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Une mesure d’éloignement forcé vient d’être prise par l’Etat turc contre Zehra Doğan. Elle a été envoyée dans la sinistre prison de Tarsus (Tarse).
L’artiste et journaliste Zehra Doğan, jetée en prison depuis le 12 juin 2017 à Amed, parce que condamnée à 2 ans 9 mois et 22 jours exactement, ayant effectué 141 jours de préventive auparavant, pouvait envisager une libération pour la fin de février 2019. Nous apprenons qu’elle vient d’être séparée des co-détenues du quartier des femmes de la geôle d’Amed (Diyarbakır) et envoyée vers le centre de détention de Tarsus, connu pour ses violences, sa répression, et les violations de droit des prisonnières.
La geôle d’Amed n’est pas un centre épargné par la répression, mais les détenues politiques bénéficient d’un soutien du fait que Diyarbakır soit une ville historique de la résistance kurde, malgré le régime de peur et de division qui y a été installé depuis 2015/17. Zehra bénéficiait de ce relatif soutien sur place, et surtout d’une proximité familiale. Cette mesure d’éloignement est de fait une sanction et une tentative de couper Zehra de ses proches, des liens, mêmes ténus de solidarité sur place, et vise à la couper de tout entourage bienveillant.
Mais Zehra n’est pas la seule frappée par cette mesure, prise sans prévenir ni familles ni avocats. Les déportations des détenues concernent, pour celles aujourd’hui connues : Nezahat Şingez, Sevgi Altınel, Zehra Doğan, Gülten Orak, Hatice Ay, Sabiha Turan, Sakine Bozkuş, Maşallah Dağ, Halime Işıkçı, Mehtap Yılmaz, Meral Temel, Evindar Aydın, Bahar Avcı, Ayhan Akgül , Saadet Ergin, Özliyet Filizer, Rukiye Bakış.
La prison de Tarse est connue pour les violences, accompagnées de sévices et de harcèlement envers les prisonnières, qui ont émaillé entre autres, l’année 2018. La proportion de gardiens hommes dans les quartiers de femmes y est très élevée, ce qui fait que cette geôle est classée pilote en matière de répression. Elle est constituée de cellules d’isolement et de quartiers très restreints (3 ou 8 personnes). La discipline y est militaire et la langue kurde, comme partout ailleurs, non tolérée publiquement.
(Une interview à distance, réalisée par Zehra courant septembre 2017 en parlait déjà : “Zehra Doğan • Reportage depuis sa prison, avec Sara Aktaş” Cliquez pour lire)
Même si la ville de Mersin compte une importante communauté kurde, la région est majoritairement nationaliste (AKP, CHP, MHP). Ces trois formations se disputent d’ailleurs pour se partager la région lors des prochaines municipales…
L’éloignement, pour ce qui concerne la famille de Zehra, sera désormais de près de 600 km, et réduira d’autant les possibilités de visites. Il en sera de même pour toutes les autres prisonnières, dont 5 sont gravement malades.
La raison invoquée pour ce “transfert”, véritable calvaire dans des véhicules dit “ring”, dont on connaît la dureté, notamment pour toute personne malade, est la sur-population carcérale dans la geôle d’Amed, en attente d’une extension. Il a cependant été effectué “hors la loi”, puisque non annoncé au préalable aux avocats et aux familles. Toutes l’ont appris par la bande, ou grâce à la vigilance d’amiEs…
Des transferts de prisonnières se sont accompagnés de “fouilles à nu” fréquemment. Et des témoignages sortis de la prison de Tarse début 2018 font état de cette pratique courante. Nous ne saurons qu’ensuite si cela a été à nouveau le cas, mais l’inquiétude des avocats est grande à ce sujet.
Il est donc urgent de porter au grand jour ce qui est une atteinte de plus aux droits fondamentaux de ces vingt prisonnières, et tant pour Zehra, qui jusqu’alors pouvait témoigner pour elles, grâce à la solidarité transnationale qui s’est créée autour de sa personne, que pour toutes, exiger une reprise immédiate des communications avec la famille et les avocats.
Zehra reçoit dans les jours qui viennent le prix prestigieux du “courage en journalisme”, aux Etats Unis. Celles qui remettent ce prix doivent mettre un point d’honneur à dénoncer cette situation nouvelle, et à la porter à la connaissance du public. Nous invitons bien sûr le PEN club international, et ses différentes sections, qui soutiennent Zehra, à “faire du bruit”, tout comme Amnesty et les associations de journalistes, même si Zehra est une “sans carte” et kurde de surcroît, afin que cette mesure de déportation ne permette pas au régime de Turquie de réduire Zehra au silence, même si nous savons qu’il en faut beaucoup pour la faire taire.
Partagez un maximum cet appel au secours. ToutE prisonnièrE laisséE seulE en Turquie court un danger. Les sortir de l’anonymat dès lors qu’une mesure de répression est prise est à minima une protection. Exiger la reprise sans tarder des communications et des visites doit être l’urgence de ces jours à venir.
Même si la Turquie est une vaste prison pour beaucoup, demander la libération de notre amie Zehra restera notre exigence !
ATTENTION : Toute correspondance vers l’ancienne adresse à la prison de Diyarbakır ne retrouvera pas Zehra. Vous trouverez sa nouvelle adresse ICI.
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