Un projet de loi de “Développement de l’industrie et de soutien à la production”, pour une Turquie en marche, qui était arrivé dans l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire, vient d’être entériné.
On peut s’interroger sur l’utilité désormais du Parlement, depuis le vote du référendum constitutionnel.
Eh bien, il sert quand même à faire entériner des lois qui, sur le plan économique, vont dans le sens d’un développement “néo-libéral” de la Turquie. Une économie où un libéralisme sauvage s’abrite derrière un pouvoir fort, et promeut le profit pour quelques uns, tout en détruisant les “normes” et les régulations contraignantes, sociales, environnementales ou publiques…
Non, la Turquie n’a rien d’un pays sous développé doté d’une dérive démocratique du pouvoir.
C’est un lieu d’investissements européens et arabes, en partie russe aujourd’hui également, où les investisseurs veillent à leurs dividendes en réclamant comme partout ailleurs toujours plus “d’allègements des normes”. La façade démocratique du Parlement abrite le lieu où se dénouent ces affaires…
Ce projet de loi se proposant de réveiller la croissance, a éveillé beaucoup de réactions dénonçant le pillage des oliveraies. C’est un exemple qui a fait couler un peu d’encre, dans ce qui reste de la presse. Actuellement en Turquie il y a 826 mille hectares d’oliveraies avec 167 millions d’oliviers. Des termes et mesures du projet en menaçait 578 hectares, soit 117 millions d’arbres, en enlevant toutes protections et autorisant des “chantiers” de développement. Quand on sait que la Turquie fournit 10% de la production d’olives et 6% de l’huile d’olive au marché mondial, on mesure la réaction à l’annonce d’arrachages et du fait que les terrains devenaient objet d’ouverture à constructions industrielles, sur fond de “concentration” des productions encore aujourd’hui dispersées.
Cet article concernant les oliveraies a été retiré, parce qu’il attaquait de plein fouet d’autres intérêts et également risquait de ruiner trop de petits producteurs. Sans compter l’aspect très symbolique autour d’un bien commun à l’ensemble des populations. Mais, dans le pack de loi, au milieu de divers points de la réorganisation des taux de la taxe sur l’audiovisuel, d’autres sur les donations de terrains appartenant à la trésorerie d’état, au secteur privé, sont restés… et menacent encore.
La polémique a servi pourtant de paravent.
Car, à cette occasion, derrière les polémiques, un droit social, une conquête de 93 ans, a été supprimée en silence…
La loi sur le ‘Repos hebdomadaire’ a été liquidée discrètement. Désormais, aucune entrave légale ne s’oppose à ce que les salariés travaillent 7/7j.
Oui, vous avez bien lu, il n’y a plus de cadre national pour régir le “repos hebdomadaire”. Si cela vous rappelle des débats plus européens sur la durée “légale” du temps de travail, qui se déroulent en Europe, ne soyez pas étonnés, les demandes de la finance sont les mêmes un peu partout, et adaptent leurs cibles en fonction des pouvoirs politiques et des rapports de forces qu’ils instaurent. Le libre arbitre des employeurs pour accorder un repos sera sans doute “tempéré” par la négociation avec son employé…
Le prétexte officiel, l’élément de langage, fut le fait que les entreprises privées, particulièrement dans l’industrie, étaient obligées de demander une autorisation spéciale pour faire travailler leurs salariés pendant le week-end, et que cette demande aurait été un “poids supplémentaire” pour les entreprises, un frein à leur développement.
Par cette nouvelle loi, le travail du week-end-end sera donc facilité. Sauf que la même ancienne loi, rendait également obligatoire 1 journée de repos par semaine, et empêchait les entreprises de faire travailler leurs salariés plus de 6 jours hebdomadaires. On efface tout, et au passage, on ne ré-écrit rien.
Difficile d’imaginer que ce vote en restera là, sauf si une campagne sur la nécessité de “chercher la croissance pour le pays et de consentir des sacrifices” est menée, (croissance complètement plombée par une politique de quasi guerre contre les civils depuis deux ans, et un secteur touristique en chute libre). Le pouvoir politique AKP va sans doute “communiquer”, Reis en tête.
Par ailleurs avec la loi de “Développement de l’industrie et de soutien à la production”, l’obligation d’avoir un spécialiste de sécurité de travail et un médecin rattaché, dans des entreprises de moins de 50 personnes, et dans les institutions publiques, a été reportée à l’an 2020.
Voilà le projet de Turquie nouvelle pour 2023 en marche, côté droits sociaux pour les travailleurs… et côté relance des investissements extérieurs, qui profiteraient de l’aubaine.
Le pouvoir AKP a beau jeu de faire constater des nécessaires “réformes” pour relancer l’économie, tout en niant les effets de sa politique folle de suppression des libertés, de liquidation de son secteur public, et de son propre appareil d’état au profit d’une concentration de tous les pouvoirs répressifs en une seule main, et une tutelle totale de la justice. Dans ces conditions, les “affaires” entre particuliers, la micro et macro économie sont à l’arrêt, sur fond de tourisme en berne. La polarisation politique, comme la crainte d’une dérive vers une véritable guerre civile pour résoudre les questions de pouvoir, d’une manière ou d’une autre, la peur, plombent encore davantage l’économie “ordinaire et quotidienne”.
La “relance” contre les classes populaires est donc en marche, celles-ci étant toujours les dupes des promesses du régime, et de sa “modernité” apportée et clamée par le pouvoir populiste et bigot de l’AKP. La Turquie doit se “retrousser les manches”, face “aux ennemis extérieurs”.
Allez, un drapeau national et une prière contre un jour de congé, pour la grandeur du Reis…