Un groupe de 300 de jeunes réu­nis à Suruç à l’appel de la Fédéra­tion Sosyal­ist Genç­lik Derneği (Asso­ci­a­tion, Jeunesse Social­iste) pour aller à Kobanê, afin de con­tribuer à sa recon­struc­tion, a été vic­time d’un atten­tat à la bombe.

Une bombe (prob­a­ble­ment “humaine”) a explosé le 20 juil­let, aux envi­rons de 12h, lors de la con­férence de presse. De nom­breuses caméras qui tour­naient à ce moment-là ont filmé l’explosion qui a fait 33* morts et une cen­taine de blessés.



*Ajout du 14 août 2015 :
Un autre sourire, celui de Mert Cömert a dis­paru aujour­d’hui. Mert, grave­ment blessé, était hos­pi­tal­isé depuis 20 juil­let. Il n’a pas pu être sauvé. Nous changeons donc le titre de notre arti­cle à sa mémoire… Non pas 32 morts mais 33…


.

.

(Atten­tion, cette vidéo peut heurter les per­son­nes sensibles)

Le Pre­mier Min­istre Davu­to­glu a déclaré : “L’en­quête s’ori­ente vers un atten­tat de l’E­tat Islamique” et le Sous-préfet de Suruç: “L’at­ten­tat pour­rait avoir été com­mis par l’E­tat Islamique”. Quant au Prési­dent Erdo­gan, il n’a pas trou­vé utile d’in­ter­rompre son voy­age à Chypre.

Plusieurs man­i­fes­ta­tions de protes­ta­tion à l’at­ten­tat de Suruç se sont déroulées à Istik­lal et dans plusieurs autres quartiers d’Is­tan­bul, ain­si que dans de nom­breuses villes du pays, par­fois dis­per­sées avec vio­lence par la police.

  suruc-istanbul-manif

Les vic­times sont majori­taire­ment des jeunes. L’attentat a provo­qué une large vague de colère. Les sou­tiens de Kobanê réagis­sent dans les médias et les réseaux soci­aux, comme les par­tic­i­pants rescapés de l’attentat.

Loren Elva, mil­i­tante LGBT, est hos­pi­tal­isée, souf­frant de brûlures et de sur­dité. Encore sous le choc de la vio­lence de l’explosion Loren affirme :

Nous allions à Kobanê refleurir les espoirs détru­its, con­stru­ire une bib­lio­thèque, un parc pour les enfants.

Mais ella a les idées claires, elle exprime sa colère et sa détermination :

Je ne suis pas bien, je ne serai pas bien, ne soyez pas bien !

Ces paroles qui appel­lent les gens à la prise de con­science et à réa­gir, sont devenus spon­tané­ment des hastags : #iyideğil­im, #iyi­ol­may­acagım, #iyi­ol­mayin  

Merve Kanak écrit de Suruç :

twitt-surucLa nuit est tombée sur Suruç. Ils ont tué les gens avec lesquels on a chan­té dans le bus. Ils ont tué les gens avec lesquels on a dan­sé. Les gens avec lesquels on a papoté, les con­frères que nous étions sur­pris de voir là bas, il les ont tués. Il ont tué les gens avec lesquels on a pris le petit déj à Ama­ra, rigolé, mangé une pastèque. Ils ont tué les gens avec lesquels on a dis­cuté théorie, poli­tique. Les gens qui avaient des idéolo­gies dif­férentes mais qui étaient réu­nis par la réal­ité de la Révo­lu­tion, ils les ont tués.

Nous étions tous des gens bien. Nous allions réalis­er un rêve. Nous avions 3 sacs rem­plis de jou­ets pour les enfants, vous me comprenez ?

Nous avons marché atten­tive­ment pour ne pas marcher sur les cadavres de nos cama­rades, vous me comprenez ?

J’ai com­pris pourquoi les “agit”  (chants fune­bres) kur­des sont si tristes, vous me comprenez ?

C’est un soir dif­fi­cile pour ceux qui sont restés en vie par hasard. Juste une ques­tion alors, c’est mieux de mourir, ou vivre ?

"Le 19/24 juillet nous serons à Kobanê", avait publié une des victimes sur les réseaux sociaux.

Le 19/24 juil­let nous serons à Kobanê”

Avant de par­tir pour Suruç, Aydan Ezgi Sal­cı avait posté ce mes­sage sur son réseau [traduit par Eti­enne Copeaux]:

aydan-ezgi-sanci-surucAujour­d’hui, des cen­taines de jeunes venus de Turquie et du Kur­dis­tan du nord ont pris la route pour par­ticiper à la recon­struc­tion de Kobanê. En cet anniver­saire de la révo­lu­tion de Roja­va [le Kur­dis­tan syrien] défendue corps et âmes par nos cama­rades, il s’ag­it d’un pas impor­tant dans la con­struc­tion et le ren­force­ment d’une cul­ture. Nous avons com­bat­tu ensem­ble, ensem­ble nous reconstruirons.

.

Vous sou­venez vous de cette image qui avait fait le tour d’In­ter­net en décem­bre 2014 ?

Témoignant de la vio­lence poli­cière, cette pho­to prise lors de l’ar­resta­tion d’un mil­i­tant, pen­dant une manif pour Kobanê, était dev­enue une icône représen­ta­tive la répres­sion poli­cière. Le flic pas con­tent que l’homme con­tin­ue à scan­der le slo­gan “Stop aux tor­tures !” lui écarte ‑et déchire- la bouche avec une haine qua­si pal­pa­ble sur la photo.…

Vous avez dit torture ?

adana-cebrail-gunebakan

cebrail_gunebakan-2

Cet homme s’ap­pelle Cebrail Günebakan. La vio­lence poli­cière n’avait pas réus­si à arrêter ce jeune mil­i­tant. La vio­lence fana­tique l’a fait. Il est une des per­son­nes décédées par la bombe explosée aujour­d’hui à Suruç.

.

.

.

Dans cet atten­tat on ne peut lire qu’un aver­tisse­ment et vengeance de Daech envers les sou­tiens de Kobanê. Des rumeurs sur le fait que les mem­bres cir­culeraient rel­a­tive­ment facile­ment en Turquie, que les blessés seraient trans­portés et soignés dans les hopi­taux turcs, tra­versent le pays. Et les aides d’arse­nal révelés appuient ces rumeurs.

Plus le sou­tien et la résis­tance s’élar­git plus le risque de riposte de la part de Daech est pal­pa­ble. Plus Daech affron­tera les sou­tiens de Kobanê en Turquie avec une vio­lence crois­sant, plus ces derniers se rad­i­calis­eront et élargiront leur rangs… Effet boule de neige, sur une boule de feu…

32 vies de plus, enlevées par l’u­til­i­sa­tion sys­té­ma­tique de la vio­lence ‑d’é­tat et des fana­tiques- pour faire taire ceux qui revendiquent une véri­ta­ble démoc­ra­tie, une véri­ta­ble égal­ité, une véri­ta­ble paix. La sol­i­dar­ité inter­na­tionale est de mise aus­si con­tre toutes les formes d’op­pres­sion et tous les intégrismes !

Quoi qu’il arrive les 33 jeunes morts à Suruç ne seront pas oubliés…

Koray Çapoğlu, Cebrail Günebakan, Hat­ice Ezgi Sadet, Uğur Özkan, Nar­tan Kılıç, Vey­sel Özdemir, Nazegül Poyraz, Kasım Deprem, Alper Sapan, Cemil Yıldız, Okan Pir­inç, Fer­dane Kılıç, Yunus Emre Şen, Çağ­daş Aydın, Ali­can Vur­al, Mehmet Ali Vur­al, Osman Çiçek, Müc­ahit Erol, Mehmet Ali Barutçu, Aydan Ezgi Şal­cı, Ali Rıza Aslan, Nazlı Akyürek, Ser­hat Devrim, Ece Dinç, Emrul­lah Akalın, Murat Yurt­gül, Erdal Bozkurt, İsm­et Şeker…
et Mert Cömert suc­com­bé à ses blessures le 14 août.

Vous pou­vez trou­ver les por­traits de ces jeunes dans l’ar­ti­cle d’E­ti­enne Copaux : Les jeunes vic­times de Suruç ont un nom et un vis­age. suruc-portraits

suruc-sehit-1

suruc-sehit-3-e1437446469904

suruc-sehit-4

suruc-sehit-2

Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.