Beau­coup en Turquie, et surtout depuis les “élec­tions” de novem­bre, craig­nait qu’Er­do­gan ait les mains com­plète­ment libres pour comme il le dis­ait lui même “en finir” à l’Est. La Paix sem­blait inac­ces­si­ble désormais.

Et ce fut le cas en décem­bre, où la sidéra­tion qui a suivi les résul­tats élec­toraux, même acquis sur fond de tricheries et de men­aces, a saisi beau­coup de Turcs, con­statant que même une par­tie du “mou­ve­ment” anti guerre avait rejoint les par­tis tra­di­tion­nels, voire pire. La men­ace récur­rente sur la “divi­sion de la nation turque” par le “ter­ror­isme”, alors que ce sont l’AKP et les ultra nation­al­istes qui jet­tent les com­mu­nautés les unes con­tre les autres, était entrée en phase avec le “kémal­isme” de l’é­col­i­er de base, qui con­tin­ue à imprégn­er la société civile turque.

Il y avait donc à crain­dre, que mal­gré tous les appels, mal­gré l’ex­is­tence de la chas­se aux sor­cières chez les jour­nal­istes, l’Ouest “vaque à ses occu­pa­tions”, en se détour­nant des mas­sacres en cours dans les villes assiégées. Nous avions même vu pass­er des com­men­taires “dés­abusés” et des ques­tion­nements sur le thème “Où sont passés les Gezi, qui se bat­taient pour des arbres, lorsque des enfants meurent ?”.

Nous avions eu un espoir, quand des défenseurs de la Paix avaient marché en nom­bre de Bodrum à Diyarbakir, via plusieurs villes dont Ankara, faisant echo à des march­es de vil­lages, des man­i­fes­ta­tions. Mais ces march­es avaient été réprimées, empêchées…

Et voilà qu’Er­do­gan a mal négo­cié son attaque con­tre les uni­ver­sités, qu’il enta­mait après celles con­tre les médias et la presse.

Le fait qu’un appel d’hu­man­istes et d’in­tel­lectuels, en direc­tion des uni­ver­si­taires, des sci­en­tifiques, soit lancé à pro­pos des “crimes” à l’Est, s’est téle­scopé avec cette attaque pop­uliste con­tre les “intel­lectuels et uni­ver­si­taires” en général. Ce téle­sco­page a trou­vé son point d’orgue dans le dis­cours aux “ignares” et “pseu­do intel­lectuels”, qui d’ailleurs fai­sait suite aux erre­ments idéologiques sur les références à Hitler dans la réforme con­sti­tu­tion­nelle. Les uni­ver­si­taires men­acés dans leurs pro­pres “chaires”, trou­vent là le moyen de s’u­nir sur une volon­té human­iste de ne pas “endoss­er les crimes”.

Tout cela a enfin servi d’al­lume feu, pour qu’à min­i­ma, dans les milieux intel­lectuels, un rejet de la poli­tique de guerre soit ravivé.

La réac­tion inverse ne s’est pour­tant pas faite atten­dre, on pou­vait s’en douter, et un cer­tain nom­bre d’U­ni­ver­sités, suiv­ant le mou­ve­ment ini­tié par la direc­tion de celle de Mar­mara, ont repris un con­tre texte que voici :

Le lun­di 11 jan­vi­er, un groupe d’u­ni­ver­si­taires s’est adressé à l’opin­ion publique par un texte inti­t­ulé “Nous ne serons pas com­plices de ces crimes“. Nous esti­mons que ce texte par­tial et sub­jec­tif ne s’ap­puie sur aucune réal­ité scientifique.

Les pro­pos avancés par cette péti­tion, qui sont hors de toute réal­ité, relèvent de la Cour con­sti­tu­tion­nelle et de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Notre Etat mène un com­bat juste con­tre un mou­ve­ment ter­ror­iste qui men­ace depuis trente ans l’u­nité du pays et la sécu­rité de nos conci­toyens ; ce com­bat fait par­tie des fonc­tions naturelles et néces­saires de tout Etat.

La pop­u­la­tion sait très bien que le mou­ve­ment ter­ror­iste a sci­em­ment, par ses actes, inter­rompu les ini­tia­tives de bonne volon­té menées par l’E­tat pour main­tenir l’u­nité et la fraternité.

La rai­son d’être des uni­ver­si­taires est le développe­ment de la con­nais­sance et le pro­grès social et économique ; en s’éloignant de la sci­ence et en s’en­fer­mant dans le moule d’une idéolo­gie bien con­nue, et en se bas­ant sur quelques préjugés, ils sont source d’in­quié­tude non seule­ment pour le main­tien de l’u­nité nationale et l’in­di­vis­i­bil­ité de la patrie, mais pour le développe­ment sci­en­tifique du pays.

L’u­ni­ver­sité de Mar­mara fait sienne la déc­la­ra­tion de la Fon­da­tion inter-uni­ver­si­taire qui est la voix de la con­science du pays ; nous croyons que la com­mu­nauté académique saura se mon­tr­er respon­s­able et sen­si­ble à la néces­sité de pro­téger l’u­nité et l’indivisibilité de la nation.

Aus­si, nous présen­tons nos plus vifs remer­ciements aux mem­bres héroïques de nos forces de sécu­rité qui garan­tis­sent l’ex­is­tence du pays, la tran­quil­lité et l’or­dre publics au prix de leurs vies.

Avec l’ex­pres­sion de notre pro­fond respect pour le public.”

On y trou­vera la pat­te du nation­al­isme forte­ment imbibé de kémal­isme, ou vice ver­sa, qui en l’occurrence recou­vre une forte envie de “con­serv­er des postes”, face à un Erdo­gan qui ne plaisante pas.

Dans trois arti­cles récents Kedis­tan relayait cette exi­gence de Paix :

Fort heureuse­ment les sou­tiens se multiplient : 

exigence de paix

2000 juristes pour la paix

Il est donc impor­tant d’am­pli­fi­er ce qui est un début promet­teur de re-mobil­i­sa­tion pour desser­rer l’étau autour des villes du Kur­dis­tan turc, d’au­tant que nous savons que les rap­ports de forces sur le ter­rain qui se pré­par­ent peu­vent bas­culer au Print­emps dans une vraie guerre civile, si cette exi­gence de Paix ne reprend pas le devant de la scène.

Kedis­tan n’a aucune dif­fi­culté, depuis un an, à soutenir à la fois l’ab­solue néces­sité d’arme­ment du Roja­va, l’au­todéfense active des pop­u­la­tions assiégées, et à con­damn­er toute escalade vers la guerre totale, comme stratégie pour l’avenir du Kur­dis­tan kurde. Cette exi­gence de Paix est indis­pens­able au com­bat poli­tique pour l’au­tonomie, qui se con­stru­it avec les pop­u­la­tions et ne se décrète pas.

Le site barisicinakademisyenler.net, hébergeant le texte ini­tial d’ap­pel des uni­ver­si­taires, hacké, est injoignable depuis plusieurs jours. Alors, une cam­pagne de sig­na­ture est lancée égale­ment sur change.org, et attend votre sou­tien. »> ICI  

Les ver­sions du texte d’o­rig­ine en d’autres langues sont con­sulta­bles depuis le début sur Kedis­tan :  Nous ne serons pas com­plice de ce crime

Vous pou­vez sign­er aus­si cette péti­tion lancée il y a env­i­ron un mois “Arrêtez de tourn­er le dos aux réal­ités inhu­maines” ou encore celle de l’A­CORT, Assem­blée des Citoyens orig­i­naires de Turquie, lancée il y a quelques jours.

Et pour celles et ceux qui décou­vri­raient Kedis­tan, un très beau texte à écouter ici, qui en dit telle­ment sur cette sit­u­a­tion d’en­tre deux guerres.

https://www.youtube.com/watch?v=IRKqK94o6Ds

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