Le ministère de l’Intérieur turc a fermé, par un nouveau décret promulgué dans le cadre de l’état d’urgence, 1125 représentations de 370 associations, fondations, organisations de société civile actives dans 39 villes.
Le Ministère motive sa décision par le prétexte qu’elles seraient “liées aux organisations terroristes FETÖ (153), PKK/KCK (190), DHKP‑C (19), et Daech (8)”. 47 des associations interdites se trouvent à Diyarbakır.
Pour lire ces chiffres, il faut bien sûr considérer par exemple que pour les organisations dites “liées” au PKK/KCK ou DHKP‑C, il s’agit d’associations kurdes, et d’associations progressistes de fait en opposition avec le régime. Pour le reste, le FETÖ est prétexte au grand n’importe quoi, quant à Daech, on peut se demander pourquoi elles étaient toujours ouvertes…
Le Ministère a fait cette déclaration par communiqué :
Les enquêtes et études les concernant étant en cours, notre lutte contre toutes les organisations, institutions, groupes et structures liés aux organisations terroristes, continuera sans interruption et intensivement
Pour un certain nombre de ces associations de société civile, ce n’est pas la première fois qu’elles subissent interdictions ou censures. Chaque fois, elles renaissent ou se reconstituent sous d’autres formes. Cette répression n’est pas uniquement l’apanage du gouvernement AKP, mais est aussi liée aux 40 dernières années de la vie politique en Turquie.
Qui seront les prochains interdits par décret d’état d’urgence ? Les syndicats ?
Voici la liste complète (en turc) des organisations fermées.
Dans la liste se trouve entre autres, ÇHD (Çağdaş Hukukçular Derneği — l’Association des Juristes progressistes).
La ÇHD est une association fondée en 1974 dont le siège principal se trouve à Ankara, et a des représentations dans les villes d’Adana, Alanya, Antalya, Bursa, İzmir, İstanbul, Kocaeli, Mersin, Şırnak, Urfa, Van.
Depuis 1974, nous ne nous sommes pas tus, nous ne nous tairons pas !
La ÇHD déclare son objectif comme “Travailler pour le procès de l’humanité sous la lumière des conquêtes historiques de milliers d’années ; pour la mise en place d’un système de Droit, basé sur la liberté et la démocratie, et garanti par la conscience collective, et pour empêcher toute attaque contre les droits fondamentaux, commençant par le droit à la Vie, et contre la dignité humaine.”
Leur dernier tweet du ÇHD :
Nous sommes les avocats des travailleurSEs, des révolutionnaires, des étudiantEs, des femmes, du parc Gezi… Nous avons été toujours présents, nous le serons toujours. La ÇHD ne s’est jamais tu, ne se taira pas.
İşçilerin, devrimcilerin, öğrencilerin, kadınların, Gezi Parkı’nın avukatlarıyız! Hep vardık, hep olacağız! #ÇHDSusmadıSusmayacak
— ÇHD İstanbul Şubesi (@CHDistanbul) 11 novembre 2016
Le moment des scellés en live, avec des sifflets et slogans…
“A bas le fascisme, vivre notre lutte !”
“Coude à coude contre le fascisme !”
“ÇHD ne s’est jamais tu. Nous n’allons pas nous taire !”
Yılgınlık yok! Direniş Var! #ÇhdSusmadıSusmayacak pic.twitter.com/zEMIrtfmtV
— ÇHD Ankara Şubesi (@chdankara) 11 novembre 2016
Il n’y a pas que ÇHD… Parmi les organisations interdites, il y a aussi ÖDH (Association des juristes libres), TAYAD (Solidarité aves les familles des détenuEs), HHB (L’office du Droit du Peuple), Gökkuşağı Kadın Derneği (Asso de femmes), Centre de Culture MED, TUAD…
Dans le quartier Gazi, les locaux de la Fédération démocratique des Peuples d’Istanbul, et de La Fédération démocratique des Peuples de Gazi ont été saccagés. La police a confisqué livres, journaux et disques durs des ordinateurs et a quitté les lieux après avoir tagué sur le mur “Seloş” [Surnom péjoratif pour Selahattin Demirtaş]. A Taksim, Hukukta Sol Tavır Derneği (Association, Posture à gauche dans le Droit) a été placée sous scellés. Interdite également Toplumsal Dayanışma, Eğitim, Araştırma ve İletişim Derneği (L’association de Solidarité Enseignement, Recherche et Communication), structure associative derrière le site d’info Dokuz8haber.
Dans d’autres villes, où de nombreuses organisations progressistes travaillant en solidarité dans des domaines de Droit/Justice, culture, enfance, prisonniers, journalisme, réfugiés, LGBTI et femmes… ont été interdites, les documents, livres et ordinateurs ont été confisqués, les portes des locaux scellées.
Erdogan interdit #TAYAD, légendaire association des familles de détenus politiques qui défia la junte militaire du général Evren en 1980. pic.twitter.com/i3Uoo9kQXr
— Bahar Kimyongur (@Kimyongur) 11 novembre 2016
ÖDH (Les Juristes pour la liberté) Photo du mars 2016 à Istanbul
“L’oppression fasciste ne peut pas nous intimider”
La police entre dans les locaux du HHB à Ankara, en live.
Ankara büromuza polisin girme anı. bir hukuk bürosuna özel harekat polisleri maskeleriyle kalkanlarıyla uzun namlulu silahlarıyla giriyor… pic.twitter.com/TYhbjfGZPt
— Halkın Hukuk Bürosu (@halkinhukuk) 11 novembre 2016
Le local du KJA, (Kongreye Jinên Azad, Congrès des femmes libres) à Amed (Diyarbakır) a été assiégé. Les femmes ont fait une déclaration.
Fatma Kaşan, membre du KJA : “Cette association est l’expression de la lutte des femmes kurdes qui dure depuis trente ans. Nous allons continuer à résister. Nous n’avons jamais été soumises à personne, nous sommes arrivées jusqu’à aujourd’hui en résistant. Notre chemin sera le même, vous ne pouvez pas empêcher la lutte des peuples pour la liberté.”
[Désolés, la vidéo de Jinha, publiée ici n’est plus visible car la page FB a été supprimée]
Image à la une : Décret manuscrit signé, paraphé…