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Nos chemins se sont croisés avec Shahri­yar Jamshi­di, dans une péri­ode où son dernier album, My Sun­set-Land Roja­va, était encore en cours. Je voudrais aujour­d’hui vous le présenter.

Une belle ren­con­tre pleine d’hu­man­ité, d’af­fec­tion et d’art… Et en par­lant d’art, il n’y a pas que la musique, car l’o­rig­ine de notre pre­mier con­tact était le pinceau de Zehra Doğan. C’est avec une œuvre de Zehra que Shahri­yar souhaitait illus­tr­er son album My Sun­set-Land Roja­va. Celui-ci, intime­ment inspiré par les idéaux qui ani­ment les pop­u­la­tions du Roja­va, met en lumière par­ti­c­ulière­ment les femmes kur­des qui ont con­sacré leur vie à la lib­erté pour Sin­jar et Kobanê au cours des dernières années. En quelque sorte, encore une fois, notre chère Zehra nous a fait gag­n­er un nou­v­el ami.

Shahri­yar Jamshi­di est un artiste kurde d’o­rig­ine irani­enne, et il réside actuelle­ment au Cana­da. Il est musi­cien, com­pos­i­teur, chanteur. Diplômé de l’u­ni­ver­sité des arts de Téhéran et ancien artiste en rési­dence au Banff Cen­tre, Shahri­yar a con­sacré sa car­rière artis­tique à la préser­va­tion et à la trans­mis­sion du pat­ri­moine musi­cal kurde.

Son instru­ment est le kamânche, un ancien petit vio­lon à pointes rus­tique, à qua­tre cordes frot­tées, d’o­rig­ine irani­enne. On ren­con­tre le kamânche par­fois sous des appel­la­tions dif­férents, dans dif­férentes régions, car il est large­ment répan­du au Moyen-Ori­ent, allant même jusqu’au aux Balka­ns, à l’Asie cen­trale ou au Maroc…

Shahri­yar con­tribue à plusieurs pro­jets. Il est fon­da­teur de Dilan Ensem­ble, une for­ma­tion de musique kurde du Kur­dis­tan iranien (Rojhi­lat), créé en 2003, en mémoire des frères musi­ciens kur­des Qadir Dilan et Muhamad Sal­ih Dilan du Kur­dis­tan du Sud (Başûr).

Il fait par­tie égale­ment du Kaman­cel­lo, un duo avec Shahri­yar au kamânche et Raphael Wein­roth-Browne au vio­lon­celle. Lais­sez-vous ten­ter par le voy­age, le mariage des deux tal­ents est incroy­able­ment beau…
Voici le lien vers les videos.

En plus de la discogra­phie des for­ma­tions aux­quelles il con­tribue, trois albums solo ont précédé My Sun­set-Land Roja­va ; The Lul­la­by of A Nomad (2018), A Yel­low Flower (2014), Call of the Moun­tains (2008)

Shahriyar Jamshidi

 

Shahri­yar me dis­ait lors de nos pre­miers échanges, “J’ai trou­vé de nom­breux fac­teurs intéres­sants à l’in­térieur des œuvres d’art de Zehra, qui met­tent l’ac­cent sur les sym­bol­es cul­turels, le rôle de la femme, les couleurs et la dynamique. Ces élé­ments sont liés de manière sig­ni­fica­tive au thème de mon album”. 

En effet, la con­cor­dance est telle­ment forte que j’ai presque envie de par­ler de “retrou­vailles”. Shahri­yar con­tin­ue : “Les femmes, l’in­stru­ment de musique Kamânche et le Roja­va : ces trois aspects for­ment ensem­ble un tri­an­gle pour main­tenir le thème du Rojava”.

Voilà, c’est ain­si nous fîmes con­nais­sance. La corde sen­si­ble tin­ta, et la musique de Shahri­yar fît le reste. Une émou­vante immer­sion, à en faire oubli­er le monde autour… Vous pou­vez vous aus­si vous immerg­er.

Cette nou­velle créa­tion titrée My Sun­set-Land Roja­va est un album auto-pub­lié. “Mon pro­jet est de con­sacr­er une grande par­tie des revenus de la vente des CD physiques aux femmes kur­des yézi­dies qui ont souf­fert du géno­cide en Irak”, me pré­cise le musicien.

Par­ti­c­ulière­ment, le titre “Tears of Şin­gal (Sin­jar)” rap­pelle une des plus som­bres tragédie du 21ème siè­cle, le géno­cide des Yézidis en Irak, où plus de 5000 civils ont été mas­sacréEs lais­sant des cen­taines de com­bat­tants libéra­teurs  ensuite tombés au sol. Rap­pelons que milles femmes ont été pris­es et reven­dues comme esclaves par Daech.

Encore un lien con­cret avec Zehra qui fut la pre­mière jour­nal­iste à se ren­dre à Sin­jar pour ren­con­tr­er ces femmes. Pen­dant ce temps là le monde détour­nait le regard du sort des femmes yézi­dies. La série de reportages de Zehra, n’ayant pas “intéressé les médias qui avaient d’autres pri­or­ités d’ac­tu­al­ité”, pub­liée seule par Jin­ha, son agence d’in­for­ma­tion fémin­iste et fémi­nine, a valu à Zehra, le prix de jour­nal­isme Metin Gök­te­pe, en 2015. Vous pou­vez lire, ce reportage, qui s’in­ti­t­ule Le cri des femmes yézi­dies, et qui con­tient les témoignages des femmes, à l’é­tat brut. Munis­sez-vous de votre courage…

Citons Shahriyar Jamshidi

En un coup d’œil, le ciel bleu bril­lant de mon enfance était sous l’om­bre ténébreuse de la société poli­tisée alors que je m’en­raci­nais pro­gres­sive­ment dans la tra­di­tion kurde, la cul­ture mar­gin­al­isée de l’un des divers pays d’Asie occi­den­tale, l’I­ran. Mais la musique était l’al­ter­na­tive pour éloign­er le sen­ti­ment d’être mis à l’é­cart dans ce lieu peu recon­nais­sant, pour éviter d’être sous le mag­nétisme de la poli­tique, une par­tie de la rou­tine dans cette sit­u­a­tion com­plexe. Même la vie m’a forte­ment poussé à franchir le pas des dis­tinc­tions entre réal­ité et équiv­oque, influ­ençant entière­ment ma future vision artis­tique pour observ­er les faits con­crets mais réfléchir à tra­vers mon art.

Au cours des dernières décen­nies, les vagues révo­lu­tion­naires de la moder­nité et de la démoc­ra­tie ont rapi­de­ment propagé la croy­ance en l’é­gal­ité dans la région grâce aux efforts de femmes mobil­isées qui ont con­sacré leur vie au changement.

My Sun­set-Land, ROJAVA” racon­te l’his­toire d’une nomade (une Kamanche) du Kur­dis­tan qui a mal au cœur, où des airs nais­sent en elle à chaque bref arrêt qu’elle fait pour une sieste, en pas­sant aux con­fins indésir­ables de la terre déchirée des Kur­des. Chaque matin, avant le lever du soleil, Kamanche aban­donne l’en­droit en lais­sant un Stran (une chan­son) nouveau-né…

Dans cet album, il y a un morceau qui attire aus­si par­ti­c­ulière­ment l’at­ten­tion. Il s’in­ti­t­ule “Viyan”, et est dédié à Viyan Pey­man, deng­bêj (barde kurde) et com­bat­tante des YPJ, tombée en en 2015, dans la ville syro-turque de Serê Kaniyê, où elle s’é­tait ren­due à la mi-févri­er pour com­bat­tre Daech. Vous pou­vez écouter Viyan, dans une vidéo sous-titrée en français, dans l’ar­ti­cle d’Estelle Amy de la Bretèque, Pourquoi se lamenter ? dans lequel elle explique aus­si la tra­di­tion des deng­bêj.

L’his­toire de cette chan­son met en lumière la vie d’une femme kurde, pro­fesseure et chanteuse” explique Shahri­yar, “Viyan, (Gülis­tan Tali Cin­gan­lo), qui a quit­té l’é­cole et sa vie rou­tinière et a rejoint la résis­tance du Roja­va. Elle y a per­du la vie”. 

Une vidéo spé­ciale a été conçue pour ce morceau très spécial.


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shahriyar JamshidiMy Sun­set-Land, ROJAVA

1. Viyan — 2. Midnightish — 3. Pomegranate Seeds — 4. Rojhelat — 5. Amordād — 6. Şoke (Barro, Brant’s Oak Syrup) — 7. Pendar (Figment) — 8. Dersim — 9. Tears of Şingal .
Musique & Kamanche : Shahriyar Jamshidi — Enregistrement et mixage : L. Stuart Young — Mastering : Fedge — Enregistré à : Revolution Recording — Couverture : Zehra Doğan — Photographe : Jef Rabillon — Vidéo : Hîra Çavken & Mitchell Fillion — Mise en page : Roxana Khoshravesh

Vous pou­vez dès présent pré­com­man­der le CD de l’al­bum My Sun­set-Land Roja­va, ou sa ver­sion numérique, suiv­ez ce lien. L’al­bum numérique paraitra le 19 juin. Et les CD, pour le moment en exem­plaires lim­ités, seront expédiés dès le 18 juin. Vous avez aus­si la pos­si­bil­ité de faire des cadeaux à vos proches et amiEs.


Cou­ver­ture de l’al­bum — Zehra Doğan. Trip­tique n°1. 66 x 111 cm encadré. Acrylique sur toile. 2017, Jours Clan­des­tins, Istanbul.

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.