si la route des sec­ours, c’est voy­ant… Le Reis “étudie la sit­u­a­tion”, et bien sûr, tout est bon pour la comm, il faut donc s’adress­er au “pôple”.

Sauf que là, les équipes de com­mu­ni­cants bien pen­sants ne pensent pas bien, mais pas du tout bien…

Nous avons un Erdoğan qui, depuis des hau­teurs d’une tri­bune, lance des sacs de thé sur la tête de son public.

Rap­pelons que Rize est une ville de la Mer Noire, et que cette région est celle qui cul­tive déjà la qua­si total­ité du thé turc. Et, dans le genre “Vous avez l’eau, voici le thé”, la plaisan­terie ne passe pas non plus.

Le présen­ta­teur — chauf­feur de salle :
“Notre Etat est fort, et tou­jours à côté de notre Nation, il  fait tout son pos­si­ble. Depuis le pre­mier jour de la cat­a­stro­phe, notre Etat est à côté de nos com­pa­tri­otes à Rize, et con­tin­uera de l’être ensuite à Artvin. Chers habi­tants, notre Prési­dent de la République vous offre dans des sacs “amis de l’en­vi­ron­nement”, la chose que vous con­nais­sez la mieux, le thé. Bon appétit ! Oui, notre Prési­dent de la République Erdoğan, offre du thé, dans des sacs “amis de l’en­vi­ron­nement” à vous, nos respecta­bles habi­tants de Rize, bon appétit !
Respecta­bles com­pa­tri­otes, s’il vous plait, prenons le soin de bien porter nos masques pour cou­vrir nos nez et nos bouch­es. C’est notre prière adressée aux dames et aux messieurs.”

Même en cher­chant beau­coup, il est impos­si­ble de com­pren­dre, ou de don­ner un sens intel­li­gent à ce “lancer de thé”. Com­ment peut-on penser con­sol­er, ou récom­penser les habi­tants d’une région pro­duc­trice de thé, en leur bal­ançant leur pro­pre pro­duit ? Qu’est-ce qui est imag­iné là ? Les habi­tantEs vic­times d’i­non­da­tion, qui ont per­du leur foy­er, leurs biens, vont sans doute, courir vers leur théières pour boire un “thé de plaisir” comme on dit en turc…

Mise à part le non-sens, ce “geste” est minable, hau­tain, arro­gant et pétri de suffisance.

Le truc qui tue, c’est que les sacs de thés sont rat­trapés en vol. Ce qui éveille une ques­tion : Qui sont ces foules amenées là pour l’acclamer ?

Erdoğan n’en est pas à son pre­mier essai. Lors de la dernière cam­pagne élec­torale, des paque­ts de thé s’en­volaient déjà.

Et main­tenant avec les incendies, dans d’autres régions, le Reis remet encore ça. Cette fois sans doute parce que l’eau est chaude…

Même les pro-Erdoğan expri­ment leur indig­na­tion, et s’é­ton­nent devant cette insis­tance insen­sée. De nom­breux partages sur les réseaux soci­aux, pour­tant favor­ables, prient le Reis “S’il vous plait, arrêtez ! On vous aime beau­coup et cette his­toire de thé vous fait du mal à vous…”.

Depuis le 28 juil­let, à ce jour, Plus de 100 incendies ont rav­agé vil­lages et forêts.

Là, nous sommes à Mar­maris. Les forêts con­tin­u­ent de brûler. Ce pou­voir qui con­stru­it des palais, ici même, et qui se déplace avec des avions privés, n’au­rait donc pas assez d’avions pour étein­dre les incendies, ni de fonds pour les financer.

Le “présen­ta­teur” de l’événe­ment dit dans la vidéo suiv­ante : “Pour son dis­cours, nous remer­cions Mon­sieur Recep Tayyip Erdoğan, notre Prési­dent de la République, garant de notre unité, et qui est tou­jours au côté et au ser­vice de sa Nation. Chers com­pa­tri­otes, notre Prési­dent de la République vous offrira ici, du thé.” 

Bien chaud le thé ?

Et bien sûr, cerise sur le gâteau, cha­cun claironne à tous vents, entre deux séances de lancers, que les incendies seraient le fait du PKK, qui ain­si provo­querait l’E­tat. Et les médias tor­chons titrent ‑sans source- “Le PKK a revendiqué les incendies”.

D’un côté, bien sûr, cela évite d’abor­der les effets des change­ments cli­ma­tiques, et surtout l’ab­sence totale de préven­tion les con­cer­nant, mais aus­si ce qui sou­vent dans ces cas là se traduit par des effets d’aubaine, où, mirac­uleuse­ment, on voit appa­raître à la suite d’in­cendies béton et finances, pour colonis­er les cen­dres. D’ailleurs la nou­velle Loi de réforme numéro 7334, votée le 18 juil­let 2021 est pub­liée le 28 juil­let dernier dans le Jour­nal Offi­ciel et entrée en vigueur. Celle-ci apporte des “amélio­ra­tions”, entres autres, à la Loi sur le tourisme. Selon l’article 1, alinéa d et en résumé : Désor­mais, le Prési­dent de la République peut définir l’emplacement et les lim­ites des zones, les déclar­er d’intérêt pub­lic, afin de les ouvrir aux investis­seurs du tourisme ; les ter­ri­toires, y com­pris de nature forestière, même si elles se situent en dehors des “zones de développe­ment touristique”.

Pen­dant ce temps là, le “lancer-de-thé” continue…

A l’ini­tia­tive de la Turquie, pour les prochains JO, ver­ra-t-on homo­loguer ce nou­veau sport national ?

 


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…