Et bien oui il faut voter. Et en masse.
Lancer cet appel ne fera pas tomber pour autant le A de Kedistan.
Parce qu’il ne s’agit pas là d’un vote “d’un peuple heureux, rôtant tout seul, dans sa mangeoire…” mais d’un référendum contre la guerre, contre les assassinats, pour la paix civile et l’unité dans la lutte, pour endiguer un chaos possible demain. Et c’est surtout hurler un “basta Erdogan” et l’AKP.
Alors même les chats errants devraient aller voter.
Bien sûr, il s’agit d’un fonctionnement institutionnel, d’une consultation organisée par la machine d’Etat. Bien sûr ce sont “en principe” des législatives, une machine à déléguer des politiques au parlement. Mais dans la tête des “électeurs” de l’opposition démocratique, s’agit-il là de faire élire machin ou bidule ?
Erdogan a été contraint par la pression dans le pays de respecter le jeu institutionnel. Et pourtant nous savons bien qu’il ne porte pas ces règles “républicaines” dans son coeur et qu’il les viole à la moindre occasion. Mais c’est ainsi, cette fiction de démocratie, même avec la censure, même avec la répression policière et armée, même avec la corruption va représenter pour une partie du pays une expression possible contre le régime, pour l’autre, un moyen d’écraser l’opposition après l’avoir tuée par les bombes, torturée derrière des blindés, tabassée dans les quartiers, assiégée et méprisée.
Et même si à Kedistan, on préfère les manifs de chats aux queues à la porte des bureaux de vote, là on appelle à manifester aussi dans les urnes.
Et rester sourd par principe à toutes les mobilisations de la société civile qui ont suivi Ankara, à cette force qui s’épuisera dans la rue face à la répression si elle n’a pas une réelle conscience d’elle même, demanderait alors des propositions alternatives.
En Turquie, les affrontements armés dans des situations où les rapports de forces étaient défavorables, ont déjà été essayés par différentes générations, que ce soit dans les métropoles ou à l’Est. La statistique est effroyable et compte les morts par milliers. La région n’est pas non plus pourvoyeuse de bonnes nouvelles, quand il s’agit de parler de soulèvement populaire, et bien trop fréquentée en ce moment par des puissances aux gros appétits ou des cliques au Djihad en bandoulière.
Et puis, ce n’est pas parce que, par principe Kedistan est pour la vie contre la guerre, que nous ne soutenons pas les combattantEs du Rojava non plus. Et bien à l’inverse, c’est en Turquie parce que la guerre est dressée contre les Peuples, que là nous choisissons la Paix, et respectons une unité qui peut se compter.
Personne ne sait comment le résultat électoral sera obtenu. Personne ne peut affirmer que ces élections seront “irréprochables”. Personne ne peut dire si Erdogan en respectera le verdict.
Mais ce que nous pouvons savoir, c’est que l’AKP ne retrouvera pas ses sommets, que les ultra nationalistes ont été divisés par leurs fréquentations bigotes, et qu’en conséquence, la crise politique restera ouverte. Dans ces circonstances, pour l’opposition démocratique, rien que prendre conscience de son nombre au grand jour, permettra de se préparer à la suite.… Le après.….
Alors, amiEs lectrices et lecteurs, vous qui pouvez voter, vous savez bien ce qui peut rompre la spirale infernale. Et pour la suite, rien ne sera gagné sans vous non plus, quel que soit le résultat.
Alors, pas d’état d’âme face aux crimes d’état de Erdogan. Pas de malaise idéologique face à l’utopie en danger. Pas de turpitude individuelle face aux assassinats. Par tous les moyens possibles, affaiblissons Erdogan, montrons lui la sortie.
Quant à nous, vu les urgences, on mettrait ou on mettra un bulletin HDP.
Les rédacteurs de Kedistan :
Mamie Eyan | Daniel Fleury | Naz Oke | Tülay Torun | Nicolas Cheviron | Cansu Kök
avec le soutien de :
Bülent Gündüz, réalisateur | Carol Mann, écrivaine, sociologue | Etienne Copeaux, chercheur | Samim Akgönül, politologue | Reynald Beaufort, fondateur de l’association et animateur des réseaux “Turquie Européenne” | Ürüşan Yıldız, artiste montreur d’ombres, Abdal Hayali |