Le sommet Europe Turquie a bien eu lieu, malgré le climat militarisé de Bruxelles, le refroidissement des relations entre la Turquie et la Russie, et la liste des sanctions publiée par Poutine qui s’en est suivi.
Ce ne sont pas des militaires dans les rues qui ont impressionné Davutoğlu et l’accueil chaleureux à Bruxelles a vite fait oublier le rapport d’étape, qui avait été publié il y a peu, faisant état de « manquements à la liberté d’expression », rapport renforcé par l’emprisonnement récent des journalistes de Cumhuriyet suite à un article relatant des livraisons d’armes par les services secrets turcs à des islamistes en Syrie.
L’Europe a tellement besoin d’un chien de garde pour les réfugiés de guerre, qu’elle est prête à renouveler l’expérience criminelle qu’elle avait financée avec Khadafi, dont on a connu les résultats depuis, en chiffres de morts et de “disparus”.
La Turquie s’engage à faire barrage aux réfugiés en échange d’une contrepartie financière, d’une libéralisation des visas et de nouvelles négociations pour l’adhésion à l’UE.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a confirmé le montant de trois milliards d’euros pour aider la Turquie à prendre en charge les réfugiés syriens sur son sol. Davutoğlu a affirmé que cet argent « ne servira pas à la Turquie mais bien aux réfugiés ». Fermez le ban !
Davutoğlu et Tusk ont salué « un nouveau départ »
De fait, l’évènement revêt une symbolique particulière pour la Turquie, qui n’avait pas participé à un sommet européen depuis onze ans. « Nous sommes une nation européenne ; la destinée de notre continent appartient à vous tous » a lancé le Premier ministre lors de la réunion, ajoutant l’importance de l’adhésion turque à la « famille européenne », non seulement pour l’UE et la Turquie, mais « pour la paix globale ».
Une « paix globale » qui passe pour le moment par la guerre, le silence européen sur la poursuite de la répression contre le Kurdistan turc, l’assassinat d’avocats, les tentatives d’assassinat du dirigeant de l’opposition, la dissimulation du business avec Daech…
Bref, la belle Europe de la paix a les étoiles qui trempent dans le sang et la misère, pour sauver ses fesses.
C’est pourquoi nous n’avons aucune réelle illusion sur la demande de Reporters sans frontières, pourtant présentée en marge du sommet, de l’exigence de libération des journalistes emprisonnés.
Si celle-ci n’est pas accompagnée d’une plus large mobilisation, sachant qu’elle a contre elle à la fois l’hypocrisie des dirigeants européens et Erdogan, nous pouvons douter des chances d’aboutir.
Les dirigeants européens sont en train de tirer un voile noir sur le continent, gracieusement fourni par l’AKP, pour justifier leur politique xénophobe et de repli et la mettre en œuvre par procuration.
C’est la solution finale trouvée.
Le petit magazine qui ne se laisse pas caresser dans le sens du poil.