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Le film “Ji Bo Azadiyê” du réal­isa­teur kurde Ersin Çelik a été retiré du pro­gramme de la 5ème édi­tion du Fes­ti­val inter­na­tion­al de film de Sulay­maniyah, qui se déroule depuis 3 jours.

Déjà, fin 2019, la pro­jec­tion du film avait été empêchée le 31 décem­bre. Les raisons “offi­cielles” con­cer­naient alors la pandémie. Mais, le film trai­tant des résis­tances de 2015 dans les villes kur­des assiégées par l’E­tat turc, on ne peut s’empêcher d’y voir une rela­tion de cause à effet, au vu des rela­tions très “diplo­ma­tiques” exis­tantes entre la direc­tion de l’en­tité kurde iraki­enne et le régime de Turquie, et la façon dont cette même entité entre­tient une fer­me­ture per­sis­tante avec le Roja­va. Les incur­sions et attaques de l’ar­mée turque dans l’en­tité kurde iraki­enne, sous le pré­texte de pour­chas­s­er le PKK dans les zones fron­tières, fait aus­si par­tie des ententes tacites du régime barzaniste.

Faire inter­dire un film, con­sid­éré comme de “pro­pa­gande ter­ror­iste” par le régime de Turquie, alors que ce même film con­naît un suc­cès à l’in­ter­na­tion­al, et exercer en ce sens des pres­sions sur un fes­ti­val où il est pro­gram­mé, n’a donc rien d’é­ton­nant dans ce con­texte relationnel.

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komina film rojava

Communiqué de presse relatif à l’interdiction de la projection du film “Ji Bo Azadiye” lors du 5e Festival international de film de Sulaymaniyah

ji bo azadiye afficheLa déci­sion d’in­ter­dire le film a été prise par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val quelques heures avant la pro­jec­tion. Aucune rai­son ou excuse légitime pour cette inter­dic­tion ne nous a été fournie, et aucune annonce offi­cielle n’a été faite par le con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val à ce sujet, car cela n’a pas été jugé néces­saire. C’est pourquoi nous souhaitons partager tous les aspects de ce sujet et de ses développements.

La com­mune de Roja­va a ter­miné la pro­duc­tion de son film “Ji Bo Azadiye” ou “La fin sera spec­tac­u­laire” en sep­tem­bre 2019. Il a été présen­té en pre­mière mon­di­ale en novem­bre 2019 au 25e Fes­ti­val inter­na­tion­al du film de Kolkata, en com­péti­tion pour le (NETPAC AWARD).

En ce qui con­cerne la pre­mière nationale, nous avions prévu ses pre­mières pro­jec­tions au Kur­dis­tan dans la ville de Sulay­maniyah et au Roja­va dans la ville de Rime­lan. Cepen­dant, la pro­jec­tion à Sulay­maniyah, qui était soutenue par la direc­tion de la cul­ture de cette ville à l’époque, et qui devait avoir lieu au ciné­ma Sal­im le soir du Nou­v­el An (31 décem­bre 2019) a été inter­dite par le gou­ver­norat de Sulay­maniyah et les forces de sécu­rité (Asay­ish) de Sulay­maniyah. Néan­moins, la pro­jec­tion au Roja­va a eu lieu con­for­mé­ment à nos prévi­sions, et après cela, mal­gré la pandémie de COVID-19, notre film a été pro­jeté dans 20 fes­ti­vals dif­férents dans le monde entier et a reçu des prix dans cer­tains d’en­tre eux. En plus des fes­ti­vals, le film a été dis­tribué et pro­jeté dans de nom­breux pays du monde, du Japon au Brésil, de Tai­wan à l’Es­pagne, et dans plus de 30 pays, sans jamais être interdit.

Notre film “Ji Bo Azadiye”, et le film “Black­ber­ry Sea­son” que nous avons copro­duit, ont par­ticipé au fes­ti­val à la demande du fes­ti­val lui-même. Nos mem­bres admin­is­trat­ifs de Roja­va Film Com­mune et les mem­bres du con­seil d’ad­min­is­tra­tion du Fes­ti­val inter­na­tion­al du film de Sulay­maniyah se sont ren­con­trés et sont en con­tact depuis octo­bre. En con­séquence, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val a sélec­tion­né “Ji Bo Azadiye” réal­isé par Ersin Çelik, “Black­ber­ry Sea­son” de Hashim Aydemir, et le doc­u­men­taire “Love in the Face of Geno­cide” de Shero Hinde, pour le pro­gramme du fes­ti­val. Sur cette base, nous avons envoyé les pro­jec­tions de ces trois films au fes­ti­val. Plus tard, ils ont révélé que le doc­u­men­taire “L’amour face au géno­cide” ne serait pas pro­jeté comme il était cen­sé l’être au fes­ti­val du film de Duhok. Quoi qu’il en soit, les deux autres films seront tout de même pro­jetés pour con­courir dans la sec­tion des longs métrages inter­na­tionaux ; et, après notre con­fir­ma­tion, les deux films fig­u­raient au pro­gramme du festival.

Les mem­bres du con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val ont déjà été infor­més de l’in­ter­dic­tion de la pro­jec­tion du film “Ji Bo Azadiye” le 31 décem­bre 2019. Ce point a été dis­cuté lors de nos dis­cus­sions ver­bales et écrites. En même temps, le fes­ti­val a souligné que la pre­mière du film devrait être pour­tant main­tenue en Irak et qu’au­cune pro­jec­tion publique ne devrait avoir lieu jusqu’à la date du festival.

Out­re les films, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val souhaitait que les réal­isa­teurs soient présents au fes­ti­val. Des invi­ta­tions offi­cielles ont donc été envoyées par le fes­ti­val et nos amis et col­lègues sont allés par­ticiper au fes­ti­val. Ils avaient égale­ment inclus des visuels et des infor­ma­tions sur notre film dans la présen­ta­tion sur les sup­ports numériques, ain­si que dans les cat­a­logues du festival.

Après le début du fes­ti­val, le 18 décem­bre 2021, c’est-à-dire le jour de la pro­jec­tion du film, et quelques heures seule­ment avant la pro­jec­tion, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion a déclaré que “le film étant une pro­duc­tion de 2019, il sera retiré de la com­péti­tion dans cette caté­gorie et ne pour­ra pas être pro­jeté aujour­d’hui”. Cette infor­ma­tion a été com­mu­niquée ver­bale­ment à nos amis qui par­ticipent au festival.

Bien sûr, ce n’é­tait pas la vraie rai­son der­rière cela ! Nous auri­ons pris l’ex­cuse en con­sid­éra­tion s’il s’agis­sait d’une nou­velle, mais nous en avons dis­cuté avec eux dès le pre­mier instant. Mais comme nous l’avons men­tion­né ci-dessus ;

  • Nous n’avons pas soumis les films au fes­ti­val, mais le con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val a demandé et sélec­tion­né les films lui-même.
  • Les mem­bres du con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val savaient que le film avait été inter­dit déjà fin 2019. Par con­séquent, il ne pou­vait pas être pro­duit l’an­née suivante !
  • La demande de soumis­sion des films se fait par le biais de la plate­forme “Film Free Way”. Il n’y a pas de règle­ment en tant que tel con­cer­nant l’an­née de pro­duc­tion des films, et aucun règle­ment de ce type n’a jamais été men­tion­né lors de nos réunions.
  • Il y a des films pro­duits en 2019 dans d’autres caté­gories du festival.

Toutes ces ques­tions ont été dis­cutées en détail lors de notre réu­nion d’hi­er, et pour ne pas aggraver le prob­lème, nous leur avons dit : “Peu nous importe que le film soit dans la com­péti­tion offi­cielle ou non, mais nous voulons que la pro­jec­tion ait lieu en temps voulu, comme cela était prévu.” Mais ils n’é­taient en aucun cas proches d’une solu­tion, ce qui pour­rait être le signe que cer­tains développe­ments avaient eu lieu dans la journée même. Cer­taines infor­ma­tions cir­cu­laient égale­ment dans l’en­ceinte du fes­ti­val, selon lesquelles une influ­ence “extérieure” s’ex­erçait sur le réper­toire du fes­ti­val. Même sans cette infor­ma­tion, les événe­ments qui se sont pro­duits ont à eux seuls clar­i­fié la situation.

En out­re, nous aime­ri­ons attir­er votre atten­tion sur le fait que dans la sec­tion “Com­péti­tion des longs métrages”, qui est la sec­tion prin­ci­pale du fes­ti­val, sur les 16 films sélec­tion­nés, seuls deux films ont été réal­isés au Kur­dis­tan et et en langue kurde, à savoir nos films “Ji Bo Azadiye” et “Black­ber­ry Season”.

En rai­son de tout cela, nous, en tant que Com­mune de ciné­ma de Roja­va, cri­tiquons et prote­stons con­tre cet acte qui est avant tout loin de la morale et de l’éthique de l’art, loin de l’éthique du ciné­ma et des fes­ti­vals de ciné­ma. Nous en avons dis­cuté avec les per­son­nes avec lesquelles nous col­laborons ; amis, artistes, col­lec­tifs et sociétés avec lesquels nous avons tra­vail­lé. Suite à ces dis­cus­sions, puisque ce fes­ti­val n’est pas une “plate­forme d’art libre”, nous avons retiré notre deux­ième film “Black­ber­ry Season”.

Nous deman­dons instam­ment au con­seil d’ad­min­is­tra­tion du fes­ti­val de faire une déc­la­ra­tion publique sur cet inci­dent. Nous les appelons à expli­quer cette inter­dic­tion qui s’est pro­duite dans la cap­i­tale intel­lectuelle du Kur­dis­tan, aux per­son­nes et aux artistes de la ville de Sulay­maniyah, aux invités du fes­ti­val, et au pub­lic du Kurdistan.

Rêveberiya Komîna Film a Rojava
Syr­ia, Kamish­li, Arbawiye — Sinaa Road
00963992823498 kominafilmarojava@gmail.com
Com­mu­niqué en pdf Eng­lishKur­dî

ji bo azadiye censure


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