Un entre­tien riche et instruc­tif avec Khaled Issa, représen­tant du Roja­va en France.

Quel rôle joue la représen­ta­tion du Roja­va en France ?

Il s’agit de défendre les intérêts indi­vidu­els et col­lec­tifs de la pop­u­la­tion du Roja­va et ren­forcer les rela­tions du Roja­va avec la France, mais aus­si éclair­er le pub­lic sur le Roja­va et plus large­ment la sit­u­a­tion en Syrie.

Les Forces démoc­ra­tiques syri­ennes (FDS) ont lancé la cam­pagne « Colère de l’E­uphrate » qui a pour but de libér­er Raqqa.

Où en sont-ils ?

Les FDS en col­lab­o­ra­tion avec la coali­tion inter­na­tionale cherchent à isol­er com­plète­ment Raqqa avant de déclencher les opéra­tions pour la libéra­tion de la ville. Raqqa est la cap­i­tale auto-proclamée de Daech en Syrie. Aujour­d’hui, la ville et le bar­rage de Tabqa sont soumis à un encer­clement et en ce moment même les FDS resser­rent l’étau.

Cer­tains affir­ment qu’il y a un dan­ger sur le bar­rage ? Qu’en dites-vous ?

Est-ce un hasard si à chaque fois que les FDS chas­sent les ter­ror­istes d’une local­ité, les sup­port­ers de ces ter­ror­istes tirent le sig­nal d’alarme sur le sort des civ­il-e‑s ou des dan­gers comme c’est le cas avec le bar­rage de Tabqa ? En réal­ité, les FDS, dont font par­tie des YPG/YPJ, respectent les con­ven­tions de Genève qui régle­mentent les con­flits armés et œuvrent en coopéra­tion étroite avec les grandes puis­sances mon­di­ales. Elles font du mieux pos­si­ble pour préserv­er les civ­il-e‑s, l’environnement et les infra­struc­tures du pays. En ce qui con­cerne le bar­rage, le dan­ger ne vien­dra pas de la coali­tion inter­na­tionale con­tre Daech et des FDS. Si dan­ger il y a, il vien­dra des ter­ror­istes. Les experts en la matière con­fir­ment que les com­pé­tences des FDS et de la coali­tion per­me­t­tront la libéra­tion de ce bar­rage des ter­ror­istes de Daech sans dan­ger pour les pop­u­la­tions. Nous avons vu que les ter­ror­istes ont présen­té un indi­vidu comme étant le directeur du bar­rage et une vic­time civile. En réal­ité, c’est un émir et un artificier.

Bar­rage de Tabqa

Vous avez récem­ment pub­lié des doc­u­ments du ren­seigne­ment poli­tique syrien de Raqqa sur les Kur­des. Qu’y a‑t-il dedans ?

Nous dis­posons de tous les dossiers con­cer­nant les Kur­des du ser­vice de ren­seigne­ment poli­tique de Raqqa, entre 2004 et 2011. Dans ces doc­u­ments, on con­state la poli­tique de répres­sion menée par le régime syrien à l’é­gard des Kur­des de Raqqa ville et ses envi­rons, la coopéra­tion du régime avec le gou­verne­ment turc, et on con­state égale­ment qu’il y avait 120 0000 Kur­des à Raqqa et ses envi­rons mal­gré la poli­tique d’ara­bi­sa­tion et de répres­sion. Dans les détails, à Raqqa ville même il y avait au moins trois quartiers à majorité kurde. Le prin­ci­pal souci des autorités était de déman­tel­er l’or­gan­i­sa­tion du PYD. D’ailleurs, on con­naît grâce à ces doc­u­ments le nom­bre de mil­i­tant-e‑s qui ont été arrêté-e‑s ou tué-e‑s par ce ser­vice. Par exem­ple, lors du Newroz de 2010, il y avait beau­coup d’arrestations, de blessé-e‑s et de mort-e‑s dans la ville de Raqqa. Les doc­u­ments détail­lent les procé­dures et les noms des vic­times. Au début, ils ont voulu enlever les dra­peaux kur­des. Puis les gens ont com­mencé à affluer et quand il y a eu 4 000 Kur­des, ils ont encer­clé la foule. Il y avait le por­trait d’Ab­dul­lah Öcalan. Les mem­bres du par­tis Baas sont venus avec le por­trait de Bachar El-Assad et le dra­peau syrien, ils ont don­né l’or­dre à une voiture de pom­piers d’ac­tiv­er les sirènes pour intimider et pouss­er les Kur­des à enlever les dra­peaux. A ce moment-là, les par­tic­i­pant-e‑s ont com­mencé à lancer des pier­res con­tre la voiture des pom­piers et la police. Les par­tic­i­pant-e‑s avaient amené leurs enfants et le rassem­ble­ment était proche des zones rési­den­tielles. D’après les doc­u­ments une fusil­lade s’est déclenchée. Ils ont voulu repouss­er la foule avec des jets d’eau. Les Kur­des ont com­mencé à brûler des voitures de police. Après ils ont dis­per­sé la foule. Il y a eu des blessé-e‑s chez la police et les Kur­des. La jambe du général adjoint du com­man­dant de police de Raqqa Khatan Ghabara a été cassée avec une pierre. Il y a eu 5 Kur­des sec­ou­rus, et 2 trans­férés à Alep à cause de leur état grave. Un Kurde est décédé. La majeure par­tie des présents était masquée. Le par­ti Baas en a arrêté 24. Les ser­vices de ren­seigne­ment étaient dirigés par le général Jassem Ali Hamed. Ce jour là était présent : le préfet , le directeur de la sec­tion du par­ti Baas, et le directeur de la police du quarti­er Andalus. Ceci n’est que la présen­ta­tion d’un doc­u­ment par­mi tant d’autres.

Répar­ti­tion eth­nique dans la ville de Raqqa d’après Aryan­nawzad
Jaune : à majorité kurde | Rouge : quarti­er mixte | Vert: quarti­er à majorité arabe

Donc il y avait des quartiers kur­des à Raqqa ?

Le doc­u­ment his­torique signé entre les autorités français­es à Raqqa et la tribu kurde des Mil­lis en 1921.
(Pour agrandir, cliquez sur l’image)

Le ren­seigne­ment poli­tique recon­naît l’existence d’au moins trois quartiers à majorité kurde à Raqqa mal­gré la poli­tique d’ara­bi­sa­tion. On voit égale­ment dans ces doc­u­ments com­ment les autorités empêchaient délibéré­ment les Kur­des d’ou­vrir des com­merces ou d’a­cheter des ter­rains. L’op­pres­sion per­me­t­tait l’expulsion des élé­ments kur­des de la ville. His­torique­ment, en 1908, Raqqa était dirigée par un chef de la tribu des Mil­lis. Et les Mil­lis sont une tribu kurde. Sous le man­dat français, lorsque la France a voulu incor­por­er la val­lée de l’Euphrate (Raqqa, Deir Ezzor jusqu’à Buka­mal), elle a fait appel à cette tribu. Le général Gouraud, haut-com­mis­saire français en charge du Lev­ant, a créé une force à majorité kurde avec un escadron syr­i­aque et une frac­tion de la tribu arabe Inza pour incor­por­er cette zone au pro­tec­torat. L’ac­cord avec les Kur­des des Mil­lis fait l’ob­jet d’un doc­u­ment dans les archives de l’ar­mée de terre française.Il est signé entre l’ar­mée française et la tribu à la fin de l’an­née 1920. L’ac­cord arrive à Paris par avion le 6 jan­vi­er 1921. Dans ces doc­u­ments, il était prévu que les Kur­des des Mil­lis devaient sécuris­er toute la région de Djéziré (Cizîre) et la val­lée de l’E­uphrate. Raqqa devait en être le cen­tre admin­is­tratif. Cela prou­ve l’in­flu­ence des Kur­des, leur ancrage à Raqqa et dans la val­lée de l’E­uphrate. Mal­gré la poli­tique sys­té­ma­tique de répres­sion et d’ara­bi­sa­tion dans cette région, il reste au moins 120 000 Kur­des « à Raqqa et dans ses envi­rons » selon ce doc­u­ment signé par les ser­vices poli­tiques de Raqqa.

Que s’est-il passé après que le régime ait été chas­sé de la ville ?

Les groupes islamo-fas­cistes sous l’emblème de l’Ar­mée syri­enne libre et par la suite de Daech ont mené une poli­tique sys­té­ma­tique d’expulsion et d’épu­ra­tion eth­nique con­tre les Kur­des et les autres minorités (Arménien-ne‑s, etc.) et à toutes celles et ceux qui n’adhéraient pas à leur con­cep­tion raciste et fana­tique du monde. Lorsque Daech a déclaré Raqqa sa cap­i­tale, la majeure par­tie de la pop­u­la­tion kurde a été chas­sée directe­ment et indi­recte­ment. Cer­taines familles ont été expul­sées par le sud de la ville, c’est-à-dire dans le désert pour qu’elles y pourrissent.

Que comptent faire les autorités du Roja­va une fois la ville libérée ?

Quelle que soit la com­po­si­tion démo­graphique ou ethno­graphique de cette région, la con­cep­tion qui nous ani­me n’est fondée ni sur le nation­al­isme, ni sur le con­fes­sion­nal­isme. Elle est fondée sur l’au­to­ges­tion démoc­ra­tique de la pop­u­la­tion locale et chaque région assume la ges­tion. La pop­u­la­tion locale décidera de son sort via les con­seils civils et démoc­ra­tiques comme toutes les régions qui sont libérées par les FDS.

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