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“Femmes, vie, liberté !

Mah­sa Ami­ni, 22 ans, irani­enne, orig­i­naire de la ville de Saqqez au Kur­dis­tan iranien, est morte des suites d’un trau­ma­tisme crânien, ven­dre­di 16 sep­tem­bre à Téhéran, deux jours après son inter­pel­la­tion par les forces de l’or­dre à cause d’une mèche de cheveux qui dépas­sait de son foulard. L’onde de choc sec­oue l’Iran.”

C’est ain­si que débute l’ar­ti­cle de celle, irani­enne, cinéaste, dev­enue parisi­enne depuis un bon bout de temps déjà, qui signe ses arti­cles de blog “moineau persan”.

Nous citons cet arti­cle de Sepi­deh Far­si que nous vous con­seil­lons de lire, afin de n’avoir pas à revenir en copiés col­lés sur les cir­con­stances de la mort de Mah­sa Jina Ami­ni, jeune femme kurde, et l’en­chaîne­ment des mobil­i­sa­tions qu’elle a suscitée.

Cet assas­si­nat aurait pu, comme beau­coup d’autres en Iran, et comme toutes les exé­cu­tions poli­tiques qui se suc­cè­dent, rester un crime du régime de plus.

Mais le régime iranien a vite fait face à une mobil­i­sa­tion de femmes, de jeunes, rejoints par celles et ceux qui subis­sent à la fois la crise économique et le joug du pou­voir religieux.

Par­tie du Kur­dis­tan iranien (Rojhe­lat), où depuis la répres­sion est féroce, des protes­ta­tions mul­ti­formes ont gag­né une bonne par­tie de l’I­ran, et les vidéos qui en témoignent sont omniprésentes sur les réseaux soci­aux, bra­vant les forces répres­sives du régime.

Le fait que Mah­sa Ami­ni soit orig­i­naire du Kur­dis­tan et que les Kur­des d’I­ran aient con­servé un fort esprit de résis­tance, qu’ont payé par pendai­son de nom­breux jeunes ces dix dernières années, n’est pas indif­férent. Résis­ter aux autorités qui voulaient inhumer le corps en toute dis­cré­tion fut l’acte fon­da­teur de cette révolte. Utilis­er les réseaux de la dias­po­ra pour le faire savoir, le dif­fuser et obtenir les pre­miers sou­tiens fit le reste.

Mais cela n’ex­plique pas pourquoi tant de jeunes, de femmes, qui face au régime, sa répres­sion, étaient passé.es dans une forme d’a­p­athie et de soumis­sion appar­ente, bravent aujour­d’hui les forces hybrides de répres­sion du régime, y com­pris en don­nant leur vie.

Cet assas­si­nat de Mah­sa Jina Ami­ni survient dans un con­texte où la société irani­enne ne sup­porte plus, à la fois la crise économique et le ren­force­ment religieux et obscu­ran­tiste du régime, depuis les dernières élec­tions. La société civile irani­enne se délite dans la recherche de sub­sis­tance pour les un.es, la recherche d’e­spaces clan­des­tins de lib­erté pour d’autres, le dés­espoir face à l’avenir pour les plus jeunes. Cette société recèle pour­tant, con­traire­ment à d’autres régimes religieux, nom­bre de per­son­nes, jeunes et moins jeunes, qui ont reçu une for­ma­tion uni­ver­si­taire de haut niveau. Et ces couch­es sociales nom­breuses et for­mées sont exclues du pou­voir poli­tique, et des déci­sions qui con­cer­nent l’ensem­ble de la société, pris­es pour l’I­ran par la caste religieuse, et dont tout un sys­tème répres­sif d’en­cadrement social assure l’ap­pli­ca­tion dans l’ordre.

C’est un de ces rouages répres­sif qui est mis en cause par cette révolte dont pour le moment on ne peut devin­er l’issue.

Le pou­voir a fait une con­ces­sion en annonçant une “enquête” sur le décès de Mah­sa Ami­ni, mais il s’est aus­si empressé de l’élargir aux “cir­con­stances ayant abouti aux trou­bles”, notam­ment au Kur­dis­tan, et à Téhéran, lors des man­i­fes­ta­tions et après. De très nom­breuses femmes sont par­ti­c­ulière­ment visées, et pour cela toutes les images sont analysées.

Le meilleur sou­tien pour le moment reste de pop­u­laris­er sur tous les réseaux soci­aux cette mobil­i­sa­tion. Il faut s’at­ten­dre à devoir réa­gir à la répres­sion et à soutenir des per­son­nes arrêtées et emprisonnées.

Quelques remar­ques cepen­dant à pro­pos des réac­tions en Europe en particulier.

On sait que les Car­o­line Fourest, Retail­leau and Co, et le pire des extrêmes droites racistes vont s’emparer de l’as­sas­si­nat de Jina Ami­ni pour dévelop­per leurs névros­es racistes et islam­o­phobes. C’est le cas dans d’autres pays européens où les droites xéno­phobes ont besoin de carburant.

On sait que les nos­tal­giques du régime san­guinaire qui précé­da la République Islamique d’I­ran vont se met­tre aus­si sur les rangs avec les premiers.

Les révoltes en Iran ne dénon­cent pas l’Is­lam, mais un régime d’op­pres­sion religieuse, poli­tique et sociale qui, par sa poli­tique, a con­duit le pays entier au bord de l’abîme économique. Et c’est vers ce même régime que se tour­nent aujour­d’hui les Etats européens pour négoci­er des éner­gies fossiles.

Ces droites et extrêmes droites, et le cap­i­tal­isme financier n’ont donc aucun intérêt à une désta­bil­i­sa­tion de l’I­ran, et utilis­eront davan­tage la ques­tion du “voile islamique” que celle du sou­tien aux mobil­i­sa­tions des femmes et des jeunes en Iran.

Les slo­gans “femmes là-bas, femmes ici con­tre le voile” qui sur­gis­sent déjà sont donc une supercherie qui n’ap­porterait aucun sou­tien réel aux Irani­ennes, mais sat­is­ferait ici des poli­tiques xénophobes.

Que les femmes soient au pre­mier rang dans la lutte con­tre le régime est pri­mor­dial, qu’elles entraî­nent avec elles les jeunes et de plus larges pans de la société irani­enne sera essen­tiel. Et c’est ce mou­ve­ment d’é­man­ci­pa­tion social qui ramèn­era les religieux là où ils doivent être, dans leurs mosquées.

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