Mar­di 13 avril était la date de la pre­mière audi­ence des respon­s­ables de « l’accident » de la mine de char­bon de Soma qui a causé la mort de 301 mineurs.

Les autorités avaient annon­cé que les accusés ne seraient pas présents au tri­bunal et allaient se présen­ter par vidéo­con­férence, pour leur sécu­rité. Dés qu’elle avait été ren­due publique, cette déc­la­ra­tion avait provo­qué la colère des familles des vic­times, de leur avo­cats et de leurs sou­tiens. L’accident sur­venu à la mine était le résul­tat des mau­vais­es con­di­tions de tra­vail dans la mine, ain­si que d’un manque impor­tant de sécu­rité sur les lieux. Les familles ne com­pre­naient pas com­ment le Tri­bunal pou­vait pren­dre des pré­cau­tions pour la sécu­rité des accusés, alors que ces derniers sont des respon­s­ables qui n’avaient rien à faire de la sécu­rité des mineurs.

Le réquisi­toire demande le juge­ment de 45 per­son­nes impliquées dans l’accident. 37 accusés seront jugés en lib­erté et 8 en déten­tion, dont le patron de l’entreprise. Le pro­cureur demande pour les 8 détenus, 301 fois 20 à 25 ans, ain­si que 162 fois 2 à 6 ans de prison, pour motif de « neu­tre et vio­lence avec prob­a­ble inten­tion ». Les 37 accusés risquent 2 à 15 ans de prison pour « don­ner la mort par nég­li­gence intentionnelle »

Rap­pelons que le Min­istre du Tra­vail Faruk Celik, n’avait pas con­fir­mé l’ouverture d’enquête con­tre 2 inspecteurs ain­si que pour les fonc­tion­naires qui avaient étudié les con­di­tions de la mine avant l’accident, et qui avaient fourni un rap­port positif.

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1ère audience

Le jour de la pre­mière audi­ence, les familles se sont regroupées à 09h00 devant la sculp­ture de mineur au cen­tre de Soma et y ont déposé des oeil­lets. Les mem­bres de famille des mineurs por­taient des t‑shirts noirs imprimés du chiffre 301 ain­si que des noms des mineurs décédés. Le groupe s’est ren­du au tri­bunal, en manifestant.

Les familles ont appris en arrivant au tri­bunal que sur l’ordre du Pre­mier Min­istre turc, seuls les par­ents de pre­mier degré étaient autorisés à accéder à la salle d’audience. Les familles, épaulées d’organisations de la société civile, de syn­di­cats et des mem­bres de par­tis, ont con­testé cette décision.

L’audience a com­mencé à 10h. Après le lec­ture de noms des 301 mineurs décédés, à 10h40 la vidéo­con­férence avec les accusés détenus a été mise en place. Les familles ont vive­ment protesté l’absence physique des accusés et le Juge a sus­pendu l’audience. Dans les dix min­utes qui ont suivi, l’épouse d’un mineur décédé a eu un malaise dû au stress, les équipes médi­cales sont inter­v­enues. Suite à la forte réac­tion des familles des mineurs con­tre les avo­cats de la défense, les forces de sécu­rité sont entrées dans la salle. L’avocat Avukat Selçuk Koza­ğaçlı a donc demandé l’annulation de la procé­dure de visio­con­férence et que les accusés soient présent à l’audience. Sur cette demande, les accusés jugés en lib­erté sont restés dans la salle mais leur avo­cats ont quit­té le tribunal.

A 11h40 le tri­bunal a décidé que les 8 accusés en déten­tion se présen­teraient physique­ment dans la salle à la prochaine audi­ence et a fixé celle ci au 15 avril.

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2ème audience

Lors de la pre­mière audi­ence, plusieurs pho­tos et vidéos ayant été pub­liées sur les réseaux, le 15 avril, tout appareil élec­tron­ique a été inter­dit d’accès à la salle, y com­pris (et surtout) les jour­nal­istes. Le con­trôle de police à l’en­trée en salle ayant été très mou­ve­men­té et tendu.

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Les 8 accusés absents de la pre­mière audi­ence avaient été trans­portés pen­dant la nuit afin d’assurer leur sécu­rité. Ils ont accédé à la salle dans un cor­don de policiers, et se sont instal­lés dans la par­tie réservée et protégée.

Une par­tie des mem­bres de familles de mineurs n’avaient pas pu entr­er dans la salle, par manque de places. Une par­tie des avo­cats ont pro­posé leur place et ont dû suiv­re l’audience debout.

Le moment où le Prési­dent du Tri­bunal a passé le micro­phone aux famille afin de con­firmer les noms des mineurs morts, toute la salle était en larmes. Les familles ne prononçaient pas seule­ment les noms de leur défunt mais expri­maient égale­ment leur douleur.

- Notre enfant nous manque !
— Mon mari n’a pas vu la nais­sance de son enfant.
— Je suis la femme d’İsmail Coşkun qui a été mis dans du plas­tique au lieu d’un linceul. J’ai un enfant de 10 mois. Com­ment avez vous pu faire ça ? Il n’avait que 28 ans…
— Nous étions mar­iés depuis 3 jours… 3 jours !
— 432 enfants embrassent la terre en cri­ant « Papa ! »
- Nous voulons la justice !

Ensuite les iden­tités des accusés ont été annon­cées. Au moment où Can Gürkan, Directeur de Con­seil d’Administration de l’entreprise Soma Kömür İşletm­eleri A.Ş, a annon­cé ses revenus, « actuelle­ment je n’en ai pas », les familles ont répliqué en cri­ant « il ment, il en a ! ». Pen­dant que les autres respon­s­ables annonçaient leurs revenus, on entendait dans la salle des mots comme « sans hon­neur ! » (Une très forte insulte en turc !)

Après la lec­ture du réquisi­toire, Can Gürkan s’est déclaré qu’en tant que Directeur de Con­seil d’Administration, il avait la respon­s­abil­ité de la stratégie, finances, rela­tions avec les ban­ques, bud­gets, plan­i­fi­ca­tion et investisse­ment et que les par­ties en dehors de ces secteurs étaient, selon l’organisation de la partage des tâch­es, sous la respon­s­abil­ité de Ramazan Doğru, le Directeur Général et mem­bre de con­seil d’administration.

Pen­dant la lec­ture de la déc­la­ra­tion de défense de Can Gürkan les familles ont décou­vert l’affirmation du Directeur comme quoi l’entreprise mon­tre le max­i­mum de soin à la sécu­rité du travail.

En tant qu’entreprise, nous faisons tout notre pos­si­ble afin de pren­dre toutes les pré­cau­tions de sécu­rité. Moi, comme mon père, nous avons mis toute notre cap­i­tal et nos efforts pour ce tra­vail. Nous avons ouvert la pos­si­bil­ité d’emploi à 6 mille 400 per­son­nes. C’est nous qui avons souf­fert le plus avec cet acci­dent. Nous avons dépen­sé tous nos investisse­ments pour la sécu­rité. Nous avons offert toutes les for­ma­tions néces­saires à nos ouvri­ers, nos respon­s­ables et ingénieurs. Tout ceci est cer­ti­fié. Ce lieu de tra­vail est une des mines les plus pres­tigieuses de notre pays. Elle est même vis­ité par les enseignants et étu­di­ants pour des fins péd­a­gogiques. En ce qui con­cerne la sécu­rité de tra­vail, nous avons le nom­bre de per­son­nel suff­isant, avec notre ingénieur de sécu­rité en chef, 3 respon­s­ables de sécu­rité, des respon­s­ables de groupes, ingénieurs et tech­ni­ciens man­datés à la sécurité.”

La déc­la­ra­tion pré­ci­sait égale­ment qu’au moment de sa dépo­si­tion, Can Gürkan déclarait ne pas con­naitre les raisons ni la source de l’accident.

Je pense que je n’ai pas de nég­li­gence ni faute. Je n’accepterai aucune accusation.”

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Quant au Directeur Général, Ramazan Doğru, il occu­pait donc la 2ème chaise d’accusé. Sa déc­la­ra­tion annonçait qu’il était bien mem­bre du Con­seil d’Administration, mais qu’il n’acceptait pas les infor­ma­tions sur la partage des tâch­es et qu’il ne pou­vait avoir des respon­s­abil­ités que pour sa fonc­tion de Directeur Général.

La déc­la­ra­tion du Directeur, pré­cise égale­ment que cet acci­dent n’était pas prévis­i­ble, car s’il l’était toutes les pré­cau­tions de sécu­rité aurait été absol­u­ment prises.

Je tra­vaille dans cette entre­prise et dans la région de Soma depuis 25 ans. Je con­nais la majorité des défunts. Ils étaient tous mes ouvri­ers que j’aimais plus que ma vie. Nous avons vécu un tel acci­dent trag­ique et j’en suis désolé. Il m’est impos­si­ble d’exprimer ma tristesse. J’aurais préféré mourir dans cet acci­dent, moi aus­si. Pour des ques­tions de con­science, je suis prêt à accepter toutes les peines qui me seraient don­né. Je ne fais pas de défense pour sauver ma peau. J’en fais un cas de con­science. Je ne pense pas que je suis fau­tive dans cet inci­dent et je suis inno­cent. Je n’accepte pas les accu­sa­tion à mon encontre.”

Les autres accusés ont à leur tout fait leur déc­la­ra­tion de défense en exp­ri­mant qu’ils ne peu­vent pas être accusés de négligence.

 


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