Des intel­lectuels, des poli­tiques, sig­nent un texte qui va être dif­fusé partout en Europe :

Il faut sauver et accueil­lir les réfugiés du Moyen-Orient”

Kedis­tan s’en fait le relai, comme le fer­ont beau­coup d’autres, nous l’espérons. 

Nous y ajoute­ri­ons la con­damna­tion de ce marchandage inhu­main actuel avec le régime turc, qui abouti­ra à l’ex­act inverse de ce qui est recher­ché : la pro­tec­tion et le sauve­tage des réfugiés de guerre. Ce même marchandage exonér­era les dirigeants européens de toute réponse, dès lors où ils con­fient une des clés à un régime turc qui par ailleurs assas­sine en toute impunité ses pro­pres pop­u­la­tions et attise la guerre en Syrie . Il ne saurait pas davan­tage être ques­tion de con­fi­er un “tri” entre les réfugiés, à un gou­verne­ment qui fait déjà un “tri” dans ses pro­pres populations. 

Cette dénon­ci­a­tion doit être aus­si forte que l’ap­pel à l’ac­cueil, et en est pour nous inséparable.

Il faut sauver et accueillir les réfugiés du Moyen-Orient”

« Nous citoyens des pays mem­bres de l’Union Européenne, de la zone Schen­gen, des Balka­ns et de la Méditer­ranée, du Moyen-Ori­ent ain­si que d’autres régions du monde qui parta­gent nos préoc­cu­pa­tions, lançons un appel d’urgence à nos conci­toyens, à nos gou­ver­nants et à nos représen­tants dans les assem­blées par­lemen­taires nationales et au Par­lement Européen, ain­si qu’a la Cour Européenne des Droits de l’Homme et au Haut-Com­mis­sari­at des Nations Unies pour les Réfugiés».

Depuis des années, les migrants du Sud de la Méditer­ranée fuyant la mis­ère, la guerre et la répres­sion se noient en mer ou se fra­cassent con­tre les gril­lages. Quand ils réus­sis­sent à tra­vers­er, après avoir été rançon­nés par des fil­ières de trafi­quants, ils sont refoulés, incar­cérés ou rejetés dans la clan­des­tinité par des Etats qui les désig­nent comme des « dan­gers » et comme des « enne­mis ». Et pour­tant, courageuse­ment, ils s’obstinent et s’entraident pour sauver leurs vies et retrou­ver un avenir.

Mais depuis que les guer­res du Moyen-Ori­ent et surtout de Syrie ont pris les pro­por­tions d’un mas­sacre de masse sans fin prévis­i­ble, la sit­u­a­tion a changé de dimen­sion. Pris­es en otage entre les bel­ligérants, bom­bardées, affamées, ter­ror­isées, des pop­u­la­tions entières sont jetées dans un exode périlleux qui, au prix de mil­liers de morts sup­plé­men­taires, pré­cip­ite hommes, femmes et enfants vers les pays voisins et vient frap­per aux portes de l’Europe.

Il s’agit d’une grande cat­a­stro­phe human­i­taire. Elle nous place devant une respon­s­abil­ité his­torique à laque­lle il n’y a pas d’échappatoire.

L’incapacité où sont les gou­verne­ments de tous nos pays de met­tre fin aux caus­es de l’exode (quand ils ne con­tribuent pas à les aggraver) ne les exonère pas du devoir de sec­ourir et d’accueillir les réfugiés en respec­tant leurs droits fon­da­men­taux, qui sont inscrits avec le droit d’asile dans les déc­la­ra­tions et les con­ven­tions fon­dant le droit international.

A quelques excep­tions près cepen­dant – l’initiative exem­plaire de l’Allemagne — qui n’a tou­jours pas été sus­pendue à ce jour — d’ouvrir ses portes aux réfugiés syriens ; l’effort gigan­tesque de la Grèce pour sauver, accueil­lir et con­voy­er les mil­liers de rescapés qui chaque jour accos­tent sur ses rivages, alors que son économie a été plongée dans une austérité dévas­ta­trice ; la bonne volon­té démon­trée du Por­tu­gal pour recueil­lir une part des réfugiés sta­tion­nant en Grèce – les gou­verne­ments européens se sont refusés à pren­dre la mesure de la sit­u­a­tion, à l’expliquer à leurs opin­ions publiques et à organ­is­er la sol­i­dar­ité en dépas­sant les égoïsmes nationaux. Au con­traire, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, ils ont rejeté le plan min­i­mal de répar­ti­tion des refugiés élaboré par la Com­mis­sion, ou se sont employés à le sabot­er. Pire, ils se sont engagés dans la répres­sion, la stig­ma­ti­sa­tion, la bru­tal­i­sa­tion des réfugiés et des migrants en général. La sit­u­a­tion de la « jun­gle » de Calais, suiv­ie main­tenant de son déman­tèle­ment par la force, au mépris de la let­tre et de l’esprit d’une déci­sion de jus­tice, en est une illus­tra­tion scan­daleuse, mais non la seule.

Par con­traste, ce sont les sim­ples citoyens d’Europe et d’ailleurs : pêcheurs et habi­tants de Lampe­dusa et de Les­bos, mil­i­tants des asso­ci­a­tions de sec­ours aux réfugiés et des réseaux de sou­tien aux migrants, foy­ers d’hébergement laïques ou religieux, relayés par des artistes et des intel­lectuels, qui ont sauvé l’honneur et mon­tré la voie d’une solu­tion. Ils se heur­tent cepen­dant à l’insuffisance des moyens, à l’hostilité par­fois vio­lente des pou­voirs publics, et doivent faire face, comme les réfugiés et les migrants eux-mêmes, au développe­ment rapi­de d’un front européen de la xéno­pho­bie, allant d’organisations vio­lentes, ouverte­ment racistes ou néo-fas­cistes, jusqu’à des lead­ers poli­tiques « respecta­bles » et des gou­verne­ments de plus en plus gag­nés par l’autoritarisme, le nation­al­isme et la dém­a­gogie. Deux Europes totale­ment incom­pat­i­bles sont ain­si face à face, entre lesquelles il faut désor­mais choisir.

Cette ten­dance xéno­phobe à la fois meur­trière pour les étrangers et ruineuse pour l’avenir du con­ti­nent européen comme terre de lib­erté doit s’inverser immédiatement.

Alors qu’il y a dans le monde 60 mil­lions de réfugiés, le Liban et la Jor­danie en accueil­lent un mil­lion cha­cun (respec­tive­ment 20% et 12% de leurs pop­u­la­tions), la Turquie 2 mil­lions (3%). Le mil­lion de réfugiés arrivé en 2015 en Europe (l’une des plus rich­es régions du monde, en dépit de la crise) ne représen­tent que 0,2 % de sa pop­u­la­tion ! Non seule­ment les pays européens, pris ensem­ble, ont les moyens d’accueillir les réfugiés et de les traiter digne­ment, mais ils doivent le faire pour con­tin­uer à se réclamer des droits de l’homme en tant que fonde­ment de leur con­sti­tu­tion poli­tique. C’est aus­si leur intérêt s’ils veu­lent com­mencer à recréer, avec tous les pays de l’espace méditer­ranéen qui par­ticipent de la même his­toire et des mêmes héritages cul­turels depuis des mil­lé­naires, les con­di­tions d’une paci­fi­ca­tion et d’une vraie sécu­rité col­lec­tive. Et c’est la con­di­tion pour que le spec­tre d’une nou­velle époque de dis­crim­i­na­tions organ­isées et d’élimination des humains « indésir­ables » recule pour de bon au-delà de notre horizon.

Nul ne peut dire quand et dans quelle pro­por­tion les réfugiés retourneront « chez eux », et nul ne doit sous-estimer la dif­fi­culté du prob­lème à résoudre, les résis­tances qu’il engen­dre, les obsta­cles voire les risques qu’il com­porte. Mais nul ne peut ignor­er non plus la volon­té d’accueil des pop­u­la­tions et la volon­té d’intégration des réfugiés. Nul n’a le droit de déclar­er le prob­lème insol­u­ble pour mieux s’y dérober.

Des mesures d’urgence de très grande ampleur s’imposent donc immédiatement.

Le devoir d’assistance aux réfugiés du Moyen Ori­ent et d’Afrique dans le cadre d’une sit­u­a­tion d’exception doit être proclamé et mis en œuvre par les instances dirigeantes de l’UE et relayé par tous les pays mem­bres. Il doit être con­sacré par les Nations-Unies et faire l’objet d’une con­cer­ta­tion per­ma­nente avec les Etats démoc­ra­tiques de toute la région.

Des forces civiles et mil­i­taires doivent être engagées, non pour men­er une guéril­la mar­itime con­tre les « passeurs », mais pour porter sec­ours aux migrants et arrêter le scan­dale des noy­ades en mer. C’est dans ce cadre qu’il faut éventuelle­ment réprimer les trafics et con­damn­er les com­plic­ités dont ils béné­fi­cient. Car c’est l’interdiction de l’accès légal qui engen­dre les pra­tiques mafieuses et non l’inverse.

Le fardeau des pays de pre­mier accueil, et notam­ment la Grèce, doit être immé­di­ate­ment allégé. Leur con­tri­bu­tion à l’intérêt com­mun doit être recon­nue. Leur isole­ment doit être dénon­cé et ren­ver­sé en sol­i­dar­ité active.

La zone de libre cir­cu­la­tion de Schen­gen doit être préservée, mais les accords de Dublin qui prévoient le refoule­ment des migrants vers le pays d’entrée doivent être sus­pendus et rené­go­ciés. L’UE doit faire pres­sion sur les pays danu­bi­ens et balka­niques pour qu’ils rou­vrent leurs fron­tières, et négoci­er avec la Turquie pour qu’elle cesse d’utiliser les refu­gies comme ali­bi politi­co-mil­i­taire et mon­naie d’échange.

Dans le même temps, des moyens de trans­port aériens et mar­itimes doivent être mis en œuvre pour trans­fér­er tous les réfugiés recen­sés comme tels dans les pays du « Nord » de l’Europe qui peu­vent objec­tive­ment les recevoir, au lieu de les laiss­er s’accumuler dans un petit pays qui men­ace de devenir un immense camp de réten­tion pour le compte de ses voisins.

A plus long terme, l’Europe — con­fron­tée à l’un de ces grands défis qui changent le cours de l’histoire des peu­ples — doit éla­bor­er un plan démoc­ra­tique­ment con­trôlé d’aide aux rescapés du mas­sacre et à ceux qui leur por­tent sec­ours : non seule­ment des quo­tas d’accueil, mais des aides sociales été éduca­tives, des con­struc­tions de loge­ments décents, donc un bud­get spé­cial et des dis­po­si­tions légales garan­tis­sant les droits nou­veaux qui insèrent digne­ment et paci­fique­ment les pop­u­la­tions déplacées dans les sociétés d’accueil.

Il n’y a pas d’autre alter­na­tive que celle-ci : hos­pi­tal­ité et droit d’asile, ou barbarie !

Cet appel est initié par, notamment :
Michel AGIER (France), Horst ARENZ (Allemagne), Athéna ATHANASIOU (Grèce), Chryssanthi AVLAMI (Grèce), Walter BAIER (Autriche), Etienne BALIBAR (France), Marie BOUAZZI (Tunisie), Hamit BOZARSLAN (France, Turquie), BUTLER (Etats-Unis), Claude CALAME (France), Marie-Claire CALOZ-TSCHOPP (Suisse), Dario CIPRUT (Suisse), Patrice COHEN-SEAT (France), Edouard DELRUELLE (Belgique), Matthieu DE NANTEUIL (Belgique), Meron ESTEFANOS (Érythrée), Wolfgang-Fritz HAUG (Allemagne), Ahmet INSEL (Turquie), Pierre KHALFA (France), Nicolas KLOTZ (France), Justine LACROIX (Belgique), Amanda LATIMER (UK), Camille LOUIS (France), Giacomo MARRAMAO (Italie), Roger MARTELLI (France), Sandro MEZZADRA (Italie), Maria NIKOLAKAKI (Grèce), Josep RAMONEDA (Espagne), Vicky SKOUMBI (Grèce), Barbara SPINELLI (Italie), Bo STRÄTH (Suède), Etienne TASSIN (France), Mirjam VAN REISEN (Pays-Bas), Hans VENEMA (Pays-Bas), Marie-Christine VERGIAT (France), Frieder Otto WOLF (Allemagne), Mussie ZERAI (Agence Habeisha, Erythréé).

Partagez, signez, faites sign­er cet appel.
Et pour le dire d’une autre façon, un rap­pel de la chronique de Titi Robin

 


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