La répres­sion des pro­pos cri­tiques à l’égard  de Recep Tayyip Erdoğan a encore été impi­toy­able au troisième trimestre 2015, avec pas moins de 61 con­damna­tions, procès, lance­ment de pour­suites ou dépôts de plaintes pour insulte à l’encontre du prési­dent turc, selon un rap­port dif­fusé ce lun­di par l’agence d’information indépen­dante BIA.

Entaytekin-gezicire juil­let et sep­tem­bre, qua­tre per­son­nes ont été con­damnées pour « insulte au prési­dent » (arti­cle 299 du code pénal), un délit pas­si­ble de un à qua­tre ans de prison. Un jour­nal­iste, Aytekin Gezi­ci, a écopé le 17 sep­tem­bre d’une peine de qua­tre ans d’emprisonnement ferme pour avoir dif­fusé sur Twit­ter des pro­pos tels que « vous avec (tout) ven­du morceau par morceau, vous avez (tout) embar­qué boite après boite ». Il fai­sait référence aux enquêtes anti-cor­rup­tion menées du 17 au 25 décem­bre 2013 par la police turque, visant notam­ment la famille Erdoğan et des proches, au cours desquelles ont été évo­quées des boites à chaus­sures rem­plies d’argent. Les inves­ti­ga­tions ont toutes été con­clues par un non-lieu et la plu­part des enquê­teurs ont été mutés ou mis à pied, le gou­verne­ment arguant d’un com­plot mené par la com­mu­nauté religieuse de Fethul­lah Gülen dans le but de ren­vers­er RTE.

Un lycéen de 16 ans et un cadre local du petit par­ti de gauche EMEP ont pour leur part été con­damnés à des peines de prison avec sur­sis, en rai­son respec­tive­ment de déc­la­ra­tions lors d’un rassem­ble­ment poli­tique et d’interventions sur les médias soci­aux. Un avo­cat a quant à lui été recon­nu coupable d’insulte au prési­dent et d’insulte à des fonc­tion­naires dans le cadre de leurs fonc­tions pour avoir crié lors d’un exa­m­en de l’école de la mag­i­s­tra­ture : « Vous êtes les hommes d’Erdoğan le fas­ciste et de son sys­tème ». Ver­dict : trois ans, qua­tre mois et 15 jours de prison ferme. Un cinquième prévenu, le directeur de la pub­li­ca­tion du quo­ti­di­en de gauche BirGün, a été con­damné au titre de l’article 125 du code pénal (trai­tant de l’insulte en général) à une amende de 7.500 livres turques (2.300 euros) pour un arti­cle sur les enquêtes du 17/25 décem­bre 2013.

cumhuriyet-can-dundar-wantedAu cours de ce troisième trimestre, 28 prévenus, dont 13 jour­nal­istes ont par ailleurs vu se pour­suiv­re leurs procès respec­tifs pour insulte au « sou­verain » (23 au titre de l’article 299, 5 à celui de l’article 125). On peut not­er la présence par­mi eux de Can Dün­dar, le directeur de la pub­li­ca­tion de Cumhuriyet, qui encourt 11 ans et qua­tre mois de prison pour une série de chroniques sur le 17/25 décem­bre 2013, ou encore celle de l’éditorialiste Özgür Mum­cu, du même quo­ti­di­en, pour­suivi pour avoir qual­i­fié RTE d’individu « cru­el et peureux » en réac­tion aux pour­suites lancées par le « Palais » con­tre la mère d’Abdullah Cömert, dont l’enfant a péri lors des événe­ment de Gezi après avoir été atteint d’une grenade lacry­mogène en pleine tête.

nokta-selfie-erdoganBIA men­tionne égale­ment dans son rap­port le lance­ment de pour­suites con­tre 19 jour­nal­istes au titre de l’article 299. Le célèbre jour­nal­iste et essay­iste Hasan Cemal fait par­tie de la nou­velle fournée en rai­son d’un arti­cle inti­t­ulé « Le respon­s­able numéro un du sang ver­sé est le sul­tan du Palais, point ! ». La chronique, dif­fusée sur le site inter­net d’information T24, impute au prési­dent la respon­s­abil­ité de la nou­velle flam­bée de vio­lences entre les forces de sécu­rité et les rebelles kur­des du Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK). Hasan Cemal retrou­ve au banc des sus­pects Murat Çapan, le directeur de Nok­ta, visé par une instruc­tion judi­ci­aire après la pub­li­ca­tion en « Une » de son mag­a­zine d’un pho­tomon­tage dépeignant Erdoğan en train de se pren­dre en « Self­ie » devant des cer­cueils de sol­dats turcs morts au com­bat.

L’agence BIA, spé­cial­isée dans le traite­ment des infor­ma­tions rel­a­tives à la lib­erté d’expression et aux droits de l’Homme, recense enfin trois dépôts de plaintes pour insulte par les avo­cats du prési­dent, et la con­damna­tion de deux députés, dont le prési­dent du Par­ti répub­li­cain du peu­ple (CHP), Kemal Kılıç­daroğlu, au verse­ment de 45.000 livres turques (13.700 euros) de dom­mages-intérêts à RTE pour atteinte à ses droits individuels.

Nico­las Cheviron

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