Kontr éditions, annonce la sortie du livre “Considérer les femmes” de Choman Hardi, traduit par Victor Martinez, pour le 20 octobre prochain. Choman est une poétesse kurde d’Irak, dont l’oeuvre restait jusqu’à aujourd’hui peu connue dans les pays francophones…
Kedistan publiait déjà en février 2017 des poèmes extraits de ce livre paru en 2015 en anglais, “Considering the women” traduits pour la première fois en français par Victor Martinez, pour une parution exceptionnelle et simultanée dans des revues littéraires.
Vous pourrez trouver dans cette publication précédente, de plus amples informations sur le génocide kurde de 1988 en Irak. Connu sous le nom d’Anfal, et ordonné par le régime irakien de Saddam Hussein, ces attaques génocidaires se sont déroulée du 23 février au 6 septembre 1988, détruisant 2000 villages, conduisant à l’élimination de plus de 180 000 civils kurdes (selon les kurdes, et 100 000 selon HRW) et obligeant bien davantage à un exode forcé. En plus des bombes conventionnelles, 281 zones furent gazées durant la “campagne”. La majorité des victimes finit dans des fosses communes. Des civils moururent d’inanition et de maladie dans les camps de prisonniers, pendant que d’autres mouraient sous les bombardements et les gazages, ou pendant leur fuite vers l’Iran et la Turquie. Nos lectrices et lecteurs les moins jeunes se rappelleront certainement de l’épisode la plus noire et inhumaine de ce génocide ; le bombardement aux gaz chimiques de la ville kurde d’Halabja le 16 mars 1988.
Vous trouverez dans le même article, également les photographies de Ramazan Öztürk, reporter de Turquie, un des rares journalistes à s’être rendu à Halabja, et qui a constitué, disons-le, une archive historique de ce qui va au delà de crimes contre l’humanité, importante, car ce massacre a trouvé à l’époque, très peu de place dans l’actualité.
Nous vous conseillons toute fois, de vous munir de votre courage, pour survoler ces photos… Autant celles-ci portent devant les yeux une réelle horreur dans toute sa nudité, dans ce livre, Choman Hardi, avec ce recueil livrant l’Anfal du point de vue des femmes, nous atteint par la voie de la poésie, sans pour autant effacer, ni édulcorer la souffrance et la vérité. Une poésie bouleversante…
“Les poètes écrivent selon les motivations et des points d’intérêt divers. Pour ceux qui parmi nous s’intéressent à l’intersection entre la littérature et la justice sociale, l’expression de la vérité devient la force qui fonde notre écriture, la raison pour laquelle nous continuons d’écrire” dit Choman, dans sa préface, qu’elle termine sur une note volontaire et déterminée : “En fin de compte, nous essayons de faire de notre mieux en tant que poètes et citoyens ayant une responsabilité à l’égard des autres. Nous ne serons pas spectateurs. Nous ne garderons pas le silence. Nous dénoncerons l’injustice inhérente à l’immobilisme et défierons les puissants. Nous allons chanter. Nous allons crier. Nous allons écrire de la bonne poésie. Nous ne mourrons pas avant d’avoir dit la vérité”.
Ce livre est alors un appel aux lectrices et lecteurs, à prendre à leur tour leurs responsabilités et ressaisir leur conscience d’être humain. Parce que, si la poétesse “agit” à travers sa plume, et offre ses mots, accepter de les recevoir, lire, comprendre et ressentir, ne sont pas pour autant des verbes passifs, mais une façon d’agir en retour, de rejoindre la chanson et donner de l’ampleur au cri. Ne ne mourrons pas avant de voir et ressentir la vérité…
Attaque au gaz
Badria Saeed Khidir et Ayshe Maghdid Mahmud
Les bombes pouvaient tomber partout, à tout moment de la journée. Elles étaient un fléau dont nous avions l’habitude. Dans nos
abris creusés dehors nous nous sentions en sécurité, jusqu’à cet obsédant
crépuscule d’hiver où les explosions sourdes
nous ont trompés. Nous sommes sortis pensant que nous avions survécu aux bombes mais une poussière plâtreuse et jaunâtre s’est déposée
sur nos peaux, avec une odeur de pomme douce au début, qui semblait bonne à inhaler. Les gens sont devenus fous – ils riaient, dansaient sur leurs jambes, se tordaient, couraient
vers les points d’eau, aveuglés, se cognaient aux arbres.
Les villageois des alentours sont venus nous aider. Ils ont dit
que mon fils avait l’air bizarre, comme si la couleur de ses yeux avait
coulé, son visage était tuméfié, noirci. Il geignait
comme un veau sous le couteau. J’étais encore aveugle quand il est mort, je n’ai pas pu le voir, pas pu lui dire adieu.
Choman Hardi
Considérer les femmes p.44
Choman Hardi
Née en 1974 au Kurdistan irakien, la poétesse Choman Hardi est aussi une enseignante-chercheuse travaillant sur la question des inégalités du point de vue de l’intersectionnalité. Elle a trouvé refuge au Royaume-Uni en 1993 où elle a étudié dans les universités d’Oxford, de Londres et du Kent. Son ouvrage post-doctoral, Gendered Experiences of Ge- nocide: Anfal Survivors in Kurdistan-Iraq (Routledge, 2011), a été nommé « UK Core Title » par le Yankee Book Peddler. Depuis 2010, des poèmes de son premier recueil en anglais, Life for us (Bloodaxe, 2004) sont étudiés dans l’enseignement secondaire. Son second recueil, Considering the women (Bloodaxe, 2015), a été nominé par la Poetry Book Society et sélectionné pour le Forward Prize for Best Collection. Sa traduction de Butterfly Valley de Sherko Beka a reçu le prix PEN translation.
Après 26 ans d’exil, Choman Hardi est retournée dans sa ville natale de Souleimaniye en 2014 pour enseigner l’anglais et intégrer l’Université américaine de Souleimaniye — Irak où elle a fondé en 2015 le Centre d’études sur le genre et le développement. Sous sa direction, ce centre a développé les premières études interdisciplinaires de genre pour mineurs en Irak et est en train de développer des ressources pour les études de genre en kurde et en arabe en direction des universités du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord avec un financement de l’Union européenne. En 2019, elle a reçu le soutien du Global Challenges Research Fund au Royaume-Uni pour un projet quinquennal sur « masculinité et violence » en partenariat avec la London School of Economics.
“Considérer les femmes” de Choman Hardi
traduit de l’anglais (Irak) par Victor Martinez
EAN : 9782491221027
Format : 14,5 x 21 cm — 112 pages
Genre : poésie
Prix de vente : 15 €
Date de parution : 20 octobre 2020
KONTR éditions
Image à la Une avec Maraw