La réal­isatrice Anne Poiret a rem­porté à New York le prix du Meilleur Doc­u­men­taire, lors de la 50e édi­tion des Inter­na­tion­al Emmy Awards. “Enfants de Daech, les damnés de la guerre”.

Tourné trois ans après la défaite mil­i­taire de l’E­tat islamique, ce reportage, dif­fusé en 2021, pose une ques­tion cru­ciale, qui pour­tant n’avait pas et n’a pas l’or­eille des puis­sances occi­den­tales, et ce, déjà bien avant la guerre en Ukraine qui “éclipserait” toute autre préoccupation.

Si nous ne pou­vons qu’ap­plaudir à la dili­gence des occi­den­taux sur le fait de doc­u­menter pour la jus­tice inter­na­tionale les crimes de guerre et con­tre l’hu­man­ité qui découlent de l’a­gres­sion russe sur l’Ukraine, que con­stater qu’alors que cette guerre d’oc­cu­pa­tion détru­it chaque jour davan­tage l’Ukraine et mar­tyrise ses pop­u­la­tions, on par­le néan­moins de “recon­struc­tion”, ce doc­u­men­taire souligne lui, le fait que tant pour l’I­rak que pour la Syrie, les mêmes dili­gences sont absentes, voir niées et tenues à distance.

Il ne s’ag­it pas d’op­pos­er les guer­res, ou de faire du rel­a­tivisme, mais de met­tre en lumière que tout renon­ce­ment nour­rit l’autre.

Toute ten­ta­tive d’aller chercher dans l’his­toire des trente dernières années une “expli­ca­tion” con­cer­nant les “erreurs” com­mis­es en Europe, sur la redéf­i­ni­tion des ques­tions de “sécu­rité” après la chute du stal­in­isme, ne peut que nous faire dire, par analo­gie, que ce présent du Moyen Ori­ent peut, lui aus­si, être “une grenade dégoupil­lée pour l’his­toire”.

Il est des réalisatrices/réalisateurs qui pointent par­faite­ment les urgences, et ce sans dis­cours, en faisant appel à l’in­tel­li­gence de celle ou celui qui regarde. Anne Poiret est de celles-là. Elle dis­ait dans une inter­view en 2019 : “j’ai signéMossoul, après la guerre” sur la recon­struc­tion de cette ville rav­agée par les com­bats menés pour la libér­er du joug du cal­i­fat, “Enfants de Daech” tient lieu de suite à ce film qui se con­clu­ait sur des gamins livrés à eux-mêmes, au milieu des ruines d’une cité dont la rééd­i­fi­ca­tion était plus qu’incertaine. Deux ans plus tard, ce sont presque les mêmes que nous avons retrou­vés à Mossoul.”

Et ce sont les mêmes que les cinéastes pour­ront filmer encore dans une décen­nie ou deux, à pro­pos du ter­ror­isme et de la guerre, d’au­tant que l’hypocrisie dans les rela­tions avec la Turquie, l’am­biguïté avec l’I­ran, le statu quo avec le régime syrien pré­par­ent de nou­velles explo­sions, et auront besoin de vio­lence débridée et de ressen­ti­ments accu­mulés pour les met­tre en oeuvre.


Enfants de Daech. Doc­u­men­taire (70 min, 2021) Auteure et réal­isatrice Anne Poiret, Pro­duc­tion Cinétévé, avec la par­tic­i­pa­tion de France Télévi­sions et de LCP-Assem­blée Nationale, de la RTS – Radio Télévi­sion Suisse, de DR, de NRK, de SVT.


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