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Nous avions fait, courant jan­vi­er, avec Zehra Doğan, un appel de sol­i­dar­ité pour une “soirée de pleine lune”. L’in­vi­ta­tion a été enten­due et cette nuit fut lumineuse.

Des vœux de lib­erté, des pen­sées et des sou­tiens portés par les rayons de l’as­tre déesse se sont envolés vers les geôles de la Turquie retrou­ver les pris­on­nières et par­mi elles, Zehra Doğan.

Cette forme de soirée sol­idaire a pu sur­pren­dre, car elle s’éloigne des formes mil­i­tantes habituelles.

Voici la lettre récente de Zehra.

Elle nous par­le de cette soirée, depuis la prison de Tarsus…

20 jan­vi­er 2019

Je t’écris sous la lumière de la lune. Elle est pleine, et sus­pendue au dessus de ma tête.

Cette nuit revêt un sens par­ti­c­uli­er. J’en suis très émue. Et, étrange­ment, aujour­d’hui, la pleine lune se mon­tre à nous dans toute sa splendeur.

Chaque soir où appa­raît la lune, Der­sim grimpe à la fenêtre et crie “aşmeeee !”. Cela veut dire “lune” en zaza. Elle l’a appris de la mère Sisê. Mère Sisê, elle, jette un œil à la lune chaque soir et lui envoie des bais­ers. Elle lui donne beau­coup d’im­por­tance, et la sacralise. Dans notre cul­ture, la valeur de la lune est à nulle autre pareille.

Ce soir, le disque de lune est orné de nuages. C’est si beau, je ne sais pas com­ment le décrire. Une lune écla­tante et énorme, envi­ron­née d’écume.

J’au­rais vu les plus belles lunes de ma vie, depuis la prison. Et ce soir, c’est la plus belle des plus belles. Et j’écris cette let­tre à la lumière de cette beauté. 

Nos let­tres de Tar­sus ont infusé sous la lumière de lune, en es-tu con­sciente ? Ici, je t’écris tou­jours dans sa lueur. La lune aura gag­né une autre place pour nous deux aussi…

Toutes les femmes, ici, avons regardé la lune pour vous ressen­tir, vous qui êtes loin, et nous vous avons envoyé nos salu­ta­tions. Avec de très jolies émo­tions, nous avons dif­fusé notre énergie à tout l’u­nivers. Nous vous avons ressen­tiEs. J’e­spère que vous aus­si, vous nous avez ressentiEs.

Cette nuit, la lune est mag­nifique, et je suis tra­ver­sée par de beaux sen­ti­ments. Je me sens très heureuse. 

Je te ressens toi, et toutes les femmes. Ishtar, Isis, les déess­es sont toutes la lune. Leur nom peut être dif­férent chez les Sumers, en Égypte, au Pays de Babel, mais c’est la même femme, la même lune. Peut être est-ce pour cela que pour nous, la lune englobe tous ces sens ; et que nous ressen­tons autant à tra­vers elle. Nous sommes, avec elle, plus fortes et plus heureuses.

Mer­ci Naz, je vous remer­cie infin­i­ment à toutes et tous. Mer­ci d’exister.

Zehra,

Suivie de quelques aperçus parvenus jusqu’à nous

Avec Denis Péan et Col­in Lin­der dans les rues d’Angers.

 


Image à la une par Jaz Ezra Kleo.

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Zehra Doğan
Auteure, mem­bre d’hon­neur de Kedistan
Jour­nal­iste, artiste. Jour­nal­ist, artist. Gazete­ci, sanatçı.