Allez hop hop hop ! On bouge !
Préparez vos sacs à dos, je vous emmène cette fois à Finike ou de son nom lycien : “Phoenicus”.
C’est est une ville méditerranéenne près d’Antalya. La population du coin y vit de production d’agrumes, particulièrement d’oranges et d’un tourisme plutôt raisonnable, car cette région est restée préservée de l’explosion du tourisme de masse qui a défigurée Antalya et ses alentours, “La Riviéra turque”.
A Finike il fait bon vivre. Même les tortues caretta caretta font leur visite annuelle pour y pondre tranquillement. C’est plus cool qu’à Iztuzu, près de Muğla, où leur protecteurs se battent pour leur réserver leurs plages préférées.
Mais ne rêvez pas, je ne vais pas vous laisser vous prélasser sur le sable. Nous allons remonter vers la vallée de Kızılcık. Cette région couverte d’un forêt de cèdres centenaires et de pins de Calabre, est le lieu de vie de multiples animaux sauvages et de plantes rares.
Peut être que de jolies fleurs vous motiveraient pour prendre la route. Genre de beautés que vous n’avez jamais vues, ni entendu prononcer les noms. Elles sortent tout droit de la collection de l’observatoire des forêts de Finike (Elmalı).
En 2013 un projet destructeur et inutile, au service du profit a vu le jour dans cette vallée…
Je vous entends dire « Encore ? »
Oui, encore.
Je sais, via le rubrique “ZAD” de Kedistan, je vous fais régulièrement voyager de l’Est ou à l’Ouest de la Turquie, de la Mer Noire à la Méditerranée, et je raconte toujours la même histoire. L’histoire que vous connaissez bien d’ailleurs avec nos ZAD à nous. Que voulez-vous ? Les terres et les langues ont beau à être différentes, les prédateurs et leurs stratégies sont toujours les mêmes.
La Turquie est un grand pays et toutes ses richesses doivent être exploités pour remplir les poches de certains, sans s’occuper des dégâts pour les autres, n’est-ce pas ?
Eh bien, à Finike donc, il y a un an est demi, le Ministère des Eaux et des Forêts avait fourni une autorisation d’installation d’une mine de marbre et accordé son exploitation à une entreprise. Et la Direction de l’Environnement et de l’Urbanisme avait donné le feu vert au projet, déclarant l’étude de l’impact environnemental même pô nécessaire.
Mais les habitants de Finike, n’aiment pas se laisser faire. Cinquante paysans du coin s’étaient groupés pour ouvrir un procès avec l’aide et l’appui de la Plateforme de lutte contre les mines de pierres et de l’Association de l’Environnement des Rives méditerranéennes et des Taurus, contre la Préfecture et le Ministère.
En juin 2015, une commission d’experts en environnement avait indiqué que la région étant “écologiquement sensible”. Avant l’installation d’une nouvelle exploitation, la réalisation d’une étude d’impact sur la nature était nécessaire afin de recenser les plantes endémiques, espèces rares et en risque de disparition. La commission avait souligné également, après l’étude du projet d’exploitation, que celui-ci n’était pas du tout satisfaisant dans la programmation de la phase de réhabilitation des terres à la fin de la période d’exploitation.
En effet ce dernier point est important d’autant plus que les exploitations sont souvent, même quasi, toujours abandonnées par les entreprises sans aucune réhabilitation, malgré les clauses des contrats.
En voilà un exemple parmi tant d’autres :
Toujours dans la Vallée de Kızılcık, une exploitation de plus de 100 hectares, qui a fonctionné pendant 8 ans, abandonnée au printemps 2014…
« Nous allons niveler le terrain, planter des arbres et redonner l’ancien aspect au terrain » avait stipulé dans le contrat et signé, l’entreprise “Adalya Mermer”. Que nenni.
Mais, revenons à notre procès.
Avec l’appui du rapport de la commission d’expert, la balle était lancée donc au Tribunal d’Antalya. Nous voilà le 24 octobre et le Tribunal vient de rendre son verdict : annulation de non nécessité d’étude et annulation de l’autorisation d’exploitation !
C’est la première fois en Turquie, que la justice prend une décision d’annulation « directe», sans passer par la case « arrêt des travaux ». C’est donc un verdict historique.
Cette décision, faisant jurisprudence, ouvre la possibilité à de nouvelles luttes administratives aux habitants et organisations de société civile.
Il y a du boulot, car dans la jolie vallée de Finike, près de 15 mines de pierre ou de marbre sont actuellement en fonction, défigurent la nature et détruisent la faune, la forêt.
Amoureux de la nature, habitants, producteurs d’agrumes et de grenades peuvent sourire de nouveau.
Retrouvez votre sourire, vous aussi. Je sais que vous ne m’en voulez pas de vous avoir trainés avec moi. Ne regrettez pas de m’avoir accompagnée dans ce voyage et l’énervement sur la route…
Vous voyez, tous les chemins ne mènent pas à la catastrophe. Il y a quelques éclaircies dans les nuages, et puis les luttes payent… Et puis, il arrive aussi parfois, de tomber sur des juges justes et qui peut être même, aiment les arbres.
Sauvons les forêts de cèdres…