Vous avez cer­taine­ment déjà ren­con­tré dans les pages de Kedis­tan Pınar Selek, soci­o­logue turque en exil en France, et con­nais­sez son cal­vaire kafkaïenne qui dure depuis plus de 25 ans… Elle est pour­suiv­ie sans relâche par le régime turc. Après chaque acquit­te­ment, un nou­veau procès se réou­vre, tou­jours pour un crime qui n’ex­iste pas. Elle ne renonce pas, ne cesse de se défendre, et de dénon­cer l’u­sine à fab­ri­quer des citoyen.nes formaté.es au ser­vice d’un Etat coerci­tif et nation­al­iste depuis sa fon­da­tion, tout en soulig­nant que son his­toire “est un exem­ple par­mi tant d’autres”, de celleux qui rem­plis­sent les pris­ons, vivent en exil, ou sous l’épée de Damo­cles, au pays.

Et voilà, une prochaine audi­ence se déroulera bien­tôt, le 29 sep­tem­bre, à Istan­bul. En atten­dant cette nième mas­ca­rade, elle pub­lie un nou­veau livre aux Edi­tions des femmes — Antoinette Fouque : Le Chau­dron mil­i­taire turc. Un exem­ple de pro­duc­tion de la vio­lence mas­cu­line. Il sera dans les librairies le 5 octo­bre 2023.

Ce livre prend le pas d’un pre­mier, pub­lié 14 ans aupar­a­vant, Sürüne Sürüne Erkek Olmak, dont la ver­sion en français est parue en 2014 Ser­vice mil­i­taire en Turquie, et con­struc­tion de la classe de sexe dom­i­nante. Devenir homme en ram­pant (L’Har­mat­tan — épuisé).

Cet ouvrage qui vient d’at­tein­dre sa neu­vième édi­tion, tourne encore aujour­d’hui en Turquie, sous forme de pièce de théâtre, ain­si que les ver­sions en alle­mand, et en ont par­ticipé aux débats européens sur ce sujet.

Ce livre fut réal­isé au tra­vers d’en­tre­tiens oraux avec 79 hommes, tous de prove­nances, pro­fes­sions, âges, milieux soci­aux, et de ten­dances poli­tiques divers­es, cha­cun ayant des vécus et expéri­ences par­ti­c­ulières. 21 des inter­viewés s’é­tant rétrac­tés, seuls 58 témoignages fig­urèrent dans le livre, et dans l’anony­mat. Il serait utile de soulign­er qu’en Turquie, le fait d’inciter un mil­i­taire à nég­liger ses devoirs coûte là trois ans.1

Pınar explicite dans la pré­face de ce nou­veau livre sa démarche et appro­fon­dit sa réflex­ion, “aujourd’hui’ hui, je veux aller plus loin dans l’analyse, en élar­gis­sant ma prob­lé­ma­tique ini­tiale qui était lim­itée au rôle du ser­vice mil­i­taire en Turquie dans la repro­duc­tion de la vio­lence mas­cu­line. Pour ce faire, j’ai réfléchi à petit feu, j’ai dia­logué longtemps avec cette chorale d’en­quêtés mais aus­si avec Han­nah Arendt, Simone Weil, Michel Fou­cault, Gilles Deleuze et avec les nou­velles réflex­ions fémin­istes. C’est grâce à cette réflex­ion col­lec­tive que j’ai pu avancer dans des ques­tion­nements plus généraux et plus actuels sur les mécan­ismes d’aligne­ment et sur la banal­i­sa­tion de la vio­lence et de la hiérar­chie. Est-ce que l’ex­péri­ence du ser­vice mil­i­taire en Turquie fait écho à d’autres insti­tu­tions par­al­lèles dans d’autres contextes ?”

On ren­con­tre dans la pré­face ce sous titre “Une recherche sur un champ de mines”, et en effet, il est tou­jours inter­dit en Turquie de dévelop­per une réflex­ion sur ce sujet, “Le code pénal turc prévoit une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement aggravée en cas de dif­fu­sion presse, pour tout encour­age­ment à ne pas accom­plir son ser­vice mil­i­taire. D’ailleurs dans ce pays, il n’est n’est pas rare qu’une réflex­ion sci­en­tifique, artis­tique et jour­nal­is­tique soit assim­ilée à de la pro­pa­gande ter­ror­iste. Peut-être est-ce à cause de cela que le ser­vice mil­i­taire n’avait jamais fait l’ob­jet aupar­a­vant d’une étude soci­ologique.” précise-t-elle.

En effet, la réflex­ion de Pınar est per­ti­nente, “dans un con­texte où la vio­lence col­lec­tive est banal­isée, la place fon­da­men­tale qu’oc­cupe la repro­duc­tion de la mas­culin­ité dans l’or­gan­i­sa­tion de la vio­lence poli­tique ain­si que dans la struc­tura­tion nation­al­iste et mil­i­tariste” est bien à point­er et examiner.

Elle se ques­tionne “Est-elle un des révéla­teurs des straté­gies de pou­voir, dans ce pays et dans le monde, aujour­d’hui ? S’ag­it-il d’une trans­for­ma­tion, de nou­velles tech­niques d’aligne­ment à la vio­lence struc­turelle ?” et ajoute avec son entête­ment légendaire “Je con­tin­ue à son­der les ténèbres. Et nos travaux vivent, se trans­for­ment. Pour mon­tr­er que nous sommes vivantes.”

Le Chau­dron mil­i­taire turc
Un exem­ple de pro­duc­tion de la vio­lence masculine

5 Octo­bre 2023
104 pages — 10 €
EAN 9782721012142

eBook — 6,99 €
EAN 9782721012456

Com­man­der en ligne

Si vous êtes à Paris, à vos agendas !

Pınar Selek per­siste et signe :

  • Mar­di 26 sep­tem­bre 2023 – 19h : Ren­con­tre en avant pre­mière à la librairie Petite Égypte Paris 2e.
  • Mer­cre­di 27 sep­tem­bre 2023 – 19h : Soirée de sol­i­dar­ité à l’Hôtel de ville de Paris.
  • Jeu­di 29 sep­tem­bre 2023 – 13h : suivi sol­idaire du procès à Istan­bul et à 17h remise du passe­port de citoyen­neté uni­verselle à l’Espace des femmes, Paris 6e.

Con­sul­tez la page actu­al­ités du livre ici

Vous pou­vez lire aus­si le fem­mage de la poétesse Del­phine Durand à Pınar quelques semaines avant son procès… 

Une dernière note, Azu­ce­na ou Les four­mis zinzines pub­lié aux Edi­tions des femmes — Antoinette Fouque en 2022, paraitra égale­ment le 28 sep­tem­bre 2023, dans la col­lec­tion “La bib­lio­thèque des voix” en ver­sion CD, lu par Ari­ane Ascaride.

Azu­ce­na ou Les four­mis zinzines

1 CD MP3
Texte inté­gral — 5h18
EAN 3328140025309 — 22 €

Télécharge­ment
EAN 3328140025316 — 18,99 €

Com­man­der en ligne

 


Soutenez Kedis­tan, FAITES UN DON.

Nous entretenons “l’outil Kedis­tan” autant que ses archives. Nous tenons farouche­ment à sa gra­tu­ité totale, son absence de liens pub­lic­i­taires, et au con­fort de con­sul­ta­tion des lec­tri­ces et lecteurs, même si cela a un coût financier, jusque là cou­vert par les con­tri­bu­tions finan­cières et humain (toutes les autri­ces et auteurs sont tou­jours bénévoles).

Vous pou­vez utilis­er, partager les arti­cles et les tra­duc­tions de Kedis­tan en pré­cisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le tra­vail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.

KEDISTAN on EmailKEDISTAN on FacebookKEDISTAN on TwitterKEDISTAN on Youtube
KEDISTAN
Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.