Explo­sion de bombes à billes au départ d’un rassem­ble­ment pour la paix à Ankara. “86 morts, 186 blessés dont 28 dont le pronos­tic vital est engagé”. Voilà la froideur des chiffres “offi­ciels”.

 L’Union des Médecins turcs a fait à 17h21, une déc­la­ra­tion publique annonçant 97 morts et près de 400 blessés.
(Ajout du 12 octo­bre : 102 per­son­nes décédées à ce jour)

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Leurs ban­deroles pour la Paix leur ont servi de linceul…

Cet atten­tat est iden­tique à celui qui s’était pro­duit à Diyarbakir le 5 juin, au beau milieu d’un rassem­ble­ment du HDP, deux jours avant la tenue des élec­tions lég­isla­tives. Il fait suite à une mon­tée de la ter­reur organ­isée sys­té­ma­tique­ment par les forces de répres­sion turques dans plusieurs villes de l’Est et les régions alen­tours. Il fait écho à celui de Suruç, le 20 juil­let qui per­mit à l’AKP et au gou­verne­ment Erdo­gan de rompre le pacte civ­il de paix en cours avec le PKK, sous le pré­texte de “ter­ror­isme”.

Cette explo­sion mortelle, dirigée con­tre un rassem­ble­ment “pour la paix” appelé par des asso­ci­a­tions de société civile, des syn­di­cats et par­tis, n’a pas encore été “revendiquée” comme on dit. Pour Suruç, Daesh avait servi d’al­i­bi… Quel sera le “coupable idéal” qui sera “iden­ti­fié” pour cette fois là ?

Déjà la rumeur organ­isée à coup de petites déc­la­ra­tions de “respon­s­ables” de l’AKP, le par­ti du prési­dent, font courir le bruit d’un atten­tat volon­taire­ment provo­qué par des Kur­des pour s’at­tir­er les bonnes grâces élec­torales en se don­nant un statut de victime.

Le jour­nal Sabah titrait  après la dou­ble explo­sion d’Ankara : “Comme à Diyarbakir, Demir­tas est en train de tir­er prof­it des morts”. “L’attentat de Diyarbakir avait don­né deux points de plus au HDP ». D’autres titres de médias pro AKP ont enton­né le refrain.

Cette igno­ble chan­son est en toile de fond de toutes les déc­la­ra­tions offi­cielles dans les médias où les min­istres affir­ment le besoin d’u­nité du pays con­tre le ter­ror­isme, docte­ment, sans laiss­er paraître de com­pas­sion particulière.

Une attaque haineuse con­tre l’u­nité de notre pays », voilà le refrain d’Er­do­gan, qui fait dire par ailleurs que “tout sera fait pour retrou­ver les auteurs”. Puis revient ses thèmes favoris de “l’u­nité nationale con­tre la ter­reur”, “l’in­sta­bil­ité provo­quée par ceux qui ambi­tion­nent le pou­voir”, “la néces­sité d’u­nir le pays der­rière un gou­verne­ment d’u­nion empêchée par les autres par­tis poli­tiques”.… Bref, la ren­gaine des 400 députés AKP au par­lement (une majorité ). La cam­pagne élec­torale bat son plein sur le dos des morts, côté AKP.

La stratégie de choc peut remet­tre en cause le proces­sus élec­toral de novem­bre. Mal­gré la répres­sion, la guerre con­tre les civils, l’ar­resta­tion de respon­s­ables HDP accusés de ter­ror­isme, le muselle­ment de la presse d’op­po­si­tion, les men­aces mis­es à exé­cu­tion con­tre des jour­nal­istes des médias démoc­ra­tiques, les “sondages” annon­cent une baisse du par­ti gou­verne­men­tal et un main­tien, voire une pro­gres­sion du HDP, en dépit de tous les empêche­ments à faire cam­pagne dont il fait l’objet.

Erdo­gan était en meet­ing à Stras­bourg il y a quelques jours. Nous pou­vions, à l’é­coute de ses paroles, com­pren­dre qu’il pou­vait arriv­er n’im­porte quoi d’i­ci novem­bre. C’est fait.

Des morts con­tre des voix. Le sang dans les urnes.

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Vous trou­verez ici sur le site, tout ce qu’il est inutile de répéter dans cette brève. Tous les paliers fran­chis dans la répres­sion, les crimes de guerre, tous les “dis­cours” sans détours, sur “un Pays, un peu­ple, une reli­gion, une patrie, un état” proférés à tous les vents, dans une alliance entre big­ots et ultra nation­al­istes, toutes les “per­mis­sions” don­nées par les capit­u­la­tions géopoli­tiques européennes, les feux verts de l’Otan… Autant de sig­naux qui n’avaient nul besoin d’être décryp­tés et qui con­duisent à cette étape crim­inelle supplémentaire.

Les “médias” ici d’un coup font mine de décou­vrir une “ten­sion” en Turquie. Avec un “nous ne comp­tons pour l’in­stant aucun français par­mi les vic­times”. Et main­tenant le défilé de “spé­cial­istes” et des cor­re­spon­dants sur place à Ankara, dont on se demandait ces derniers temps s’ils avaient per­du la langue.

Le dis­cours est sim­ple, pronon­cé d’une voix grave.“Depuis juil­let, le PKK, organ­i­sa­tion ter­ror­iste, a rompu la trêve, face à une armée turque qui ne demandait que cela”.… et “cela aux portes de Daesh”. “La Turquie est grave­ment désta­bil­isée et devra retrou­ver son unité, face à cette guerre qui lui est menée de l’in­térieur ». Vous pou­vez ensuite, sur ces bases, com­menter en “spé­cial­iste” vous aussi.

Pensez bien, le Prési­dent français a trans­mis ses con­doléances et ajouté, “Le peu­ple turc et toutes les forces poli­tiques doivent rester unis face aux ter­ror­istes et con­tre tous ceux qui ten­tent de désta­bilis­er le pays, qui fait face à de nom­breuses men­aces”. Lui aus­si reste Char­lie, mais désigne un ter­ror­isme mul­ti fonc­tions sans un seul pas de côté sur le sou­tien qu’il apporte depuis le début à Erdogan.

Les politi­ciens ne devraient pas tarder non plus… Les uns pour  “l’u­nité nationale en dan­ger partout du fait du ter­ror­isme”, les autres par habi­tude de com­menter l’ac­tu­al­ité immé­di­ate, dans leur quo­ta de temps de parole. Que n’en ont-il pas prof­ité lors du pas­sage du bouch­er d’Ankara en France.

Com­mu­niqué de RTÜK (Haut con­seil de la radio et de la télévi­sion : organ­isme de con­trôle des médias) : La prési­dence du con­seil a ordon­né une inter­dic­tion pas­sagère de pub­li­er des infor­ma­tions sur l’at­ten­tat de ce matin à Ankara.

Et cette déc­la­ra­tion sans ambiguïté :

Tous les indices mon­trent qu’il y a une impli­ca­tion de l’É­tat même. C’est une impres­sion que l’on a main­tenant dans la mesure où il serait impos­si­ble de per­pétr­er un tel atten­tat à un kilo­mètre du min­istère de l’in­térieur en Turquie, à trois kilo­mètres de la prési­dence de la République, à deux kilo­mètres du chef d’É­tat major… Il serait impos­si­ble de faire ceci sans qu’il y ait l’im­pli­ca­tion directe ou indi­recte de ce qu’on appelle ‘l’É­tat pro­fond’ qui oeu­vre juste­ment con­tre la paix“
Samim Akgonul, chercheur au CNRS, his­to­rien et politologue.

A chaud égale­ment , un arti­cle de Car­ol Mann, invitée per­ma­nente de Kedis­tan.

Un appel à rassem­ble­ment et man­i­fes­ta­tion est lancé par “l’A­cadémie Art et Cul­ture du Kur­dis­tan” à Paris, pour demain dimanche 11 octo­bre 2015 à Paris. Ren­dez-vous Place de la République.


Mer­ci au repor­teur pho­tographe Fatih Pınar, d’avoir gardé le sang froid pour con­tin­uer son pré­cieux tra­vail d’information.
(Atten­tion, images sensibles)

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