Les opérations de “ménage”, comme les appelait le premier ministre Davutoglu, menées depuis deux mois à Cizîr (sud-est de la Turquie), prendraient-elles fin ? C’est ce que dit une source AFP, citant aujourd’hui jeudi, le ministre turc de l’Intérieur Efkan Ala.
Notons que déjà, la TRT turque, chaîne télévisée officielle et totalement sous contrôle du gouvernement AKP, annonçait la même chose le soir même du massacre de plusieurs dizaines de personnes, en criant “victoire sur les terroristes”.
“Les opérations contre l’organisation terroriste (Parti des travailleurs du Kurdistan, PKK) ont pris fin ce jour avec grand succès”, a dit ce Ministre, cité par la presse turque, et a expliqué dans le même temps que le couvre-feu imposé depuis le début de l’offensive sera maintenu afin, selon lui, “d’assurer le retour des habitants qui ont fui les combats”. La presse internationale étant toujours tenue à distance, il va être compliqué de vérifier ces dires, sauf à voir la troupe quitter en masse les lieux des massacres, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui encore.
Ce ministre a affirmé, toujours selon la source AFP, que “les forces de l’ordre avaient entièrement repris le contrôle de la ville” où les “terroristes” avaient lancé une “insurrection”.
Cizîr, (Cizre), proche de la frontière syrienne et irakienne, est vidée de la quasi-totalité de ses 120.000 habitants. Les rares témoins venus d’ailleurs y courent des risques importants et sont rares, tandis qu’une autre partie de la population, comme des élus de régions ou localités proches, sont empêchés d’entrer ou de porter secours. Les rares répits laissés jusqu’à aujourd’hui l’ont été pour “ramasser” les cadavres dans les rues, tâches effectuées sous surveillance des snipers par les “anciens” munis de drapeaux blancs.
Officiellement, il n’y a eu aucun massacre à “Cizre”, et il s’agit d’une “victoire éclatante sur le PKK”. La valse des chiffres et démentis sur le nombre de morts ne peut être vérifiée et vise à couvrir le nombre de victimes civiles, ainsi que les conditions de leurs assassinats, tout comme les armes et moyens utilisés dans les dits “assauts finals”. 82 dépouilles ont été transférées à la morgue en trois jours. On est loin des 60 de dimanche et de ce que sera la réalité au final, d’autant qu’un autre immeuble hôtel vient de subir le même sort hier et que d’autres cadavres en sont extraits du sous sol.
Des photos particulièrement parlantes sur les exécutions et la torture sont pourtant diffusées à partir de comptes sur les réseaux sociaux par des mercenaires membres des troupes sur place, et revendiquées comme telles, en signe de victoire.
Officiellement, il est annoncé la mort de 250 militaires et policiers et plus de 750 “terroristes”, selon l’armée elle même. Selon des ONG, plus de 200 civils auraient été tués dans les “opérations”. Chiffres invérifiables en l’état, puisque les morgues et hôpitaux sont sous contrôle, et que des corps ont été brûlés pour effacer des traces en vue d’enquêtes ultérieures…
Rappelons que le couvre feu avait déjà été levé à Cizîr, avant d’être réinstauré plus fortement encore quelque temps plus tard, dès lors où une partie de la population s’était organisée pour l’auto défense.
Nous ne pouvons que souhaiter la suspension de l’état de siège et la levée du couvre feu. Et même revendiquer que cela soit étendu à tout l’Est de la Turquie, car d’autres localités connaissent le même sort.
Cette levée du siège permettra peut être à des journalistes internationaux de pénétrer dans la zone et témoigner de ce qui s’y est produit. Nous sommes quelques unEs à Kedistan ou parmi nos lecteurs ou contributeurs, à savoir, que même lorsqu’on a sous les yeux la trace de crimes contre l’humanité, il est compliqué de convaincre des “rédactions” qui minimiseront toujours, prétextant le “coup de l’émotion” et la “réserve” en vue d’enquêtes éventuelles. Cela s’est produit pour toutes les zones de guerre, et n’est pas Capa qui veut.
Les photographies morbides qui circulent, nous l’avons déjà écrit, comporte tellement d’images invérifiables, d’autres puisées sur internet dans le fond du musée des horreurs de guerre depuis des décennies, qu’il est difficile d’en publier, sauf quand il s’agit de connaissances directes et fiables.
Certaines pourtant, tout comme le furent les “images” du corps du jeune Haci Lokman Birlik tiré derrière un blindé, témoignent de sévices, tortures, infligées à des femmes, leur corps étant ensuite exposés nus par la soldatesque, comme ce fut déjà le cas pour des combattantes il y a quelques mois. “Images” qui peuvent être superposées à d’autres plus anciennes du génocide arménien, et qui montre que dans les rangs ultra nationalistes, le “Génocide” agit comme une névrose, puisque quelque part, restant pour eux “l’acte fondateur de la Turquie moderne”. Vous les avez sans doute vues sur les réseaux sociaux, et ce ne sont probablement pas les dernières.
Sauf à faire parvenir ces images aux “amis” d’Erdogan ici, nous ne les publierons pas. Mais nous doutons même qu’elles puissent émouvoir les “remaniés”, tant ils sont repliés sur des sauvetages politiques ici, et comptent sur des assassins ailleurs pour diminuer leur fardeau.
Quartier Sur à Diyarbakir
Les destructions de bâtiments dans les zones historiques sont telles, qu’on peut sérieusement se poser la question de l’effet d’aubaine que cela pourrait constituer pour des bétonneurs proches de ministres AKP, qui sont déjà à l’oeuvre dans des espaces naturels de Turquie. Les annonces d’investissements massifs dans les régions détruites, faites par le Premier Ministre Davutoglu, et sa récente plaisanterie sur “nous en ferons un espace pour les touristes dès qu’elle aura été vidée des terroristes” mériterait à elles seules un billet. En effet, tous les quartiers visés étaient des quartiers populaires, et à la fois des quartiers “anciens” pour partie, parfois même “classés”. Les processus de “gentrification” comme le soulignait un article paru récemment en anglais n’ont pas encore eu lieu à l’Est de la Turquie.
Mosquée de Kurşunlu à Sur
L’effet, d’aubaine serait gigantesque, alliant mise à l’écart des couches populaires, Kurdes majoritairement, et “rénovations”. Il n’y a pas de petits profits dans chaque guerre. A suivre…
Nous ferons un autre billet avec photographies ou vidéos, dès que nos contacts nous les fourniront.
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Image à la une : Pinterest
“Hier, le préfet de Cizïr avait annoncé la fin des opérations mais l’armée continue de brûler la ville, surtout, pour faire disparaître les traces d’exécutions de plus de 100 personnes. Ce qui est un crime de guerre et crime contre l’humanité.”
Via Faysal Sariyildiz, député kurde de Cizre qui est sur place depuis plusieurs semaines.