Celles et ceux d’en­tre vous, qui regar­dent d’un peu de près ce qui se passe en Turquie, voient des chiffres pass­er sous leurs yeux.

Décrets sur décrets, des dizaines de mil­liers de per­son­nes sont limogées, licen­ciées, arrêtées.

Plus de 90 000 fonc­tion­naires, env­i­ron 4 400 uni­ver­si­taires ont été licen­ciés. Plus de 1500 asso­ci­a­tions ont été fer­mées, 180 organes de press­es ont été scel­lés, enseignants, jour­nal­istes, fonc­tion­naires, plus de 450 000 per­son­nes ont été pro­jetées dans le chô­mage… Au mieux ils ont per­du leur tra­vail, mais beau­coup de fonc­tion­naires ont vu dis­paraitre avec leur licen­ciement par décret, leurs droits soci­aux et leur retraite… Et pour com­pléter, ils sont en plus jetés en prison.
Les maires d’une trentaine de local­ités ont été rem­placés par des cura­teurs, mis en prison, comme les 12 députés du HDP…

Cette sit­u­a­tion con­cerne celles et ceux qui rem­plis­saient des tâch­es de respon­s­abil­ité, mais aus­si le “petit per­son­nel”, jusqu’au chauf­feur d’une munic­i­pal­ité, voire le can­ti­nier qui ser­vait le thé dans les services…

Leur faute ? Ne pas penser, ou être soupçon­nés de ne pas penser comme le régime leur ordonne.

Ces vies bas­cu­lent dans un cli­mat ven­imeux de haine, couron­né d’une impor­tante infla­tion galopante et d’un corol­laire de baisse de pou­voir d’achat.
La Livre turque a chuté de 30% devant le Dol­lar, la dette extérieure aug­mente (55 Livres turques sur 100 LT), l’in­vestisse­ment quitte le pays (autour de 100 mil­lards de Dol­lars) et l’é­conomie “crois­sance” a bais­sé de 5%.…

Et ce ne sont pas de sim­ples chiffres. Les noms qui s’alig­nent sur des pages inter­minables, sont de vraies per­son­nes. Elles ont toutes, une famille, des enfants, des proches, des charges, des engage­ments, une vie ! Vous voulez un exem­ple concret ?

On vous emmène à Mamak, une ville et un dis­trict de la province d’Ankara, chez Hüs­nü Gençtürk.

Hüs­nü, fonc­tion­naire avec une anci­en­neté de 20 ans, a été licen­cié sur propo­si­tion de Mesut Akgül, Maire AKP du Mamak, et par déci­sion de décret n° 677.

Il a été aban­don­né à son sort, sans tra­vail et sans sécu­rité avec sa femme et ses enfants, 21 et 17 ans, qui tous les deux, souf­frent d’une mal­adie incur­able qui néces­si­tent des médica­ments, et des soins spéciaux.

On ne vous emmène pas chez Hüs­nü pour tit­iller vos cordes sen­si­bles, à la recherche de char­ité. Ce cas est juste un cas sur des mil­liers de tra­vailleurs du secteur public.

Nous voulons aus­si con­tr­er une image facile qui pour­rait naître ici : “Ce régime per­sé­cuterait ses élites, ses intel­lectuels, ses poli­tiques, et s’ap­puierait sur “le petit peu­ple des ânes”, abrutis de reli­giosité pour le faire”…

Ce serait bien mal appréhen­der la répres­sion en Turquie et la nature du régime… Bien mal com­pren­dre aus­si la nature de l’op­po­si­tion qui subit de plein fou­et la purge. Cette purge est poli­tique, eth­nique, patri­ar­cale, con­tre toutes les minorités, et ce du haut en bas de l’échelle sociale.

C’est une divi­sion et une polar­i­sa­tion com­plète de la société, instru­men­tal­isée par un pou­voir fas­cisant. Lorsqu’elle frappe les “petites gens”, ceux-ci, de par leur appar­te­nance sociale déjà défa­vorisée, sont dou­ble­ment vic­times. Vic­times des accu­sa­tions portées con­tre eux certes, parce qu’ils avaient osé relever la tête et voulu sor­tir de leur con­di­tion, mais plongés dans la pré­car­ité totale, plus grande encore, parce qu’ap­par­tenant déjà au pro­lé­tari­at qui pra­tique la survie… Et dans cette descente sociale aux enfers, s’a­joute la haine de l’E­tat et de ses représen­tants en prime.

Les vic­times des mas­sacres de cette année passée, les familles brisées, déplacées, la perte de toute vie sociale nor­male, parce que sans loge­ment à la suite des destruc­tions, les empris­on­nements à grande échelle, con­cer­nent très majori­taire­ment des milieux pop­u­laires, ne nous méprenons pas. Et cela tout bon­nement parce que leur com­bat était aus­si un com­bat d’é­man­ci­pa­tion sociale.

Alors, lorsque nous écrivons “et tous les autres”, c’est réelle­ment toutes et tous les autres… l’hu­man­ité des chiffres.

Mais alors que faire ?

Et bien, déjà à notre, votre petite échelle, aider à résis­ter celles et ceux qui là bas peu­vent encore apporter sol­i­dar­ité et sec­ours… des asso­ci­a­tions, des col­lec­tifs, des mil­i­tantEs, sans pour cela penser que nos “col­lectes” suf­firont, dans cette “béance de la mis­ère” provo­quée par la guerre poli­tique et mil­i­taire du régime. Dif­fuser, par­ticiper à des cam­pagnes de sou­tiens, même si pour cela il faut met­tre en avant telle ou tel. Et les noms, les per­son­nal­ités ne man­quent pas… Con­tin­uer l’envoi de cartes aux pris­on­nierEs… Inlass­able­ment met­tre en lumière les “otages oubliés” sur les réseaux soci­aux… et inventer…

Et là, pré­cisé­ment, inon­der les réseaux soci­aux, le fax la mairie scélérate par exemple…

La Mairie de Mamak
Tél : 90+312550 70 00 | 90+312 550 70 01
Fax : 90+312 550 71 66
Site Inter­net de la Mairie de Mamak
Twit­ter @Mamak­Belediye­si | Face­book @mamakbelediyesi

Mesut Akgül, maire de Mamak 
Twit­ter @mesutakgul06 | Face­book @amesutakgul

Tra­duc­tion de la vidéo :

Le 22 novembre 2016, par de décret n°677, Hüsnü Gençtürk, le père de Sibel et Ugur qui sont malades et dépendants, à été mis à la porte de la Mairie de Mamak, où il travaillait comme administrateur.
Hüsnü : La Terre n’a rien d’autre que la terre. Personne n’emporte rien à l’au-delà… On ne peut rien emporter. Nous pouvons penser juste à l’avenir de nos enfants. Mes enfants n’ont pas d’avenir. Mon garçon a 21 ans. Il pesait 87 kg, il est descendu actuellement jusqu’à 37, 38 kg. Parce que mon enfant, mon fils, n’a pas d’avenir. Il a une maladie qui s’aggrave. Ma fille, c’est pareil. Elle faisait 76 kg, elle pèse 51 kg aujourd’hui. Ca s’aggrave.
J’ai commencé à travailler à la Mairie de Mamak en 1995, même en décembre 94. Je suis programmeur informatique. A la mairie il y avait 13 ordinateurs, je les ai mis à niveau, alors que la mairie ne pouvait rien faire avec ses 13 ordinateurs. J’ai organisé les réseaux pour la Direction de Reconstruction, Direction de ressources humaines, et d’autres services.
Avec ce décret, ils m’ont licencié. Nous sommes des victimes. Nous ne savons pas quoi faire. Mon travail m’a été retiré.
L’épouse de Hüsnü :  J’ai eu un choc. J’ai fondu de 2 kg en 3 jours. Et en ce moment… quoi dire.… c’est terrible…
Hüsnü : J’ai deux enfants. L’un est né en 1995. Il est actuellement alité, alimenté avec de la nourriture pour bébés… il porte des couches. Ses médicaments viennent de l’étranger. Quant à ma fille, elle est née en 2000. Elle a la même maladie que son frère. Elle a 17 ans, et depuis 3 ans, sa maladie s’aggrave. C’est moi qui subviens à tous leurs besoins.
L’épouse de Hüsnü : Notre vie est difficile. Mais après le licenciement de mon mari, c’est devenu encore plus difficile.
Hüsnü : Je suis un homme de 54 ans. Personne ne te donne du boulot. Tu es au chômage. Tu as l’obligation de subvenir aux besoins de ton foyer. Jusqu’à maintenant je n’ai touché aucune aide de l’Etat. aide à la famille, allocation handicap, nous n’avons rien demandé.
Je portais le cachet de la mairie. Je faisais ses registres. Je n’ai au aucune responsabilité importante pour accuser ou faire quelque chose à l’encontre de la mairie et du Maire. Si c’est fait, c’est parce que je suis Alévi, que je défends la laïcité, le “kémalisme”.…. je n’accepterai absolument aucune accusation à mon encontre.
L’épouse de Hüsnü :  C’est eux qui nous ont apporté le lit de notre enfant. Ils sont venus chez-nous. Ils savaient notre situation, pourquoi ils ont fait ça ? J’ai voulu demander, mais il ne voulait pas (en montrant son mari).
Hüsnü : Il ne peut pas avoir pire dans cette vie. S’il m’arrivait quelque chose, que je sois arraché de la vie, qui s’occuperait de ces enfants, on ne peut pas savoir ?
L’épouse de Hüsnü :  Le 27 février, notre prise en charge par sécurité sociale se terminera aussi. Après.. il y a les médicaments. Comment on va les acheter ? Il y a des médicaments qui viennent de l’étranger. Je ne vais quand même pas demander des ordonnances au nom de quelqu’un d’autre ?
Hüsnü : Maintenant  elle commence à avoir des handicaps moteurs. Elle ne peut plus tenir une cuillère, manger. On l’emmène aux toillettes, ensemble avec sa mère, on lui donne son bain à deux C’est une jeune fille… Ugur, depuis un mois et demi, n’a pas pu prendre de bain. C’est difficile, à cause des crises.
Nous faisons appel aux autorités… Je fais appel aux autorités qui ont une conscience : je veux retrouver mon travail.
La jeune fille essaie de dire “Nous voulons le travail de mon père”

Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Kerema xwe dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas
KEDISTAN on EmailKEDISTAN on FacebookKEDISTAN on TwitterKEDISTAN on Youtube
KEDISTAN
Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.