Kedis­tan sera l’in­vité de Radio Lib­er­taire le 28 oct à 21h pour par­courir un panora­ma du Kur­dis­tan, de Syrie et de Turquie.
En pleine actu­al­ité, tant pour la répres­sion qui sévit en Turquie que pour l’a­gres­sion car­ac­térisée con­tre le Roja­va de la part des troupes d’Erdoğan.

offensive-libertaireRen­dez-vous donc sur 89.4 FM en Île-de-France, sinon en direct sur le net, pour l’émis­sion “Offen­sive Sonore”, en lien avec la revue trimestrielle “Offen­sive”. Elle traite de thèmes soci­aux, cul­turels ou his­toriques. Nous en prof­iterons pour abor­der en pointil­lés dans une émis­sion tou­jours trop courte, il y a tant à dire, les ques­tions du con­fédéral­isme démoc­ra­tique en proces­sus au Roja­va et il y a peu encore au Kur­dis­tan turc.

Les émis­sions sont télécharge­ables par la suite sur le site de la BAM (Bib­lio­thèque auto­gérée de Malakoff)


Il ne sert à rien de décrire par le menu les exac­tions, mas­sacres, hor­reurs qui se sont déroulées depuis plus d’un an dans les villes, quartiers et dis­tricts du Kur­dis­tan de Turquie, si ce n’est pas pour ten­ter d’a­gir sur cette actu­al­ité que l’on dénonce et soutenir celles et ceux qui peu­vent et veu­lent chang­er cette réal­ité quotidienne.

Des pop­u­la­tions se trou­vent dépos­sédées de leurs mai­gres biens, expro­priées par­fois, chas­sées de leurs quartiers aux maisons et immeubles détru­its. Cer­tainEs se réin­stal­lent dans le dénue­ment le plus total, soit sous des tentes et abris de for­tune, comme à Şır­nak, soit dans ce qui reste des apparte­ments ou maisons pil­lées et forte­ment endommagées.

Nous savons tous que l’hiv­er arrive.

Après avoir résisté aux états de siège, y avoir per­du qui unE jeune, qui une com­pagne, qui un com­pagnon, quand ce n’est pas des grands par­ents ou des enfants, voilà que ces pop­u­la­tions à bout de forces sont amenées par la force des choses, à résis­ter à l’hiv­er qui vient. Et comme pour “faciliter”, le gou­verne­ment turc a ampli­fié une répres­sion à l’en­con­tre des con­seils d’élus, en rem­plaçant, dans le plus grand mépris de ses pro­pres insti­tu­tions, plus de 120 maires et con­seils, par des “admin­is­tra­teurs” à sa sol­de. L’E­tat a décidé à lui seul, par décret, qui gèr­erait la suite, après les destruc­tions, et priv­ilégié bien sûr des représen­tants AKP (par­ti au pou­voir d’Er­doğan), qui méprisent les habitants.

A Şır­nak, par exem­ple qua­si détru­ite, le Con­seil auto­géré des élus avait décidé la recon­struc­tion, et com­mencé un tra­vail de pré­pa­ra­tion avec les pop­u­la­tions, une fois le siège levé. Il gérait aus­si les aides matérielles, y com­pris transna­tionales, désor­mais empêchées. Le gou­verne­ment AKP ne l’en­ten­dant pas de cette oreille, a inter­dit aux pop­u­la­tions l’ac­cès à leurs quartiers détru­its, et s’est mis en chantier pour détru­ire ce qui restait, et d’autre part chas­s­er les désor­mais dev­enues “familles sans abri”. Toute aide est blo­quée, et la pop­u­la­tions et ses éluEs réprimées à chaque man­i­fes­ta­tion de colère. Pour­tant, ces éluEs sus­pendus, sans mairie ni bâti­ment, recréent des “con­seils” avec chaque famille. “Là où est le peu­ple, est la com­mune. Les “autres” sont dans un bâti­ment”. Les mêmes épisodes se déroulent à Cizre, Sur.…

Chaque ville est un cas dif­férent, même si les exac­tions furent les mêmes, les résis­tances et les décès de com­bat­tants aus­si. Les besoins sont immenses, et tant pour résis­ter que pour sur­vivre, la sol­i­dar­ité devrait être à la hau­teur. Il est donc du devoir de cha­cunE de ne pas se con­tenter de “décrire”, de présen­ter par­fois l’in­nom­ma­ble, pour s’en­ten­dre sim­ple­ment dire “quelle hor­reur” et puis s’en vont. Et comme à Kedis­tan, nous ne sommes pas de la tribu qui cul­tive la dénon­ci­a­tion à coup d’im­ages spec­tac­u­laires pour avoir de l’au­di­ence, mais que nous ten­tons d’être con­crets avec nos petits moyens, nous avons débuté ou soutenu deux cam­pagnes, en partenariat.

La pre­mière s’in­ti­t­ule Kur­dis­tan en flammes”. Elle ver­ra un pre­mier concert/débat de sou­tien se tenir à Paris le 27 octo­bre. D’autres suiv­ront, tan­dis qu’une souscrip­tion publique est ouverte jusqu’en jan­vi­er. Comme les parte­naires et ini­ti­atri­ces sont, entre autres “Women In War”, les fonds récoltés seront des­tinés à une ini­tia­tive de femmes.

La sec­onde, con­cerne aus­si des femmes, en pointe dans le com­bat de résis­tance kurde. Il s’ag­it d’une chaîne de sol­i­dar­ité à l’é­gard de Zehra Dogan et ses co détenues, mise en place avec ses proches et amiEs. Faire savoir qu’elles ne sont pas seules, dans ces pris­ons où désor­mais les “vio­lences à l’an­ci­enne” ressur­gis­sent petit à petit, avec l’assen­ti­ment de l’E­tat et la pres­sion de l’E­tat d’ur­gence, sous “unité nationale” est pri­mor­dial. Et si seule­ment ce geste de résis­tance,  comme la re-paru­tion sous forme man­u­scrite d’Özgür Gün­dem, jour­nal inter­dit et fer­mé dont il ne reste que le blog en ligne,  dans cette prison, pou­vait trou­ver écho dans un geste sim­ple de solidarité.

Voilà pour deux ini­tia­tives que nous pro­posons très con­crète­ment, et qui res­teront des gouttes d’eau, si per­son­ne ne s’en empare à nos côtés.

Pourquoi en est-on arrivé là, depuis mi 2015 ?

Il faut ren­voy­er aux fameuses élec­tions de juin 2015. Au grand cour­roux d’Er­doğan et de son par­ti, vint l’ir­rup­tion dans un résul­tat élec­toral, de ce qui se présen­tait comme une syn­thèse de la sit­u­a­tion passée et de ses luttes anti gou­verne­men­tales, comme la lutte de Gezi, qui avait regon­flé toutes les con­tes­ta­tions de la poli­tique de l’E­tat, les ques­tions d’é­colo­gie, et les luttes de toutes les minorités, cul­turelles, LGBTI, et “eth­niques”, au pre­mier rang desquels le com­bat des Kur­des pour l’au­tonomie. Ces mou­ve­ments et d’autres alliés, dont le HDP est le plus cen­tral, bous­culèrent les cal­culs élec­toraux et firent entr­er au Par­lement turc des éluEs à fort poten­tiel de sou­tien de la part des luttes poli­tiques et sociales qui les por­taient. Dans le même temps, et prin­ci­pale­ment à l’Est, des éluEs/représentantEs en grand nom­bre avaient com­mencé à met­tre en place dans les mairies, des formes de ges­tion asso­ciant toutes les minorités locales, leurs com­bats et reven­di­ca­tions. Le tout dans des con­seils gérés par des représen­tantEs à part égale, maires et co-maires, hommes et femmes.

Le mou­ve­ment kurde, prof­i­tant de la “trêve” de plusieurs années, des négo­ci­a­tions bien que dif­fi­ciles et en per­ma­nence sus­pendues entre l’E­tat et le leader kurde Öcalan empris­on­né, obte­nait le sou­tien des pop­u­la­tions et leur ren­voy­ait des struc­tura­tions et propo­si­tions démoc­ra­tiques pour s’or­gan­is­er. Défendre la langue, les droits à l’é­d­u­ca­tion, au loge­ment, à la cul­ture, et bien d’autres, en asso­ciant tout le monde et en veil­lant aux minorités deve­nait l’ob­jec­tif. C’est aus­si cela l’au­tonomie. Nous sommes loin de la “par­ti­tion et de l’indépen­dance nationale kurde”, dont aus­si bien Erdoğan qu’une cer­taine gauche “européenne” affu­ble les Kur­des. Cette auto organ­i­sa­tion sup­po­sait égale­ment de ne pas baiss­er la garde sur l’au­to défense, les forces de l’E­tat con­tin­u­ant leurs exac­tions et répres­sions, mal­gré la trêve.

Mais il est plus facile de con­stru­ire sous la Paix qu’avec la guerre.

Il est donc très clair que la remise en cause d’une majorité élec­torale à l’échelle du Pays pour Erdoğan, en même temps que s’or­gan­i­sait les com­mu­nautés kur­des, avec un pro­jet poli­tique et en bonne intel­li­gence avec les autres com­bats anti gou­verne­men­taux, ou les luttes des minorités, ne pou­vait que déclencher une crise. Erdoğan, on le sait, mit à prof­it l’at­ten­tat de Suruç, attribué offi­cielle­ment à Daech, mais non revendiqué, pour rompre la trêve uni­latérale­ment avec le PKK qui avait riposté à l’at­ten­tat sur des cibles poli­cières et mil­i­taires. Suruç, rap­pelons-le, c’est un mas­sacre à l’en­con­tre de jeunes qui se rendaient à Kobanê pour une aide à la recon­struc­tion. Les pre­miers 33 morts d’une longue série depuis.

Il y eu donc une reprise et une inten­si­fi­ca­tion de la guerre intérieure de la part de l’E­tat turc, au nom déjà du com­bat “anti ter­ror­iste” et de l’u­nic­ité de la Nation. “La cam­pagne élec­torale armée” pour un nou­veau scrutin à l’au­tomne était lancée.

Nom­bre de jeunes kur­des com­bat­tants, dans les villes du Kur­dis­tan turc s’or­gan­isèrent dans l’au­to défense des pop­u­la­tions et des quartiers, et les mots de “déc­la­ra­tion d’au­tonomie” furent pronon­cés, y com­pris durant le proces­sus élec­toral nation­al. Les sou­tiens des pop­u­la­tions locales furent qua­si indé­fectibles, même si l’on sait que tout le monde préfèra tou­jours la recherche de la Paix. EluEs, députéEs, furent mis­Es à rude épreuve, dans cette guerre des villes, tou­jours présentEs aux côtés des pop­u­la­tions. Voilà ce que voulait détru­ire l’AKP et son leader président.

Et le résul­tat cat­a­strophique, les mas­sacres, les vic­toires élec­torales de l’E­tat AKP con­tre les pop­u­la­tions lais­sent de pro­fondes blessures. Le coup d’E­tat man­qué du 15 juil­let, com­plète le som­bre tableau, divise et polarise encore davan­tage, avec son cortège de purges et de répres­sions, d’ar­resta­tions, de cas de tor­ture ré-instau­rée en prison ou en garde à vue.

Nos deux choix de sol­i­dar­ité répon­dent à ces deux urgences absolues, l’une con­tre la répres­sion et l’emprisonnement, l’autre pour aider matérielle­ment les pop­u­la­tions qui résis­tent, au pre­mier rang desquelles les femmes.

C’est donc un pro­jet poli­tique que com­bat l’E­tat turc, avant de n’être qu’une démarche qua­si géno­cidaire con­tre le peu­ple kurde, reprenant en cela le “roman” nation­al­iste turc, en référence à la révo­lu­tion kémal­iste. Erdoğan a joué sur les deux tableaux, comme sou­vent. D’un côté son pro­jet néo libéral en économie, voilé sous la big­o­terie et la cor­rup­tion d’une nou­velle classe dirigeante et moyenne, de l’autre, l’ul­tra nation­al­isme allié à la “turcité” imposée à tous, cette iden­tité oblig­a­toire et schy­z­o­phrène, con­stru­ite en par­tie sur la néga­tion d’un géno­cide. Dans ce parox­isme d’après putsch man­qué, les milieux kémal­istes, bien que répub­li­cains et laïcs de façade, tant qu’ils y trou­vent encore des prében­des, ava­lent les couleu­vres “anti-ter­ror­iste” et par­ticipent à l’u­nion nationale.

Le mou­ve­ment kurde et ses alliés sont en pleine ligne de mire. EluEs sus­penduEs, jetés en prison pour cer­tainEs respon­s­ables, presse bail­lon­née, médias fer­més, jour­nal­istes et intel­lectuels arrêtés, sou­tiens à la paix for­cés à l’ex­il. Nous pour­rions par­ler à l’in­fi­ni des purges, les exem­ples peu­plent tous les réseaux soci­aux chaque jour qu’Er­doğan fait.

Quelles sont donc ces propo­si­tions poli­tiques qui “ter­ri­fient” l’E­tat turc, au point qu’il renoue avec les guer­res intérieures et blinde sa démocrature ?

Elles furent il y a encore quelques décen­nies, et au cours du XXe siè­cle, jusqu’au milieu des années 1990, des reven­di­ca­tions “nationales”, pour ne pas dire un “nation­al­isme kurde sauce marx­iste lénin­iste”. Nous par­lons là, non de l’i­den­tité kurde, claire­ment et cul­turelle­ment revendiquée, mais non exclu­sive, mais des débats poli­tiques et des options qui furent celles de la prin­ci­pale force com­bat­tante, le PKK, référent incontournable.

Pour aller vite, on peut s’é­ton­ner que d’un mou­ve­ment claire­ment ancré à sa nais­sance dans le marx­isme lénin­isme et les théories de libéra­tion, qui déter­minèrent le choix de la lutte armée, puisse sur­gir une approche aujour­d’hui com­mu­nal­iste, fémin­iste, écol­o­giste et sociale, qua­si d’in­spi­ra­tion lib­er­taire. Et pour­tant cette réal­ité poli­tique est en marche, et trou­ve son champ d’ex­péri­men­ta­tion dif­fi­cile au Roja­va syrien, comme dans les embryons qui furent vécus au Kur­dis­tan turc, avec toutes les con­traintes de l’Etat.

La théorie révo­lu­tion­naire portée par le PKK, ses propo­si­tions poli­tiques pour l’or­gan­i­sa­tion sociale et com­mune, se décline sous le nom de  “con­fédéral­isme démoc­ra­tique”. C’est le “mod­èle” qui pré­vaut pour l’ex­péri­ence frag­ile du Roja­va, aujour­d’hui à nou­veau attaqué par les troupes de l’E­tat turc, via des bom­barde­ments à répétition.

Il faudrait un chapître entier pour juste­ment décrire dans le détail com­ment se fait la mise en place de struc­tures démoc­ra­tiques des­tinées à gér­er une région comme le Roja­va syrien, qui plus est, coupée en deux, divisée en trois can­tons, et accueil­lant des réfugiés de guerre, (qui com­pliquent encore la mosaïque cul­turelle exis­tante, même si a anci­enne majorité de peu­ple­ment kurde).Le Roja­va a 3 enne­mis prin­ci­paux, en plus de sa sit­u­a­tion interne dif­fi­cile. Daech à ses portes, l’E­tat turc d’Er­doğan, et un Assad (et ses alliés) qui refuse de recon­naître cette entité et ne deman­derait qu’à la voir dis­paraître lui aussi.

Il y a une sorte d’in­cré­dulité qui pour­rait saisir quelqu’un qui décou­vri­rait aujour­d’hui les frag­iles tran­si­tions poli­tiques ini­tiées par le mou­ve­ment kurde. Que le leader du PKK, pièce impor­tante dans ces proces­sus poli­tiques, se soit intéressé à une cri­tique de l’E­tat-Nation rad­i­cale dès 1995 est déjà éton­nant. Qu’il ait entre­pris, depuis sa prison, de pour­suiv­re sa réflex­ion sur les “échecs” et la néces­saire réflex­ion sur l’avenir, plutôt que fan­tas­mer des “vic­toires” et des “mar­tyres”, relève d’une intel­li­gence poli­tique qu’on aimerait trou­ver plus sou­vent chez des “lead­ers”, naturels ou auto proclamés. La péri­ode de “proces­sus de négo­ci­a­tions” est passée par là, et a amené, en Turquie, à dater du moment où l’op­tion “indépen­dance et Etat” était écartée, à penser une autonomie fédéral­iste pos­si­ble à pro­pos­er dans le cadre d’a­vancées politiques.

On sait que c’est l’E­tat-Nation même, qui, (pire encore pour la Turquie), est à l’o­rig­ine de nation­al­ismes iden­ti­taires qui ne peu­vent que mon­ter les Peu­ples les uns con­tre les autres, quand les sys­tèmes en ont besoin. La mosaïque de Peu­ples du Moyen Ori­ent, à laque­lle la Turquie n’échappe pas, même si par géno­cides, “roman nation­al”, oppres­sion des minorités, elle donne le change dans sa république “indi­vis­i­ble”, cette mosaïque amène à remet­tre en cause le col­lier de per­les République/Etat/Nation/Identité/ Peu­ple, dès lors où Peu­ples est pluriel, et que la Nation s’ob­s­tine à gom­mer le S.

Les exem­ples européens de mis­es au pas de régions, d’his­toires com­pos­ites, par l’épée, ne dif­fèrent guère. Ces mod­èles poli­tiques sont devenus inopérants pour penser un avenir com­mun au Moyen Ori­ent, puisqu’en crises ouvertes depuis un siè­cle en per­ma­nence, hors moment de dic­tatures ou de régimes approchants. Et pour­tant ils accom­pa­g­nent le main­tien d’une société de classe. Cela pour faire vite, mais sans doute caricaturer.

Sor­tir des caus­es mêmes de l’op­pres­sion, ne pas oppos­er un nation­al­isme con­tre un autre, tout en garan­tis­sant une autonomie cul­turelle et poli­tique, telle était l’équation.

Bien sûr, ce n’est pas la sim­ple étin­celle d’une ren­con­tre livresque entre Öcalan et un Mur­ray Bookchin, penseur lib­er­taire, par­ti­san du com­mu­nal­isme social, de l’é­colo­gie et du fémin­isme qui déci­da du feu de Newroz au Roja­va et de la con­ver­sion du mou­ve­ment kurde.

La pra­tique poli­tique d’une guerre de guéril­la intérieure con­tre un Etat, con­fron­tée à des échecs his­toriques, au vu des forces dis­pro­por­tion­nées (l’ar­mée turque est une armée de l’Otan) dis­paraî­trait totale­ment si elle ne trou­vait sa résis­tance dans la mise en com­mun de ses expéri­ences, de ses éner­gies et cerveaux. Là dedans, on sait quelle part les femmes ont prise. Par ailleurs, les effon­drements des blocs, l’amère dégénéres­cence de révo­lu­tions his­toriques, ont aus­si forgé bien des réflex­ions dans le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire. Bookchin  le lib­er­taire social­iste est lui même passé du marx­isme lénin­isme à la pen­sée lib­er­taire… Bref, les mou­ve­ments his­toriques du siè­cle passé ont frayé des chemins à des pra­tiques poli­tiques et des remis­es en ques­tion. Alors cela ne pou­vait que touch­er un mou­ve­ment kurde et sa recherche d’é­man­ci­pa­tion et d’autonomie.

Et c’est bien dans un dou­ble mou­ve­ment de coupure avec le dogme nation­al­iste, le pas­sage obligé de l’E­tat-Nation, et à la fois de remise en cause rad­i­cale, non du marx­isme, comme clés de réflex­ion, mais de la car­i­ca­ture qui s’est con­stru­ite autour des années 1930 dans le monde dit “social­iste”, qu’Ö­calan impul­sa une qua­si remise en cause “oblig­a­toire” au sein du PKK. “Penser l’avenir des luttes autrement était néces­saire et indis­pens­able”. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres…

C’est à grands traits, sans doute car­i­cat­u­raux, présen­tés de cette façon, que je résume une “évo­lu­tion poli­tique majeure” des mou­ve­ments kur­des, qui n’a d’ailleurs pas ter­miné ses remis­es en cause, loin de là. Ce qui se passe au Roja­va va les accélér­er, en bien ou en mal.

Il faut tenir à cette notion de proces­sus poli­tique, et ne pas suc­comber au syn­drome du révo­lu­tion­naire béat devant une con­struc­tion démoc­ra­tique qui cherche ses chemins. Le Roja­va con­solide peu à peu ses fonc­tion­nements démoc­ra­tiques hor­i­zon­taux, élar­git ses champs d’ac­tion pour la prise en compte de toutes les con­tra­dic­tions et con­flits d’in­térêts, y com­pris cul­turels, religieux ou eth­niques. Il le fait par, et mal­gré la guerre. Et il serait dom­mage, alors que le vieux monde européen croule sous ses crises poli­tiques, subit de plein fou­et les crises de la finan­cia­ri­sa­tion cap­i­tal­iste, mais ne s’ex­tirpe pas de ses vieux par­tis ouvri­ers qui n’en ont plus que le nom, de ne pas regarder vers le Moyen Ori­ent et y trou­ver quelques raisons de repenser l’é­colo­gie sociale et lib­er­taire, pour faire court.

On ne résume pas le Roja­va en trois phras­es, ni en dix lignes. Et la suite du pro­pos demande de faire quelques impasses.

Cette démoc­ra­tie poli­tique en plein coeur de la guerre, tout autant à l’oeu­vre dans la résis­tance des villes à l’Est turc, fait l’ob­jet d’ offen­sives croisées de la part de l’ob­scu­ran­tisme religieux et poli­tique,  et des puis­sances tou­jours autant attachées à con­stru­ire des Etats capa­bles de servir les intérêts néo libéraux des oli­garchies en tous gen­res. Et sans aller si loin dans une géo poli­tique “mon­di­al­isée” qui décrirait un “com­plot con­tre le Roja­va”, il con­vient de dire que ces développe­ments poli­tiques de résis­tance peu­vent être anéan­tis… dans cette guerre qui va de l’I­rak à la Syrie. La géopoli­tique du partage, des pil­lages main­tenus et des dom­i­na­tions des grands impéri­al­ismes, qui peut sor­tir de ces guer­res, est antag­o­nique avec le pro­jet du Rojava.

Et les attaques actuelles du gou­verne­ment turc sur le sol syrien peu­vent faire crain­dre ce pire. Erdoğan sait très bien égale­ment que com­bat­tre le Roja­va, c’est affaib­lir aus­si sa con­tes­ta­tion intérieure. Empêch­er à tout prix que se ren­force une entité à majorité kurde aux portes de la Turquie, cela est répété comme une évi­dence, est l’ob­jet des offen­sives turques (et alliés hétéro­clites islamistes dit libres), notam­ment à par­tir de Jer­ablus en Syrie.

Les bom­barde­ments des com­bat­tants du FDS et des YPG/YPJ (glos­saire) qui récem­ment ont chas­sé Daech de vil­lages et ter­ri­toires, qui juste­ment se situent dans le cor­ri­dor qui coupe le Roja­va en deux, avec à l’Ouest le can­ton d’Afrîn, visent à blo­quer toute jonc­tion ter­ri­to­ri­ale. Erdoğan a tou­jours réclamé une zone tam­pon pour ce faire, et affirme aujour­d’hui qu’il l’établi­ra sans atten­dre de per­mis­sion inter­na­tionale. S’il peut pouss­er son avan­tage en attaquant de front le Roja­va, il ne s’en privera pas.

Tous les yeux sont rivés sur Mossoul, Russ­es et Améri­cains s’af­fron­tent sur Alep, l’E­tat turc se sent autorisé à jouer sa carte, con­tre le “ter­ror­isme”. Et même si Daech est en embus­cade sur ces zones, là, l’E­tat turc d’Er­doğan pour­suit son pro­pre agenda.

La mobil­i­sa­tion en sou­tien au Roja­va est donc à con­stru­ire, au delà des fumées médi­a­tiques autour de Mossoul. C’est le troisième appel de ce pro­pos. Rejoin­dre ici les dias­po­ras qui ont réa­gi et appel­lent à ini­tia­tives de dénon­ci­a­tion encore une fois de l’E­tat turc…

Une par­tie de forces mil­i­tantes pour épauler la dias­po­ra kurde, et pas que, sont engagées aus­si dans des luttes impor­tantes et néces­saires à car­ac­tère nation­al, bien que comme NDDL ou Calais, entre écolo­gie et exils de migrants, ces ques­tions soient de fait transna­tionales. Une grande par­tie du mou­ve­ment social se trou­ve en plus dérivé vers des joutes élec­torales qui con­firmeront pour­tant dans les urnes les reculs dus aux défaites à répéti­tion des années écoulées, sur fond de repli nation­al­iste et xénophobe.

L’or­gan­i­sa­tion de sol­i­dar­ités transna­tionales avec le Roja­va, et au delà un mou­ve­ment qui épaule sa com­posante kurde majori­taire, est com­pliqué par cet immense gaspillage de forces et d’in­tel­li­gences que représen­tent les échéances élec­torales à tout va en Europe. On peut même crain­dre, dans le meilleur des cas, qu’une cer­taine gauche voulant obtenir les voix des dias­po­ras kur­des et turques ne fassent trois petits tours et puis s’en vont sur ces sujets, instru­men­tal­isant ici les bonnes volon­tés. Et c’est déjà ce que l’on constate…

Il fau­dra faire avec, et informer sans relâche de ces sit­u­a­tions, tout en tis­sant des liens pour des sol­i­dar­ités con­crètes. Le Roja­va n’at­ten­dra pas le dépouille­ment d’urnes aléa­toires, et n’au­ra que faire de déc­la­ra­tions solen­nelles de politi­ciens hyp­ocrites, les yeux rivés sur 2017.

Voilà… On com­mence quand ?…

(Le texte comprend de très nombreux liens qui atténuent son caractère lapidaire… Cette trame constituera les grandes lignes de cette émission radio. Un moteur de recherche est à disposition aussi sur le site, pour approfondir davantage, profitez-en)

Émis­sion du 28 octo­bre 2016, on a appelé un ani­ma­teur du site Kedis­tan . Nous allons par­courir un panora­ma du Kur­dis­tan, de Syrie et de Turquie. En pleine actu­al­ité, tant pour la répres­sion qui sévit en Turquie que pour l’agression car­ac­térisée con­tre le Roja­va de la part des troupes d’Erdoğan.

 

PLAYLIST (dans l’ordre d’apparition dans l’émission) :
Viyan Peyman & Dilar Dirik – Dear Viyan
Rona Geffen – My Girls Are A Fire
Kritzkom – Inner March for Utopia
KillaSoundYard ft Bambool – Self Organised
Thoughts On Rojava (feat. Zeynep Kurban, Dilar Dirik, Zaher Baher, Havin Guneser, Memed Aksoi)
Olivia Louvel – Afraid Of Women
Hevî – Woman & The Gun
Anna Leopolder – The Women (Dedicated to the kurdish female fighters of Rojava)

Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
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