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La cat­a­stro­phe minière de Soma, qui eut des réper­cus­sions poli­tiques fortes en Turquie, met­tant en lumière la veu­lerie d’un pou­voir qui pro­tégeait la cor­rup­tion, dans un secteur où l’ex­ploita­tion l’emportait sur toutes règles de sécu­rité, est aujour­d’hui l’ob­jet d’un film.


L’ac­ci­dent”, sur­venu en 2014, à la mine de char­bon de Soma, à Man­isa, est la cat­a­stro­phe indus­trielle la plus meur­trière de l’his­toire de la Turquie. Le 13 mai, au moment pré­cis des change­ment d’équipes entre le poste du matin et le poste-du soir, alors que près de 787 mineurs étaient présents dans la mine, un incendie se déclarait dans un des puits et s’é­tendait aux galeries. Pris au piège, de nom­breux mineurs suc­com­bèrent aux flammes et aux éma­na­tions toxiques.

301 vies per­dues, de 18 à 53 ans… Les cen­taines de corps sor­tis de la mine, un par un, durant les heures qui ont suivi la cat­a­stro­phe, mirent devant les yeux la grav­ité des faits. Mal­gré les ten­ta­tives d’é­touf­fer “l’ac­ci­dent”, et grâce aux jour­nal­istes arrivés à la mine, le vrai ver­sant des faits fut décou­vert par l’opin­ion publique.

Mau­vais­es con­di­tions de tra­vail, sécu­rité claire­ment insuff­isante, con­trôles à la va vite, ou inex­is­tants, les poli­tiques de pri­vati­sa­tion menées par le gou­verne­ment AKP depuis son règne, ces pra­tiques de tra­vail axées sur la sur­pro­duc­tion pra­tiquée par les exploitants alliés du régime, au ser­vice du prof­it, pré­parèrent la cat­a­stro­phe… Pour­tant, quelques mois avant, en octo­bre 2013, une demande avait été portée devant le par­lement turc, pour fonder une com­mis­sion afin d’ob­serv­er les “acci­dents de tra­vail”, fréquents dans les mines de Soma, et cette demande, signée par 60 par­lemen­taires, avait été refusée par les votes de l’AKP, le 29 avril 2014, à peine 15 jours avant la catastrophe…

Un procès débu­ta en 13 avril 2015. 37 per­son­nes, dont le PDG, le directeur général et les directeurs tech­nique y furent jugés. Le 11 juil­let 2018, lors de la 22ème audi­ence, 37 accusés furent acquit­tés et 14 con­damnés à de la prison. Pour l’an­cien PDG Can Gürkan ce sera 15 ans de prison pour “nég­li­gence” sur la sécu­rité des mineurs au prof­it de la rentabil­ité de la mine. Les familles con­testèrent la déci­sion et demandèrent un juge­ment pour “homi­cide”. La Cour de cas­sa­tion annu­la le ver­dict en sep­tem­bre 2020. Entre temps, en avril 2020, l’ex PDG Can Gürkan, béné­fi­ciant de l’am­nistie dans le cadre de la pandémie de Covid-19, avait été libéré. En févri­er 2021, le tri­bunal a décidé que les accusés seraient à nou­veau jugés en liberté.

Sont pour­suiv­is donc, encore aujour­d’hui, des respon­s­ables d’homi­cides, que le pou­voir et ses alliés s’ef­for­cent de trans­former en petits dél­its, et la recherche de jus­tice des familles de Soma continue…

Le doc­u­men­taire “Paşa Vardiyası” (Poste du soir) racon­te au pub­lic ce qui s’est passé depuis la cat­a­stro­phe de Soma, à tra­vers les témoignages des per­son­nes qui ont vécu cette péri­ode de l’in­térieur. Le doc­u­men­taire a pour objec­tif de con­stituer une mémoire his­torique, et, égale­ment, de partager cette expéri­ence amère avec les syn­di­cats des qua­tre coins du monde.

Hacay Yıl­maz, représen­tant de la région égéenne du Syn­di­cat révo­lu­tion­naire des tra­vailleurs des mines (Devrim­ci Maden İşçil­eri Sendikası) à l’époque de la cat­a­stro­phe, a endossé le rôle du pro­duc­teur, pour ce doc­u­men­taire. Quant à la réal­isatrice, Sev­da Aydın, alors cor­re­spon­dante du quo­ti­di­en Evrensel, elle avait cou­vert l’événe­ment et suivi sur place, durant des jours.

Nous avons échangé avec le pro­duc­teur et la réal­isatrice, sur le doc­u­men­taire “Paşa Vardiyası” qui, très bien­tôt, trou­vera son public.

Cher Hacay, chère Sev­da, avant tout, voudriez-vous partager avec nos lec­tri­ces et lecteurs, votre témoignage con­cer­nant cette péri­ode de catastrophe ?

Sev­da, Hacay • La cat­a­stro­phe minière de Soma fut comme “Chronique d’une mort annon­cée”, de Mar­quez. Dans cette petite ville minière, une cat­a­stro­phe arrivait. Elle s’é­tait tis­sée, de jour en jour, pas à pas. Elle se rapprochait.

Alors que la pop­u­la­tion locale vivait à l’o­rig­ine de l’a­gri­cul­ture, au long de ces dernières années, l’a­gri­cul­ture fut anéantie par les poli­tiques néolibérales des pou­voirs suc­ces­sifs. Il ne restait plus pour les gens, que  tra­vailler comme ouvri­ers, dans les mines. Soma est un lieu d’habi­ta­tion dont le sous-sol con­tient de larges gise­ments minéraux. Les mines étaient gérées par un organ­isme pub­lic, l’Au­torité turque des opéra­tions char­bon­nières (Türkiye Kömür İşletm­eleri  — TKİ).

Les mines gérés aupar­a­vant par le TKİ, furent petit à petit pri­vatisées, con­fiées aux sous-trai­tants. Les droits d’ex­ploita­tion furent con­cédés. Ain­si, la plus grande par­tie des mines à ciel ouvert ou souter­raines de Soma passèrent dans les mains du secteur privé. Les patrons du secteur privé n’avaient qu’un seul objec­tif : gag­n­er tou­jours plus. Et pour cela, faire pro­duire plus avec un coût minimum. 

Les règles pour la san­té et la sécu­rité des tra­vailleurs n’ont pas été respec­tées. Sans mesures de pro­tec­tion, la pro­duc­tion a été for­cée, au coût le plus bas. Bien que des experts, et le TKİ, aver­tis­saient pour lim­iter la quan­tité de char­bon à extraire par an, leurs aver­tisse­ments furent niés, et les quan­tités annuelles définies furent dépassées de plusieurs fois. Le fait que des ouvri­ers péris­saient dans ces con­di­tions de plus en plus dif­fi­ciles, fut ignoré. Ces “acci­dents”, qui n’é­taient autres que des crimes, furent con­sid­érés comme naturels. Mais, une cat­a­stro­phe se pré­parait, tel un mas­sacre. Le pou­voir qui pri­vati­sait en était con­scient. Le Min­istre d’én­ergie, respon­s­able des mines, le savait. Les fonc­tion­naires de l’E­tat qui s’y rendaient pour les con­trôles, le savaient. Et le pro­prié­taire prin­ci­pal des mines, le TKİ, le savait. Finale­ment, le syn­di­cat dont les mineurs étaient mem­bres, le savait, lui aus­si. Les ouvri­ers aver­tis­saient, per­son­ne ne les pre­naient en compte. Le mas­sacre se pro­fi­lait à grand pas.

Lorsque le cal­en­dri­er a affiché la date du 13 mai 2014, la cat­a­stro­phe survint, le mas­sacre fut com­mis. Et nous, qui avons pré­paré ce doc­u­men­taire, avec nos dif­férents angles de regard, en fûmes les témoins directs. 

Paşa Vardiyası” —  Bande annonce (avec des sous-titrages en français).

Sev­da • A l’époque de la cat­a­stro­phe je tra­vail­lais pour le quo­ti­di­en Evrensel, comme cor­re­spon­dante et éditrice des pages cul­ture du journal.

Ce jour là, au moment où nous avions déjà envoyé les infor­ma­tions locales, et pré­par­i­ons les pages d’Is­tan­bul, la nou­velle tom­ba. La télévi­sion était sur la chaîne Hay­at TV, qui fut fer­mée ultérieure­ment par décret. Sur l’écran, en face de moi, le bul­letin d’in­for­ma­tion annonça l’ac­ci­dent. Les cor­re­spon­dants d’Izmir et d’Is­tan­bul d’Evrensel se dépêchèrent vers Soma.

L’employeur, les représen­tants du pou­voir et les médias au ser­vice du régime, s’ef­forçaient avec insis­tance de cacher l’am­pleur de la cat­a­stro­phe, le nom­bre d’ou­vri­ers morts, et par­ti­c­ulière­ment les caus­es de ce mas­sacre. Mais, mal­gré leurs efforts et les obsta­cles de la police et de la gen­darmerie, qui avaient placé les mines comme en état de siège, nous avons obtenu les infor­ma­tions avec le tra­vail déter­miné de nos jour­nal­istes et des organ­i­sa­tions ouvrières sur place. Nous avions pu informer à la fois nos lecteurs/trices et les téléspectateurs/trices. Ain­si, les infor­ma­tions réelles ont atteint l’opin­ion publique mondiale.

Comme les enreg­istrements des cama­rades qui ont partagé avec nous leur archives le démon­trent, chaque instant est rem­pli de douleur. Lorsqu’on prononce le mot “Soma”, des cen­taines d’in­stan­ta­nés pho­tographiques ressur­gis­sent devant les yeux. Car ceux-ci sont gravés dans les mémoires. Des mineurs roués de coups de pied, des familles hurlant leur douleur, des enfants atten­dant leur père, les avo­cats molestés, les ouvri­ers en colère, toutes ces images sont inscrites aus­si dans ma mémoire. Mais dans la péri­ode d’après cat­a­stro­phe, ils ont vidé les rues de Soma. Les voix de la colère, de la souf­france, de la sol­i­dar­ité, de la sol­i­dar­ité organ­isée, de la jus­tice, furent chas­sées des rues de Soma. La seule image qui reste dans ma mémoire, fut celle du silence de ces rues. 

Hacay • Moi, à cette époque, j’é­tais représen­tant pour la région Egée, du Dev.Maden-Sen (Devrim­ci Maden İşçil­eri Sendikası — Syn­di­cat révo­lu­tion­naire des tra­vailleurs des mines, rat­taché à DİSK (Con­fédéra­tion des syn­di­cats révo­lu­tion­naires de Turquie). Nous n’é­tions pas un syn­di­cat organ­isé et habil­ité dans ces mines, mais nous étions en rela­tion avec cer­tains de ces mineurs, et, depuis les pri­vati­sa­tions, nous suiv­ions de près les con­di­tions de tra­vail. Nous parta­gions nos con­stats avec l’opin­ion publique.

Env­i­ron deux heures après avoir enten­du l’in­for­ma­tion, je me suis ren­du, avec d’autres cama­rades, à la mine Eynez, à Soma, lieu de la cat­a­stro­phe. Les accès à la mine étaient placés sous cor­don par la police et la gen­darmerie. Les proches des ouvri­ers étaient en pleurs et ques­tion­naient. “Que s’est-il passé ? Com­bi­en de tra­vailleur sont encore dans la mine ? Com­bi­en ont péri ?”. Per­son­ne ne répondait. Il n’y avait que ces va-et-viens, et les corps envelop­pés de cou­ver­tures sor­tis de la mine, portés aux ambu­lances. Ces per­son­nes étaient-elles blessées, ou mortes ? Per­son­ne ne dis­ait mot. Les proches des mineurs demandaient, pleu­raient, sup­pli­aient, mais ne trou­vaient aucune réponse. On dis­ait qu’au moment de “l’in­ci­dent” des cen­taines de per­son­nes étaient dans la mine, mais aucune infor­ma­tion quant à leur vie…

Les heures pas­saient, l’équipe de sauve­tage s’avérait insuff­isante. Des heures plus tard, j’ai tra­ver­sé le cor­don de la gen­darmerie vers la zone où se trou­vaient les ambu­lances, et j’ai regardé à l’in­térieur. Je fus saisi d’é­ton­nement. Elle était vide. Aucun équipement médi­cal et de réan­i­ma­tion n’é­tait présent. Il était alors clair que les corps qu’ils envelop­paient de cou­ver­tures, tels des blessés, étaient sans vie. Ils agis­saient de sorte pour éviter l’avalanche de colère de toute cette foule rassem­blée sur place. D’ailleurs ils n’an­nonçait pas non plus la des­ti­na­tion des corps transférés.

Dans ces heures tar­dives de la nuit, nous avons con­sti­tué une délé­ga­tion, avec les députéEs du Par­ti démoc­ra­tiques des peu­ples (HDP) Lev­ent Tüzel et Sel­ma Irmak, et nous nous sommes entretenus avec le Min­istre d’én­ergie qui se trou­vait dans le bâti­ment de la direc­tion des mines. Lorsque nous l’avons ques­tion­né sur cette sit­u­a­tion, il nous a répon­du avec rage “non, ça n’est pas exact !”. Face à nos ques­tion­nements sur l’in­suff­i­sance des équipes de sauve­tage, nos deman­des d’ex­pli­ca­tion sur le fait que les familles ne soient pas infor­mées, et qu’au­cune infor­ma­tion ne soit don­née con­cer­nant le nom­bre des ouvri­ers dans la mine, des morts, il s’est mis en colère de plus belle. Nous avons alors partagé nos con­stats à tra­vers les médias et agences d’in­for­ma­tion qui nous ont con­tac­tés, minute par minute.

Les recherch­es ont con­tin­ué durant des jours et j’y suis resté jusqu’à la fin. J’ai observé de près tous les développe­ments. Nous avons organ­isé des réu­nions dans les vil­lages et quartiers des ouvri­ers de la mine. Nous avons échangé, dis­cuté. Nous avons pris place dans les actions de protes­ta­tions faites par les ouvri­ers, sur les places et les rues de Soma, aus­si bien pen­dant la péri­ode de cat­a­stro­phe qu’à l’époque suiv­ante. Nous avons été, avec les ouvri­ers, de nom­breuses fois, molestés, frap­pés par la police.

Avec mon amie jour­nal­iste, nous avons mené ce tra­vail doc­u­men­taire, à tra­vers les témoignages des per­son­nes con­cernéEs, pour que ce mas­sacre, dont je fus aus­si per­son­nelle­ment témoin, ne soit jamais oublié.

  • soma

Vous venez tout juste d’achev­er le doc­u­men­taire “Paşa Vardiyası”, dont vous êtes pro­duc­teur et réal­isatrice, et avec lequel vous souhaitez met­tre en lumière la cat­a­stro­phe de Soma. Que voulez-vous révéler avec ce doc­u­ment, dans lequel “les témoins par­lent des com­plices de ce mas­sacre com­mis” ? Quels étaient vos objec­tifs, en vous embar­quant dans ce périple ?

Sev­da • Trois ans après la cat­a­stro­phe, je me suis instal­lée à Izmir. Je tra­vail­lais comme cor­re­spon­dante de l’a­gence d’in­for­ma­tion Mésopotamie (MA) pour la région Egée. Soma et les dis­tricts envi­ron­nants, qui avaient une riche pro­duc­tion agri­cole, ont per­du ces richess­es, suite au pil­lage des entre­pris­es exploitant les mines, et les pop­u­la­tions se sont appau­vries. Aujour­d’hui, la qua­si total­ité des vil­la­geois tra­vail­lent dans les mines. L’ab­sence de grandes usines, les bas salaires ne leur lais­sent pas d’autres alter­na­tives. C’est une telle sit­u­a­tion que même ceux qui ont per­du des proches lors de la cat­a­stro­phe, sont oblig­és de con­tin­uer, fatale­ment, à tra­vailler dans les mines.

Depuis, tous les ans, à l’an­niver­saire de la cat­a­stro­phe, j’ai écrit. J’ai suivi les procès. J’ai cou­vert les protes­ta­tions des ouvri­ers qui se bat­tent pour recevoir leurs indem­ni­sa­tions. Le silence dont je par­lais précédem­ment, s’est con­sti­tué à cette époque. J’ai voulu en con­naître les raisons. Pourquoi tous ces gens, qui ont tra­ver­sé une cat­a­stro­phe, étaient-ils devenus si silen­cieux ? Je voulais comprendre. 

D’abord, j’ai échangé avec  dif­férents milieux ouvri­ers, ensuite avec les familles. Et j’ai com­pris à tra­vers ces entre­tiens “of the record” que les entre­pre­neurs et le pou­voir, pour que ce qui avait été vécu soit oublié, ont intimidé la pop­u­la­tion de Soma, en les immergeant dans la peur du chô­mage et sous la pres­sion religieuse. Ain­si, les voix ont dis­paru des rues… Pour­tant, les slo­gans les plus scan­dés dans les protes­ta­tions des ouvri­ers de Soma furent “Soma, ne dors pas, sou­tiens ton mineur”, “n’ou­blie pas, ne fait pas oubli­er les 301 mineurs”…

Nous avons voulu avec ce doc­u­men­taire, en met­tant la lumière sur ceux qui ont créé ce silence, rap­pel­er, juste­ment “ne pas faire oublier”.

Hacay • Ce drame qui a couté la vie à 301 mineurs est une des cat­a­stro­phes les plus meur­trières de tous les temps. En tant que syn­di­cal­iste et auteur, du début à la fin, durant des mois, je me suis entretenu avec les ouvri­ers, vil­lage par vil­lage, quarti­er par quarti­er. En ayant tout partagé avec eux, j’ai pen­sé qu’il était néces­saire de ren­dre un événe­ment si impor­tant, indélé­bile, et trans­met­tre pour le futur. C’é­tait aus­si pour moi une respon­s­abil­ité envers le labeur, la classe ouvrière, les oppriméEs. Mon objec­tif est donc de porter ce mas­sacre vers l’avenir, avec les témoignages des con­cernéEs, leurs images, leurs vidéos, dans un ensem­ble cohérent… C’est le pub­lic qui nous dira à quel degré nous avons réussi. 

J’avais aupar­a­vant trans­for­mé en livres des actions ouvrières inscrites dans l’his­toire avec des noms comme : “Tar­iş Direnişi” (Résis­tance de Tar­iş)1) “Ölüm Yürüyüşü” (La Mauche de la mort2) et “Bahar Eylem­leri” (Les protes­ta­tions du print­emps)3). J’ai égale­ment essayé de nar­rer l’his­toire douloureuse d’une femme de Soma, qui a per­du son mari dans la cat­a­stro­phe minière, dans mon roman “Acıları Ortak­tı” (Souf­frances partagées) paru récem­ment, en jan­vi­er 2021, aux Edi­tions Ceylen.

Pourquoi “Paşa Vardiyası” ?

Sev­da, Hacay • “Paşa vardiyası” est un terme de mineurs. Les mineurs appel­lent les quarts de tra­vail dans leur lan­gage du méti­er comme “Gündüz Vardiyası” (poste du jour), “Paşa Vardiyası” (“le poste du pasha”, cor­re­spon­dant au poste du soir) ve “Serseri Vardiyası” (“poste du vagabond”, cor­re­spon­dant au poste de nuit). La cat­a­stro­phe de Soma est arrivée au moment ou le poste du soir allait pren­dre son ser­vice. Nous avons extrait ce terme d’un des entre­tiens que nous avons fait avec les mineurs, et l’avons choisi comme titre.

La cat­a­stro­phe de Soma a mar­qué les mémoires de l’opin­ion publique turque. Le procès où les respon­s­ables furent jugés, s’est ter­miné en 2018 par un ver­dict injuste. La Cour de cas­sa­tion a donc cassé cette déci­sion et la procé­dure judi­ci­aire est recom­mencée. Qu’en pensez-vous ?

Sev­da, Hacay • Après la déci­sion de la Cour de cas­sa­tion, les avo­cats ont égale­ment sol­lic­ité le Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel pour “un juge­ment équitable”. Lors de la récente audi­ence du procès, repris au tri­bunal local, le 13 avril 2021, les avo­cats ont demandé d’at­ten­dre la déci­sion du Tri­bunal con­sti­tu­tion­nel. Mais le tri­bunal a rejeté leur demande.

Le procès de Soma, où les respon­s­ables du “meurtre de tra­vail” le plus grave du pays sont jugés, démon­tre claire­ment que le prof­it du cap­i­tal est pro­tégé au prix de la vie des ouvri­erEs, et cela con­tin­uera ain­si. Le Min­istre d’En­ergie avait dit, pour la mine, lieu de la cat­a­stro­phe même, et pour toutes les autres mines gérées par l’en­tre­prise Soma A.Ş, “ce sont les mines les plus sécurisées”. Cela est totale­ment ignoré. Lors du juge­ment, l’E­tat a tout fait, pour que ni ses com­plices, ni lui-même ne soient jugés. Pour­tant, par­al­lèle­ment aux patrons, le Min­istère de l’én­ergie, le TKİ, les inspecteurs ayant établi des rap­ports de cet “état par­fait”, sont aus­si directe­ment respon­s­ables de la cat­a­stro­phe. Ils devraient être tous jugés par des juges indépen­dants. Mais, comme on peut aus­si l’ob­serv­er dans l’au­di­ence du 13 avril, on veut fer­mer rapi­de­ment le dossier de Soma, en don­nant des peines qua­si­ment comme des récom­pens­es. Ce tableau est peint de la main de l’E­tat. Ce dys­fonc­tion­nement de la jus­tice est vu, non seule­ment par les familles et leurs avo­cats, mais par tous les peu­ples de la Turquie. Pour cette rai­son, même si la jus­tice ne peut être obtenue par voies juridique, ces respon­s­ables sont depuis longtemps jugés par la con­science des peu­ples, et con­damnés.

*

La cat­a­stro­phe de Soma est encore une plaie ouverte sur la con­science des peu­ples de la Turquie. Ce film a donc bien­tôt ren­dez-vous avec le pub­lic, pour ne jamais oubli­er. Hacay Yıl­maz et Sev­da Aydın ont aus­si pour objec­tif de partager le doc­u­men­taire de cette douloureuse expéri­ence avec les syn­di­cats des qua­tre coins du monde. 

L’E­quipe de Kedis­tan endosse volon­tiers le rôle de pont entre les pro­duc­teur et réal­isatrice de ce doc­u­men­taire, et nous con­sid­érons cela comme un devoir envers les familles de Soma, et les mineurs vic­times de la catastrophe.

Nous faisons donc appel à tous les syn­di­cats qui seraient par­tants pour pro­jeter, partager avec leurs mem­bres, le doc­u­men­taire “Paşa Vardiyası”,  et les invi­tons à nous con­tac­ter.

Qui sont Sevda Aydın et Hacay Yılmaz ?

Sev­da Aydın | Jour­nal­iste. Elle est née en 1984. Elle a tra­vail­lé comme cor­re­spon­dante et éditrice au jour­nal Evrensel, pro­duc­trice des infor­ma­tions art et cul­ture à la chaine Hay­at TV, con­seil­lère d’édi­tion de la revue cul­turel Evrensel. Elle pour­suit son tra­vail actuelle­ment, à l’a­gence d’in­for­ma­tion, Mezopotamya Haber Ajan­sı (MA).

Hacay Yıl­maz | Ecrivain. Mem­bre de l’Assem­blée du Par­ti démoc­ra­tique des peu­ples (HDP). Il fut empris­on­née près de 10 ans, dans  dif­férentes péri­odes, inclu­ant le coup d’E­tat mil­i­taire de 1980. Par­al­lèle­ment à son activ­ité poli­tique et édi­to­ri­ale, durant de longues années, il a pris place dans le mou­ve­ment ouvri­er et l’ac­tiv­ité syn­di­cale. Après son pre­mier livre “Tar­iş Olay­ları”, il a pub­lié une dizaine de livres de recherch­es, romans et recueils de nou­velles. Mem­bre d’hon­neur du PEN allemand.

Sev­da Aydın, Hacay Yılmaz


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Dilek Aykan
REDACTION | Auteure
Gazete­ci, siyasetçi, insan hak­ları savunucusu. Jour­nal­iste, femme poli­tique, défenseure des droits humain. Jour­nal­ist, polit­i­cal woman, defendor of human rights.