Voilà près de 50 jours que l’exposition des œuvres de Zehra Doğan en Bretagne est terminée. 50 jours et aucun bilan de festival encore publié sur Kedistan… Qu’est-ce à dire ?
Rappelons que cette exposition, qui s’est parfaitement déroulée du 21 septembre au 21 octobre 2018, était accompagnée de visites guidées nombreuses, de tables rondes, de concerts de soutien, de projections, d’un atelier d’écriture, de lectures et d’une diffusion de livres.
Et, comme à ce jour aucun bilan n’a pu être tiré collectivement avec notre partenaire local, aujourd’hui plus intéressé à créer des embrouilles financières, que par Zehra, (nous y reviendrons). Kedistan s’y colle donc seul.
Nous aurions espéré, sur un mois entier, une plus grande participation publique. En dehors des visites guidées et des visites de scolaires, qui furent une belle réussite, un engagement d’un public local plus conséquent et un réseau constitué ont quelque peu manqué. L’exposition fut donc globalement un demi-succès en fréquentation sur la durée, pour la solidarité, pour faire mieux connaître l’œuvre de Zehra, et le contexte du Moyen-Orient qui la sous-tend.
Les projections de films sont restées malheureusement plutôt confidentielles. Merci à Anouk Mangeat et Noémie Aubry (Une autre montagne) pour leur présence, et à Mylène Sauloy d’avoir fourni ses films…
Avec les concerts de soutien, le millier de personnes fut pourtant sans doute atteint.
Les différentes tables rondes réunirent, elles, au total, autour d’une centaine de personnes, ce qui peut paraître avoir été une gabegie d’énergie, si on passe sous silence celles et ceux, invitéEs, qui les animèrent, et les échanges qu’elles suscitèrent.
Car le succès de ce mois passé autour de Zehra Doğan se cache dans les détails et a peu à voir avec le lieu et l’endroit, mais plutôt avec les rencontres.
Les parrains et marraines de cette exposition, les intervenantEs, invitéEs, ont été les garantEs de la solidarité, de par les liens tissés et renforcés pour la suite, et les graines que chacun et chacune ont ensuite fait naître ailleurs, au retour. Et cela compense très largement le fiasco enregistré avec le principal partenaire local, tempéré cependant par l’engagement d’enseignantEs et de quelques personnes que nous remercions encore de leur fraternité sincère et de leur aide désintéressée. Nous leur transmettons à l’occasion, et à leurs élèves, les salutations de Zehra que leur travail a émue.
Nous disons toujours que Zehra a le pouvoir, du fond de sa geôle, de susciter des mises en mouvement. Cela s’est vérifié à nouveau.
Et personne ne regrettera donc l’investissement de six mois pleins qu’a nécessité la préparation et la réalisation de cette initiative de solidarité, côté Kedistan.
Un très grand merci encore donc, volontairement dans le désordre, à Etienne Copeaux, Pierre Bance, Eléonore Fourniau, Aslı Erdoğan, Titi Robin, Coline Linder, Erik Marchand, Hamit Bozarslan, Mathieu Ducoudray, Laëtitia Degouys, Loez, Gülay Hacer Toruk, Sylvain Barou, Neşet Kutaş, Groupe Yıldız, Rosida Koyuncu, Vincent Guillot, Faysal Sarıyıldız, Bernard Froutin, Floreal Romero, Nolwenn Korbell, aux Utopistes en action et aux participantEs de la table “migrants”, à l’équipe du Dibar, à Sadık Çelik, à Niştiman Erdede, Gianluca Costantini, Elettra Stamboulis, à des membres de l’équipe du pôle culturel qui se reconnaîtront et à son technicien toujours disponible, à toute l’équipe des traductions, au PEN français, à BED et l’amie Nina, à Jerôme Bastion, Güler Yıldız, aux Rallumeurs d’Etoiles, au Jardin partagé de Brest, aux amiEs kurdes de Bretagne et du CDKR, aux représentantes de JinNews, Jin TV, revue Jineoloji Dergisi, aux institutions locales et divers lieux qui ont joué le jeu, à Chris T, Elie Guillou, aux artistes locaux solidaires… et à tous les anonymes volontaires de la solidarité, les artistes, bien présentEs et indispensables, proches de Zehra, dont des kedi et leurs amiEs, sans oublier Zehra Doğan elle-même, présente en continu par ses œuvres, ses textes, qui archivent l’histoire récente du peuple kurde.
Des invitéEs n’ont pu venir de Turquie. Refus de visa par la France, ou gardes à vue, dans le cadre des purges incessantes, les ont empêchéEs d’être parmi nous. Beaucoup des auteurs, entre autres, invités à présenter leurs ouvrages, ont dû renoncer. Le salon du livre prévu en fut totalement désorganisé.
Toute la préparation de cette initiative a néanmoins amené Kedistan à tisser des liens plus larges avec des auteurEs, des activistes, des artistes, des associations, le mouvement kurde, liens qui aujourd’hui débouchent sur des projets futurs et en cours, très conséquents pour Zehra, ou, par exemple, ont permis une synergie désormais avec Le P.E.N international et sa section française.
Faites une rapide recherche sur le web, ou consultez la revue de presse sur le site de Zehra Doğan, et vous aurez une idée de ce que toutes ces rencontres entre personnes réellement engagées dans la solidarité avec Zehra ont porté comme fruits depuis deux mois, en dehors des frontières.
Voilà donc le bilan très positif de ce mois d’exposition, qui ne fut pas de tout repos et, notamment, a bien occupé les kedi en les éloignant du clavier.
Il est une face plus sombre de ce bilan, que nous sommes bien contraints d’aborder.
Fort heureusement, cette face obscure n’a pas d’incidences sur la poursuite de la campagne de solidarité avec Zehra Doğan, autre que des soucis dont on se passerait volontiers.
Mais, nous savons toutes et tous que c’est déjà trop, car lorsque des embrouilles financières se mêlent de solidarité, l’élan de celles et ceux qui s’engagent peut en être coupé, si la transparence n’est pas au rendez-vous.
Ainsi, Kedistan s’est-il, dès la moitié de cette initiative, engagé dans une exigence de transparence financière auprès du partenaire local, (demande toujours restée sans réponse à ce jour, autre que par diverses arguties).
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la gestion financière chaotique du partenaire local, de toutes les ressources que générait le “Festival”, s’est avérée vite calamiteuse et défiant toutes les règles de comptabilité les plus élémentaires au final.
Disons que, dans un festival bouillonnant, l’évaporation naturelle semblait aussi visiblement de mise, pour faire le kedi gentil, et que cela nous a alerté.
Et, à ce jour, où nous publions cet article, l’organisateur local, Monsieur L. B., après avoir encaissé l’ensemble des subventions et recettes des initiatives, y compris la collecte en ligne et les dons, refuse toujours de rembourser les frais d’acheminement et de retour de l’exposition par exemple, ainsi que des remboursements de déplacements d’invitéEs. Les achats de pinard pour le bar, par contre ont été réglés avec célérité… A chacun ses priorités, ce ne sont pas les nôtres.
Malgré une mise en demeure de présenter dans un délai raisonnable les justificatifs comptables indiquant l’utilisation des près de 10 000 € cumulés de recettes multiples encaissées, collectes de solidarité et subventions accordées (impossible de donner un chiffre précis, tout étant dissimulé ou non comptabilisé), Monsieur L.B. n’a jamais réagi en autorisant l’ouverture d’une conciliation possible.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas ce “Festival d’un autre monde” qui ira abonder dans l’immédiat les projets de “Maison d’Art pour enfants” de Zehra, puisque nous en sommes réduits à instruire des plaintes pour abus et “soupçons de détournements” à l’encontre de ce partenaire local peu “délicat” qui a capté de fait toutes les recettes et refuse toujours d’en éclaircir l’utilisation faite, en présentant la comptabilité en bonne et due forme, que nous réclamons depuis octobre.
Nous espérons encore, sans doute vainement, que cet article ramènera Monsieur B. à une tempérance provisoire, à l’apaisement et à la raison, et que nous ne serons pas contraints de perdre notre temps dans les couloirs d’un tribunal, sous ses menaces non dissimulées que nous avons déjà eu l’occasion de subir.
Mais quittons ce côté obscur de la force, et revenons vers la lumière des “jours heureux” à venir.
Nous aurons, d’ici peu de temps, d’excellentes nouvelles à annoncer pour Zehra, même si une certaine inquiétude existe toujours pour sa possible libération en 2019.
Plus que jamais donc, votre solidarité est nécessaire. Ecrivez-lui, organisez vous-mêmes du “bruit” autour d’elle. Toutes les petites solidarités seront toujours bienvenues.
Une exposition de reproductions se déroule jusqu’en janvier à San Sebastian, une autre est programmée près de Tours, et vous aurez à nouveau l’occasion de voir les œuvres originales de Zehra en mars à Rennes, par l’entremise des Amitiés Kurdes de Bretagne et de nos amiEs kurdes.
En Italie, Elettra Stamboulis, présente en octobre en Bretagne, n’a depuis de cesse de populariser l’œuvre et la résistance de Zehra, et ce n’est là qu’un aspect du développement du soutien transnational, qui fut tant boosté aussi par le Street Artist Banksy.
Une troupe théâtrale, “Arbre Compagnie” a intégré dans le décor de leur pièce des visuels de Zehra, en hommage pour sa résistance, et parce que le thème de cette pièce traite de “la guerre des filles”, pour faire court. Des kedi ont d’ailleurs vu la première de cette pièce magnifique, qui va désormais tourner, et un article lui sera consacré prochainement.
Depuis la soirée de solidarité avec les écrivainEs emprisonnéEs organisée conjointement à Paris par l’Espace Femmes Antoinette Fouque et le PEN club français, au cours de laquelle, parmi d’autres, des textes de Zehra furent lus par Daniel Mesguich, des projets communs sont en route pour 2019.
Vous le constatez, le bilan de cette exposition constitue une petite marche supplémentaire dans la solidarité, et la ternir ne serait certainement pas de mise.
Daniel Fleury