Voilà le premier ministre Ahmet Davutoğlu devant le gratin de la finance internationale et les décideurs lobbyistes du capitalisme mondial à Davos.
Il y aurait déclaré à propos des réfugiés de guerre
“Nous ne demandons pas d’argent, nous ne négocions pas d’argent, pour nous, il s’agit d’un devoir humanitaire, pas d’un problème d’assistance financière”.
Puis il s’est empressé de demander d’urgence des « mesures concrètes », rappelant que la Turquie accueille à elle seule plus de 2,2 millions de réfugiés syriens.
Demander des mesures concrètes au Pays des Banques devant un parterre de financiers et de politiciens intéressés, s’il ne s’agit pas de monnaie, que peut-il espérer ? On en voit mal la couleur ? S’il les préfère en vert, sa mesure concrète, il devra repasser, car c’est en euros trébuchants que la somme de trois milliards est promise.
Mais attention, c’est juste pour récompenser un « devoir humanitaire ».
A la vitesse où ça va, le temps de récupérer les dents en or de tous les réfugiés syriens, comme commencent à le suggérer les humanistes européens, le Davutoğlu va encore pourtant devoir attendre quelques passages de mesures concrètes avant d’en attraper une.
Pour l’instant, l’ensemble des gouvernements européens et les membres transatlantiques de l’Otan ferment les yeux sur ce que fait son gouvernement au Kurdistan Nord (Est de la Turquie), et ça, ça vaut de l’or, puisque cela s’accompagne aussi d’une possible continuité discrète dans les rapports économiques transfrontaliers avec les partenaires financiers occultes de Daech. Et le rappel à l’ordre de l’attentat d’Istanbul ne devrait pourtant pas transformer le gouvernement turc en partenaire zélé de la coalition de sitôt.
On peut quand même supposer que dans les « mesures concrètes », il y a aussi la libre installation tant demandée sur la frontière syrienne et au delà, de la fameuse zone tampon, qui permettrait paraît-il d’y installer aussi une zone d’accueil, bien au delà du camp déjà existant près de Kobanê. Engager une rupture territoriale du côté du Rojava n’est pas un problème « d’assistance financière »pourtant. Et l’Otan avait déjà donné son feu vert. Ont-ils besoins d’un encouragement des grands de la finance ?
C’est pour le pouvoir d’Erdogan le rêve absolu. Il a déjà pour ce faire maintenu le blocus matériel et humanitaire du Rojava, n’a jamais cessé attaques sporadiques ou menaces, et même fait quelques avances à une fraction kurde irakienne, pressée de profiter de la rente pétrolière, et capable de vendre « des frères » pour cela, dès lors que la menace de Daech diminuerait.
Cette politique d’équilibriste, dans la continuité de celle qui fut un échec contre le régime syrien, a bien besoin de « mesures concrètes ».
On voit mal également comment les bientôt dizaine de milliers de Kurdes, chassés par les « états de siège » de leur villes et quartiers pourraient ne pas tenter leur chance à leur tour dans les mois qui viennent, pour celles et ceux parmi eux qui ont tout perdu.
Le gouvernement turc dispose donc d’un moyen de chantage efficace, tant que les gouvernements européens accompagneront les replis identitaires qui montent au sein des populations et choisiront le refus d’accueil pour sauver leurs fonds d’urnes électorales.
Le Ministre Davutoğlu ne demande donc pas d’argent, l’Europe lui en donnera volontiers, pour qu’il accomplisse son devoir humanitaire. Il faut juste qu’elle se fasse prier, pour la forme.
De quelque côté que l’on retourne le problème, force est de constater qu’il y a bien quelque chose de pourri dans ces marchés passés sur le dos des victimes des guerres que les « partenaires de Davos » contribuent à financer, entretenir ou encourager de toutes les manières. Il y a quelque chose de plus pourri aussi à faire mine d’ignorer que ces politiques de court terme peuvent déboucher sur un chaos pire encore, au delà de toutes les gesticulations en cours.
Tout cela paraît tellement relever de ce qu’on pourrait penser être une « vision du monde » complotiste, avec les bons, les victimes et les méchants, qu’on espère très vite se réveiller de ces cauchemards géopolitiques et de ces échanges de bons procédés sur le dos de l’humain. Malheureusement, chaque jour apporte la suite et force à jouer les Cassandre.
Jusqu’ici tout va bien.… C’est sans doute ce qu’a pensé très fort Ahmet Davutoğlu, puisqu’il a décroché un nouveau rendez vous chez Dame Merkel… en petites coupures usagées, bien entendu.
Si donc Ahmet Davutoğlu fait ses humanités, c’est bien parce qu’il apprend le langage de la finance, avec les “grands” du 1%.