Tri­bune
Vic­tor Mar­tinez est enseignant à l’u­ni­ver­sité de Lille et tra­duc­teur de Con­sid­ér­er les femmes, de la poétesse kurde Choman Har­di.


Il est inutile de s’at­tarder longtemps sur les faits qui vien­nent d’avoir lieu à Paris. Inutile de point­er l’ir­re­spon­s­abil­ité et le cynisme acca­blants de l’E­tat français, d’une realpoli­tik au ser­vice de la démoc­ra­ture turque ou asservie aux théocraties type Qatar ou Ara­bie saou­dite — seul l’I­ran sem­ble indign­er les opinions.

Inutile, non plus, de point­er qu’il s’ag­it de femmes qui sont tuées, mil­i­tantes, intel­lectuelles, respon­s­ables cul­turelles et poli­tiques. Inutile de dire que cela sem­ble un rite, une récréa­tion, pour les com­man­di­taires assas­sins de mas­sacr­er, par les méth­odes les plus bar­bares, et à inter­valles réguliers, en toute impunité, au milieu de Paris, ces femmes et hommes qui représen­tent la résis­tance et le droit de vivre d’un peu­ple qui fut le pre­mier à être, rap­pelons-le, gazé en 1925 par un Secré­taire à la Guerre au Roy­aume-Uni nom­mé Churchill, et avec la com­plic­ité de la France.

Les déc­la­ra­tions indi­gentes et ineptes de la classe poli­tique, Dar­manin et Macron en tête, l’hos­til­ité d’un pou­voir français réac­tion­naire à l’en­con­tre d’un peu­ple capa­ble de créer un régime social, démoc­ra­tique, écologique et fémin­iste comme celui du Roja­va, le spec­ta­cle hal­lu­ciné des mas­sacres d’Afrine en 2018, ne font que con­firmer l’idée que la volon­té est forte, uni­verselle­ment assim­ilée en Occi­dent et notam­ment dans la France de Macron et Dar­manin, de ne laiss­er aucune chance aux Kur­des, notam­ment s’il s’ag­it de femmes, et de les con­sid­ér­er tou­jours et encore comme des ter­ror­istes poten­tiels quand bien même depuis un siè­cle ils soient l’ob­jet de toutes les répres­sions, d’un géno­cide (1988) et d’un invari­able objet de marchandage entre puis­sances, russe, turque et occidentale.

Il était ques­tion, récem­ment, d’in­viter à l’In­sti­tut kurde de Paris la poétesse et uni­ver­si­taire Choman Har­di, autrice d’un ouvrage essen­tiel sur le géno­cide kurde et du vol­ume poé­tique Con­sid­ér­er les femmes. La France se serait hon­orée de la présence sur son sol d’une telle femme, mais quel hon­neur reste-t-il désor­mais, aujour­d’hui 24 décem­bre 2022, à l’E­tat français ?

Il reste du sang, des corps de femmes et d’hommes éten­dus par terre, et l’im­mense champ de la lâcheté d’une poli­tique séculaire.

Ne viens pas nous don­ner tes livres en France, chère Choman, mon pays n’est en mesure de garan­tir droit et pro­tec­tion ni à toi ni à ton peuple.

Vic­tor Martinez

Image à la Une : Emine Kara (Evin Goyi), Mîr Perwer (Mehmet Şirin Aydın), Abdurrahman Kızıl.

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