On se concentre sur la situation dramatique des prisonniers “otages” politiques en Turquie, et du coup, on ne voit même pas débarquer à l’aéroport d’Ankara les “personnalités” européennes qui y défilent.
Non, il ne s’agit pas d’une “tournée“qui viserait à soutenir “l’allié turc” dans son projet de changement constitutionnel. Ces tournées là ne sont plus celles des années 2010, où les “négociations d’adhésion” à l’UE battaient encore leur plein. Les guerres sont passées par là, les crises politiques européennes aussi.
Il y a bien des intérêts divergents qui se défendent en coulisses dans les visites successives de Theresa May et d’Angela Merkel en Turquie.
Oui, parce que pendant que le Fillon-gate coule dans le caniveau, comme un filet d’égoût qui entraîne vieux mégots et excréments canins, et que les primaires n’en finissent pas de traiter des questions secondaires, le Moyen Orient, n’en déplaise à ceux qui pensent que tout sera réglé par Poutine, continue de flamber. Ou plutôt de tisonner ses guerres, et de rejeter ses réfugiés, comme cendres de volcan.
Une réunion au sommet se tient à Malte, concernant l’Europe des frontières et les réfugiés qui dans leur détresse les ignorent.
Il y avait, dans la visite d’Angela Merkel en Turquie, justement, une petite part de cette grande préoccupation. Nous avons appris d’ailleurs à cette occasion, lors de conférences de presse, que sur les 3 milliards promis à Erdoğan, pour qu’il joue les gardes frontières, 2,2 milliards avaient déjà été versés, et que l’Allemagne continuerait à accueillir 500 réfugiés par mois. Comptabilité froide.
Theresa May, elle, a été plus “efficace”, semble-t-il, puisqu’elle a négocié des contrats d’armement avec Erdoğan. Pour qu’Erdoğan en personne estime qu’il “espérait stimuler le commerce annuel avec le Royaume-Uni à 20 milliards $ contre 15,6 milliards $ aujourd’hui, et qu’un projet d’avions de combat (sur vingt ans) était une étape importante, tout autant que radars, moteurs et armement”, c’est qu’elle a su convaincre sur le fait qu’elle n’ennuierait pas le Sultan sur ses problèmes “intérieurs”.
Theresa sort de l’Europe, mais n’oublie pas de commercer avec un membre important de l’Otan. Et elle se moque bien des débats qu’a provoqué cette visite et ces accords, en pleine purge et état d’urgence, et au moment où Erdoğan tente un plébiscite référendaire. Des statistiques mises en avant par l’opposition révèlent que le Royaume-Uni a déjà vendu des armes à la Turquie pour une valeur de près de 50 millions de Livres depuis le début de la répression des groupes d’opposition. Les massacres au Bakur auraient ainsi leur part de logistique anglaise… les autres bénéfices se répartissant sans doute entre concurrents européens.
Comment s’étonner ensuite que Theresa May ait insisté sur le “soutien heureux à la démocratie turque” depuis le putsch manqué.
Mais revenons à la visite d’Angela Merkel. Il faut quand même en souligner quelques éléments diplomatiques positifs. Elle a accordé une certaine importance à la “terminologie” en matière de terrorisme, tenant tête au Premier Ministre turc et au Président, en parlant de “terrorisme islamiste”, et non de terrorisme “en général”. Elle a également refusé de répondre positivement aux critiques du gouvernement turc, concernant le refus de l’Allemagne de lui livrer des militaires “gülenistes” réfugiés. Cela pourrait paraître anecdotique, mais quand elle a tenu ensuite à rencontrer assez longuement à l’Ambassade d’Allemagne, Idris Baluken, vice président du HDP, qui avait été libéré le lundi en attente d’un procès, justement, pour “terrorisme”, on a le droit de le souligner.
Alors, courage politique ou volonté d’obtenir des soutiens dans la diaspora kurde en Allemagne, et de faire taire les critiques sur un déplacement mal venu ?
On commence à y voir plus clair dans le gros “empêchement” à débattre, qui a été voté par le Conseil de l’Europe, à propos de la situation en Turquie pour la dernière session de l’Assemblée. On commence surtout à connaître qui a voté pour un débat, et qui a soutenu la Russie et la Turquie pour l’éviter. On attend toujours une explication sur ce qui fut une absence remarquée d’explications de votes pour les représentants français…
Politique politicienne, diplomatie et real-politics d’un côté, moisi des prisons et sang des massacres de l’autre.
J’aurais peut être dû éviter ma revue de presse, tant elle pourrait décourager de se mobiliser pour un autre monde. Car ce qui coule dans le caniveau donne envie de vomir, et de rajouter au flot sa propre bile.
Mais, je devrais sans doute me lever plus tôt demain, ou me coucher plus tard, juste pour assister au lever du soleil, un matin de février.