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Note du Kedis­tan : Le chef de la mafia turque, Sedat Peker, n’ayant pas partagé de vidéo, ni twit­té le 13 juin, des ques­tion­nements et allé­ga­tions sur une éventuelle arresta­tion furent émis… De fait, plusieurs comptes de médias soci­aux pro-gou­verne­men­taux avaient affir­mé que le MIT, l’or­gan­i­sa­tion nationale du ren­seigne­ment turque avait mené une opéra­tion pour arrêter Peker à Dubaï. Peker a finale­ment recom­mencé à twit­ter le 14 juin, affir­mant qu’au­cune opéra­tion n’avait été menée, puisqu’il n’est pas une per­son­ne recher­chée, sans pour autant pré­cis­er de quel pays il agissait.

Rap­pelons que Sedat Peker, chef de mafia ultra nation­al­iste, ancien allié devenu désor­mais enne­mi du régime, endos­sant un rôle de “lanceur d’alerte”, pub­lie depuis quelques semaines des vidéos sur YouTube, qui con­ti­en­nent toutes de graves accu­sa­tions con­tre des politi­ciens actuels et anciens. Il a fui la Turquie au début de 2020 et se trou­verait peut être, aux Émi­rats arabes unis.

1- Chers amis, j’ai quit­té l’en­droit où je séjourne en com­pag­nie des autorités, autour de midi. Actuelle­ment, je suis revenu auprès de ma famille. Nous nous sommes entretenus mutuelle­ment en rai­son de l’in­ten­sité des allé­ga­tions me concernant.”

2- Ils m’ont dit que je séjour­nais dans leur pays, en tant qu’in­vité comme tout le monde, puisqu’il n’y a pas de notice de l’In­ter­pol à mon encon­tre. Il m’ont infor­mé qu’il y a de nom­breux énon­ci­a­tions d’as­sas­si­nat à mon sujet, comme vous le savez tous.”

3- Ils m’ont souligné qu’il n’y a aucun prob­lème à ce que je reste dans leur pays ou que je le quitte. Les infor­ma­tions pro­duites par le jour­nal Aydın­lık, qui relate mon arresta­tion lors d’opéra­tions menées par les équipes de MIT et de SAT, ne sont absol­u­ment pas vraies.” 

4- De toutes façons, je ne suis pas une per­son­ne recher­chée con­for­mé­ment au Droit inter­na­tion­al. C’est pourquoi il est impos­si­ble pour notre État suprême, de men­er une opéra­tion offi­cielle à mon encon­tre. Ils [les autorités locales] m’ont traité avec gen­til­lesse, comme le font pour tous les gens normaux.

5- Mon ahiret­lik 1 Sülü le beau 2, Mehmet le pro­fond 3, les Pelikan 4 et la total­ité des autres per­son­nes ; chez nous la parole est l’hon­neur. Si je ne suis pas mort et reste en vie, je ne renon­cerai pas à com­pléter cette histoire.

6- Bien sûr, durant cette péri­ode, si ce qui est néces­saire n’est pas fait, j’au­rais des choses à dire. Je remer­cie de tout coeur, tout ceux qui prient parce qu’ils m’ai­ment, et ceux qui, ne m’aimant pas, souhait­ent courage à mes enfants et ma famille.”

Miser sur un Sedat Peker toujours libre

Arti­cle de İrf­an Aktan, pub­lié sur Duvar, en turc, le 14 juin 2021 .

Si les tous les milieux soci­aux en sont arrivés, depuis un moment, au point d’at­ten­dre les mat­inées du dimanche, cela démon­tre, non pas le tal­ent de Peker, mais l’é­tat mis­érable de l’op­po­si­tion, et la pros­tra­tion de la société.

Le 13 juin dernier, nom­bre de per­son­nes ont essayé de com­pren­dre avec un grand intérêt, si Sedat Peker avait été bien arrêté ou non. Celleux qui con­sid­èrent Peker comme “l’en­ne­mi de son enne­mi” ont même “prié” pour qu’il soit arrêté. Finale­ment Peker a annon­cé qu’il était revenu à son “lieu de séjour” et celleux qui ont des attentes de sa part, ont respiré un bon coup.

En réal­ité, l’in­térêt intense tourné vers Peker, est le reflet du besoin que la société de la Turquie ressens, à savoir, de change­ment et de règle­ments de comptes.

La société en Turquie veut chang­er le pou­voir, qui est devenu pour elle un poids. Mais ne sait pas par qui le remplacer.

Si les milieux soci­aux devraient nor­male­ment atten­dre impatiem­ment les mar­di, où se déroulent les réu­nions de groupe du Par­lement,  où les lead­ers des par­tis d’op­po­si­tion s’ex­pri­ment, la vague d’en­t­hou­si­asme que crée leurs déc­la­ra­tions, leurs réac­tions sont arrivées, depuis un moment, au point d’atten­dre les dimanch­es matins. Cela démon­tre démon­tre non pas le tal­ent de Peker, mais l’é­tat mis­érable de l’op­po­si­tion, et la pros­tra­tion de la société.

Existe-t-il une oppo­si­tion qui, lorsque Peker se taira, suiv­ra la trace de ce qu’il a révélé et ira chercher le pou­voir ? Si l’op­po­si­tion exis­tante, qui adopte de plus en plus le lan­gage du pou­voir, regarde la querelle entre Peker et le pou­voir, tout en grig­no­tant des amus­es-gueules, avec l’idée “qu’ils se bouf­fent entre eux”, ‑ce que d’ailleurs des mil­lions de spec­ta­teurs de YouTube font‑, et si elle offre le temps à Peker et ce pou­voir de s’en­ten­dre, de s’arranger, que restera-t-il au peu­ple, d’au­tant de remue ménage et de règle­ments de compte ? (Je ter­mi­nais ain­si, mon arti­cle précé­dent pub­lié le 1er juin, et inti­t­ulé “Lorsque Sedat Peker se tait”) [NDLR : non traduit en français ver­sion en turc ici]

Lorsque Peker, qu’on ne peut faire taire aujour­d’hui, sera fait taire demain, “les mass­es spec­ta­tri­ces” tomberont-elles dans le pes­simisme, avec le ressen­ti d’un “grand acca­ble­ment” et retourneront-elles à leur soli­tude du dimanche, dans leurs cham­bres con­finées ? Si les lead­ers de l’op­po­si­tion con­tin­u­ent à ne pas ren­dre les mardis attrayants, certainement.

Alors que l’ou­ver­ture de la boîte de Pan­dore, dont Peker se con­tente de tourn­er la clé, est une tâche qui revient à l’op­po­si­tion, si celle-ci con­tin­ue à ne pas “pren­dre les devants”, oui.

Alors, si Peker con­tin­ue de partager ses vidéos, l’op­po­si­tion, comme tout quidam, se con­tentera-t-elle de suiv­re la “série”, après la pause ?

Le fait que Peker com­mence, pour sauver sa peau, à affich­er des com­plices de crime, était bien évidem­ment une impor­tante base pour l’op­po­si­tion. L’op­po­si­tion, qui avait renon­cé, après la péri­ode des 17–25 décem­bre 5, même aux petits pas pru­dents, n’avait pas vrai­ment besoin de pren­dre Peker comme référence pour suiv­re les dossiers des crimes. Sır­rı Süreyya Önder, député du Par­ti Démoc­ra­tique des peu­ples (HDP) l’a dit : “Ce qui est fait au su de toutes et tous, est-il moins grave que ce que Peker révèle ?”

Dans ce pays, un mas­sacre comme celui de Robos­ki, fut com­mis. Dis­ons-le, non pas pour min­imiser, mais pour rap­pel­er que la vérité se tient devant nos yeux : quelle révéla­tion de Peker, pour­rait-elle être plus grande, plus hor­ri­ble, que le mas­sacre de Robos­ki, pour lequel même pas un capo­ral ne fut jugé ?

Ou bien, ce qui a été fait lors des élec­tions du 7 juin 2015, et par la suite, était-il moins ter­ri­fi­ant que la con­fis­ca­tion d’une mari­na ? 6 Quel leçon pour­rait tir­er l’op­po­si­tion du fait que la société ne “s’indigne” pas devant des infor­ma­tions pour­tant claires et se ne met pas en mou­ve­ment, alors que cette même opin­ion publique se pas­sionne pour savoir quel min­istre a une rela­tion avec quel criminel ?

Même dans les con­di­tions oppres­sives actuelles, les jour­nal­istes peu­vent suiv­re la trace des quelques infor­ma­tions dont Peker mon­tre un aperçu. Com­ment se fait-il que l’op­po­si­tion se con­tente de deman­der juste des comptes, pour quelques café “haram7 don­né au  Par­ti de la jus­tice et du développe­ment (AKP) pour qu’il les dis­tribue à ses électeurs ?

N’est-ce pas très intéressant ?

Peker con­tin­ue de garder le copy­right des infor­ma­tions que nous avons con­nues, jusqu’à sa 9ème vidéo qui, dans le cas où l’ac­cord “sous enten­du” dans un de ses twitts pub­liés dans la nuit du 13–14 juin, (durant cette péri­ode, si ce qui est néces­saire n’est pas fait), aboutis­sait, serait “l’épisode de fin de saison”…

La page la plus impor­tante, dont Peker con­nait le con­tenu mais laisse blanche, con­cerne la péri­ode du 7 juin, où l’AKP a per­du le pou­voir par la voie élec­torale, et du 1 novem­bre 2015 où il est revenu au pou­voir, la péri­ode lors de laque­lle les manoeu­vres organ­isées dans des recoins obscurs de l’E­tat, et effec­tuées, visaient le peu­ple, à com­mencer par les Kurdes.

Sur cette page affichée “vide”, il n’y a pas que l’his­toire de ce que les Kur­des ont subi. Chaque sou volé, toutes les injus­tices et tous les types de crimes com­mis depuis 2015, sont cachés sous cette page.

Par ailleurs, la per­son­ne qui ferait des révéla­tions atten­dues n’est pas Peker, mais plutôt Ahmet Davu­toğlu, le prési­dent de l’AKP à l’époque, devenu rival de nos jours. Pourquoi donc, les “spec­ta­teurs” de Peker, et l’op­po­si­tion, ne for­cent-ils pas ou “n’en­cour­a­gent-t-ils” pas Davu­toğlu à faire ces déclarations ?

Parce que, depuis cette date, de nom­breuses activ­ités, qu’elles soient basées sur les intérêts économiques ou poli­tiques, mais toutes de nature criminelle/scandaleuse, sont encore “blanchies” dans la zone d’al­liance enchevêtrée qui se rassem­ble dans les poli­tiques de guerre. ‑N’ou­blions pas bien sûr, ultérieure­ment, la ten­ta­tive de coup d’E­tat du 15 juil­let 2016, qui fut fonc­tion­nal­isée comme “le don d’Al­lah”.-

Erdoğan a dit récem­ment “les élec­tions du 7 juin 2015 ne doivent pas être oubliées”. En effet, c’est une date qui ne doit pas être oubliée. Car à par­tir de ces élec­tions qui a ren­ver­sé l’AKP du pou­voir, le proces­sus de réso­lu­tion 8, la plus impor­tante ouver­ture de l’his­toire de la Turquie, fut ter­miné, et une guerre sanglante fut entamée. Des cen­taines de per­son­nes furent tuées. Le plus grand des atten­tats fut com­mis le 10 octo­bre 2016, en plein milieu d’Ankara, juste après le dis­cours de Peker, pronon­cé lors du meet­ing “malé­dic­tion au ter­ror­isme” à Rize, où il avait men­acé nous fairons couler des riv­ières de sang. Ahmet Davu­toğlu, alors prési­dent de l’AKP avait déclaré de son côté que selon les sondages réal­isés après cet atten­tat, leur élec­torat en était augmenté.

Ensuite, avec les élec­tions “renou­velées”, l’AKP retrou­va le pou­voir avec une alliance dif­férente. La feuille de route, sur laque­lle les com­posantes été agglomérées autour de l’AKP, dans cette nou­velle alliance, était la guerre. Et c’est ce qui se pas­sa. L’op­po­si­tion et la société fer­mèrent les yeux, ou y trou­vèrent leur pro­pre intérêt.

Grâce à cela, de nom­breuses forces obscures s’en­grais­sèrent et, ce faisant, s’en­tremêlèrent. Cet enchevêtrement se trans­for­ma en un  exosquelette rigide, qui assiège le pays entier. Les par­ti­sanEs de la paix qui veu­lent et voulaient, afin de faire respir­er le pays, bris­er cette cara­pace  sont déclaréEs comme “men­aces extérieures”, et éti­quetéEs de terrorisme.

Avec la ten­ta­tive de coup d’E­tat du 15 juil­let, vue comme un don du ciel, les par­ti­sans de Fetul­lah Gülen 9 furent liq­uidés. La chas­se aux sor­cières lancée depuis les élec­tions du 7 juin, con­tre les forces de la démoc­ra­tie,  s’in­ten­si­fia. Des enquêtes furent ouvertes à l’en­con­tre de cen­taines de mil­liers de per­son­nes. Les sci­en­tifiques furent “net­toyés” des uni­ver­sités,  les par­ti­sanEs de la paix et de la démoc­ra­tie, la société civile, les opposantEs de la “vie extérieure”, les mou­ve­ments pop­u­laires, de la rue. La rigide armure fut trans­for­mée en  prison pour une société entière, et les groupes d’in­térêt tapis en dessous, ayant trou­vé une zone sécurisée pour leur prof­it, la cor­rup­tion, le vol, le pil­lage, nid­i­fièrent con­fort­able­ment.

Mais, avec l’a­chem­ine­ment de l’é­conomie vers un effon­drement, suite aux con­séquences destruc­tri­ces de l’al­liance de guerre, ce nid com­mença à être étroit, autant pour la société, que pour les groupes d’in­térêt. Ain­si, les groupes et les gangs, pour pou­voir se faire de la place, com­mencèrent à jeter leurs “frères” hors du nid. Un de ceux jeté du nid fut Sedat Peker, et ses aveux dev­in­rent un miroir, pour dif­férentes strates de la société qui, par con­fort, ne veu­lent pas voir, enten­dre, ni ressen­tir. Mais le pre­mier à être poussé en dehors du nid, était bien Davu­toğlu, et il en con­nait bien plus que Peker en sait lui-même.

Il existe une belle expres­sion kurde “je te mon­tre l’ours, tu me deman­des ses traces de pas”. L’ours est à portée de regard, mais ceux qui ont peur de s’y con­fron­ter, “cherchent” ses empreintes. Et, comme guide, on indique Peker, qui peut pour­tant à tout moment, danser avec l’ours, ou bien être sa proie.

Soit. Finale­ment, à l’oc­ca­sion de Peker, le nid de prof­it basé sur la guerre, qui a jusque là repoussé les inter­ven­tion externes, en usant du bâton de l’E­tat, et qui s’est vêtu d’une cara­pace de plus en plus dure, a com­mencé à se fis­sur­er de l’in­térieur. Ain­si, devenu encore plus vis­i­ble, quels gen­res de crimes se cachent sous la devise “patrie, nation, Sakarya” 10.

Alors, cette fis­sure créera-t-elle une oppor­tu­nité pour le pou­voir, pour se res­saisir à tra­vers une nou­velle inter­ven­tion, ou s’élargi­ra-t-elle de plus en plus ?

Le sort de cela sera défi­ni autant par l’ap­pari­tion ou non, de nou­veaux Peker, coincés à l’in­térieur, qui ne trou­vent plus d’in­térêt et de prof­it, que par l’at­ti­tude des opposants desquelles est atten­du de cass­er cette cara­pace et de met­tre les vérités à la lumière du jour.

Pour­tant, les opposants, “l’Al­liance de la Nation“11 se soucient de “café haram”. Quant au porte parole du Par­ti répub­li­cain du peu­ple (CHP) Faik Öztrak, sa déc­la­ra­tion de la semaine dernière, a sous cet angle,  un car­ac­tère scan­daleux : “Si on a fait boire au peu­ple du café haram, il faut deman­der des comptes”.

L’ours est devant leurs yeux, mais ils sont après ses empreintes.

Oui, la société veut chang­er ce pou­voir. Nor­male­ment un pou­voir est rem­placé par son alter­na­tive. Mais l’op­po­si­tion, can­di­date à l’al­ter­na­tive dit, presque avec insis­tance, “je n’ai aucune dif­férence”. Dans ce cas, le fait que les mass­es, en demande de change­ment et de règle­ments de comptes, espère de l’aide, de la non arresta­tion de Sedat Peker, serait-il plus dis­gra­cieux que la sit­u­a­tion dans laque­lle se tient l’opposition ?

 


İrfan Aktan a commencé le journalisme en 2000 sur Bianet. Il a travaillé comme journaliste, correspondant ou éditeur, à l’Express, BirGün, Nokta, Yeni Aktüel, Newsweek Türkiye, Birikim, Radikal, birdirbir.org, gazete.com. Il fut le représentant de la chaîne IMC-TV à Ankara.
Il est l’auteur de deux livres  “Nazê/Bir Göçüş Öyküsü” (Nazê/Une histoire d’exode), “Zehir ve Panzehir: Kürt Sorunu” (Poison et antidote : La question kurde). Il écrit actuellement à l’Express, Al Monitor, et Duvar.

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