Le procès ouvert con­tre un ressor­tis­sant turc accusé d’es­pi­onnage débutera le 7 sep­tem­bre à Hambourg.

Suite aux arti­cles pub­liés dans les médias alle­mands, relayant des inquié­tudes sur le fait que le MIT (ren­seigne­ments turcs) manip­u­lent l’opin­ion publique en dif­fu­sant de fauss­es infor­ma­tions, qu’il tir­erait d’un doc­u­ment qui proviendrait d’un Organ­isme de Pro­tec­tion de la Con­sti­tu­tion Fédérale, une ouver­ture d’en­quête sur les activ­ités du MIT en Alle­magne avait été diligentée.
Le jour­nal Welt am Son­ntag Aval avait aus­si relayé des infor­ma­tions recueil­lies auprès d’une autorité de la sécu­rité, affir­mant que près de 6000 agents liés au MIT infor­maient régulière­ment l’a­gence turque de ren­seigne­ments sur la com­mu­nauté turque en Turquie.

A ce jour, en Alle­magne, des enquêtes con­cer­nant 20 turcs soupçon­nés d’être agents du MIT sont en cours. Mais aucun d’en­tre eux n’a encore admis son appar­te­nance. Les autorités judi­ci­aires alle­man­des don­nent donc une impor­tance par­ti­c­ulière au procès de Mehmet Fatih Sayan. Car Sayan, actuelle­ment en déten­tion, a avoué lui qu’il avait pris des ordres de deux mem­bres du MIT, nom­més “Kemal” et “Ahmet”.

En novem­bre 2016, il avait été révélé que des assas­si­nats étaient pro­gram­més par le MIT, ciblant des som­mités kur­des, notam­ment Remzi Kar­tal, co-prési­dent du Kon­gra-Gel( (Con­grès du peu­ple du Kur­dis­tan). Suite à ces révéla­tions, Mehmet Fatih Sayan fut arrêté le 15 décem­bre 2016, à Ham­bourg, par la police allemande.

La pre­mière audi­ence de six procès instru­its pour ces “affaires”, se déroulera donc le 7 sep­tem­bre à Hambourg.

Ce procès pour­rait selon toute vraisem­blance dur­er jusqu’à mi octo­bre, et une peine de prison de 5 ans est demandée à l’en­con­tre de Sayan. Le réquisi­toire, pré­paré par le Pro­cureur fédéral, pré­cise que Sayan, 32 ans, tra­vail­lait pour les ren­seigne­ments turcs depuis 2013, et était rémunéré pour ses ser­vices à hau­teur de 30 000€.

Sayan aurait don­né d’im­por­tantes infor­ma­tions lors de ses audi­tions par la police et le juge. Selon l’heb­do­madaire Der Spiegel paru hier, Sayan, suite aux infor­ma­tions relayées par le jour­nal Yeni Özgür Poli­ti­ka, suivi d’autres médias kur­des, s’é­tait ren­du aux ser­vices de l’im­mi­gra­tion de Ham­bourg le 12 décem­bre 2016,  pour y faire une demande d’asile.

Images de Yeni Özgür Politika
  • Inter­view avec Remzi Kar­tal, Co Prési­dent du Kongra-Gel

Les médias rela­tent égale­ment que lors de cette demande, ayant exprimé qu’il tra­vail­lait pour le MIT et était salarié par celui-ci, il avait de fait été mis en garde-à-vue. Lors de son inter­roga­toire, il a expliqué qu’il était arrivé d’Is­tan­bul à Düs­sel­dorf, par avion, le 5 décem­bre 2016, donc 7 jours avant son arresta­tion. Il a trans­mis en détail ses entre­tiens avec les mem­bres du MIT à Ankara, et a affir­mé qu’il était en con­tact con­tinu avec deux mem­bres nom­més “Kemal” et “Ahmet”. En ajoutant qu’il pour­suiv­ait la com­mu­ni­ca­tion par cour­riel, du type “lorsque j’avais des infor­ma­tions impor­tantes, je leur écrivais je vais vous apporter du choco­lat”.

Lors d’au­di­tions, Sayan a égale­ment dit :

Ils me rémunéraient d’un salaire men­su­el de 1500€. J’é­tais payé de la main à la main, en me ren­dant à Ankara. J’ai perçu jusqu’à ce jour 30 000€. A Ankara, je me rendais dans un café fréquen­té par les élites, je m’in­stal­lais à une table, je ne payais pas l’ad­di­tion. De toutes façons, le serveur me con­nais­sait.

Lors d’un entre­tien que j’ai eu avec les mem­bres du MIT, ils m’ont dit,  retourne en Alle­magne et recrute deux jeunes Kur­des pour que lors d’une rassem­ble­ment ils rouent de coups Cem Özdemir, député des Verts. Ils m’ont donc don­né l’or­dre de le faire molester.

En févri­er 2017, Mehmet Fatih Sayan, est revenu sur ces témoignages, pronon­cés devant les équipes du BKA (Office fédéral de police crim­inelle) et a déposé un tout un autre témoignage, tou­jours auprès du BKA.

Ce sont les gulenistes qui m’ont employé. Ils m’ont dit de m’in­fil­tr­er chez les kur­des et de récolter des ren­seigne­ments.”

Les mêmes médias pré­cisent que le passe­port de Sayan con­tient des cachets  d’en­trée et de sor­tie de Roumanie, Pologne et Ukraine, con­cer­nant la péri­ode où il avait dit à sa com­pagne qu’il résidait dans un hôtel de luxe à Ankara. Dans le dossier d’en­quête, fig­ure égale­ment le fait qu’il a for­cé son amie a servir comme agent, pour qu’elle infil­tre le mou­ve­ment des femmes kur­des, con­tre 5000€ men­su­el, propo­si­tion d’ailleurs refusée par sa compagne.

*

Le procès risque donc d’être bour­ré de con­tra­dic­tions et de reniements.

Au moment où des ressor­tis­sants alle­mands sont arrêtés en Turquie, pour “raisons poli­tiques”, por­tant à 12 le nom­bre de détenus de nation­al­ité alle­mande ou de dou­ble nation­al­ité comme le jour­nal­iste Deniz Yücel, on peut croire à une réponse du “berg­er à la bergère”, entre Erdoğan et la Chancelière Merkel.

Au vu de l’im­por­tance numérique de la com­mu­nauté turque en Alle­magne, du rôle de pres­sion poli­tique qu’elle con­stitue pour les prochaines échéances élec­torales, comme l’a déjà per­fide­ment souligné Erdoğan dans des com­men­taires, on peut se ques­tion­ner sur la suite.

L’Alle­magne ne peut non plus se per­me­t­tre une poli­tique à part dans l’im­broglio des embar­ras européens sur les migrants et l’anti-terrorisme.

On en suiv­ra donc qu’avec plus d’in­térêts le développe­ment de ces petites et grandes affaires, qui ne sont pas qu’une épine dans le pied de l’Ours de Berlin, mais inter-agis­sent, entre autres, avec la réten­tion de Loup Bureau, le jour­nal­iste français.

Tory Kılıç


En anglais : Ger­many • The Spy that Came from Ankara
Image à la une :
 Sayan lors d’une man­i­fes­ta­tion kurde en Alle­magne (Yeni Özgür Poli­ti­ka)

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