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En Iran, où chaque jour nous apprenons qu’un man­i­fes­tant a été tué par le régime, les Kur­des, les Belu­ciens, les Gillesks, les Pers­es, les Turcs, les Tat, les Talysh et bien d’autres peu­ples résis­tent côte à côte, épaule con­tre épaule, con­tre le régime.

À mon avis, l’un des développe­ments récent les plus impor­tants est la grève générale sur ces trois jours. Les combattant.es kur­des du PJAK (Par­ti de la vie libre du Kur­dis­tan) et du KODAR ont déclaré : “Nous appelons tout le monde à une grève générale avec le slo­gan ‘Jin, jiyan, azadî’. C’est un devoir moral de défendre la lib­erté et la vie des femmes. La révo­lu­tion de la libéra­tion des femmes est la base de la révo­lu­tion de la libéra­tion du Kurdistan”.

Ain­si, le 19 sep­tem­bre 2022, non seule­ment les Kur­des, mais le peu­ple iranien tout entier était déjà descen­du dans la rue. Une sol­i­dar­ité qui s’est man­i­festée pour la pre­mière fois dans l’his­toire de l’I­ran. Dans le même temps, la par­tic­i­pa­tion des femmes pris­on­nières et des détenues de la prison d’Evin, con­nue pour ses ter­ri­bles tor­tures en Iran, qui ont répon­du à cet appel à la grève, a per­mis à la révo­lu­tion menée par les femmes de se propager, se déver­sant de la rue dans les pris­ons. Il est est de même ces jours-ci.

La résis­tance est grande à la prison d’Evin, où des mil­liers de révo­lu­tion­naires du Kur­dis­tan Rojhi­lat sont détenus, tor­turés, exé­cutés et assas­s­inés. Il est impor­tant que le peu­ple iranien ait rompu, avec ces protes­ta­tions, le silence assour­dis­sant qui a suivi l’exé­cu­tion de la com­bat­tante kurde Sirin Elemhul­li dans cette prison en 2010.

La liberté au-delà de l’égalité des sexes

En Iran, notam­ment dans les régions de Téhéran, Rojhi­lat et Belucis­tan, les man­i­fes­tants descen­dent dans la rue avec leur colère et leurs reven­di­ca­tions depuis plus de deux mois. Menées par des femmes dans les uni­ver­sités, les écoles et dans les rues, agi­tant leurs cheveux et dansant les dans­es inter­dites, elles protes­tent con­tre l’or­dre établi. Des cen­taines de per­son­nes ont été tuées pen­dant les man­i­fes­ta­tions et la vio­lence du régime s’ac­croît chaque jour. Cinquante enfants ont été assassinés.

Le prix de ces man­i­fes­ta­tions est très élevé, les gens ne se bat­tent pas seule­ment pour l’abo­li­tion du voile ou pour que les femmes soient libres de choisir com­ment s’ha­biller : les gens se bat­tent pour une vie libre, ce qui va au-delà de l’é­gal­ité des sex­es, ils se bat­tent pour l’au­todéter­mi­na­tion de tous les peu­ples et l’abo­li­tion du régime masculin.

Il est très impor­tant d’être sol­idaire des man­i­fes­tants qui font face à une vio­lence d’É­tat oppres­sive, meur­trière et igno­rante comme celle de l’I­ran, et de crier d’une seule voix pour la liberté.

La révo­lu­tion qui se pour­suit sans relâche en Iran, grâce aux man­i­fes­ta­tions et grèves en cours, mèn­era à la vic­toire : ce n’est pas seule­ment une promesse pour le peu­ple iranien, mais pour tous les peu­ples et toutes les femmes.

Manifestation de femmes contre l’oppression étatique et religieuse

Dans le reste du monde, ce qui se passe en Iran est lu de manière réduc­trice, en soulig­nant unique­ment le prob­lème de “l’is­lam despo­tique qui oblige les femmes à se cou­vrir” et en se con­cen­trant sur la ques­tion basée sur le droit d’avoir la lib­erté de porter le voile ou non. Cela sig­ni­fie ne pas com­pren­dre les mil­lions de per­son­nes qui descen­dent dans la rue en Iran aujour­d’hui. Ni la façon dont se con­juguent les revendications.

Certes, le voile a été ren­du oblig­a­toire pour les fonc­tion­naires en Iran après la “révo­lu­tion de 1979” et le corps des femmes a été empris­on­né par le hijab et les lois sex­istes. En 1983, une loi a suivi, imposant le port du hijab dans tous les lieux publics. Puis, avec la loi entrée en vigueur en 1985, toutes les femmes ont été oblig­ées de se cou­vrir, quelles que soient leurs croy­ances religieuses, et de s’ha­biller selon les règles islamiques. Chaque année, en Iran, des mil­liers de femmes sont inter­pel­lées et arrêtées parce qu’elles ne por­tent pas “cor­recte­ment” le hijab.

Lorsque Vida Mova­he­di a pris un tur­ban blanc et est mon­tée sur un stan­dard télé­phonique en 2017, la protes­ta­tion con­tre l’oblig­a­tion de porter le hijab a été portée pour la pre­mière fois au par­lement en 2018 pour mod­i­fi­er la loi sur le tur­ban. La demande a été rejetée. Vida et des dizaines de femmes ont été arrêtées lors des man­i­fes­ta­tions qui ont eu lieu à cette époque.

Bien sûr, le voile est une ques­tion impor­tante en Iran, où le droit des femmes à décider de leur corps est con­trôlé par l’É­tat et la pres­sion religieuse. C’est en rai­son du défi lancé par les femmes à l’op­pres­sion de l’É­tat et de la reli­gion que le voile, qui n’est qu’un morceau de tis­su au-delà des per­cep­tions qui lui sont attribuées, est devenu un sym­bole de l’op­po­si­tion des femmes en Iran et dans de nom­breux pays gou­vernés par l’islam.

La liberté ne peut être définie par le seul voile

Les pre­mières infor­ma­tions his­toriques sur la pra­tique de l’u­til­i­sa­tion du voile pour cou­vrir la tête remon­tent à l’époque préis­lamique, en Mésopotamie anci­enne. Ce tis­su, qui à cer­taines péri­odes est un sym­bole de statut, appa­raît à d’autres péri­odes comme le moyen par lequel les tribus se définis­sent. De nom­breuses sources indiquent égale­ment qu’à l’époque assyri­enne, seules les femmes de la classe dirigeante pou­vaient le porter, tan­dis que les paysans et les esclaves en étaient interdits.

Le voile, qui est apparu comme une forme dif­férente de déf­i­ni­tion, est le plus grand instru­ment d’op­pres­sion des femmes en Iran, comme dans tous les pays islamiques autori­taires. Mais ce serait une mau­vaise approche que de réduire la déf­i­ni­tion de la lib­erté en Iran à la sim­ple déci­sion des femmes de porter ou non le voile selon leurs souhaits.

Aujour­d’hui en Iran, il n’y a pas seule­ment la ques­tion du voile, mais aus­si celle des per­son­nes d’o­rig­ines dif­férentes, des Lgbtq, des pau­vres, des tra­vailleurs, des enfants et de bien d’autres iden­tités soumis­es à une admin­is­tra­tion oppres­sive qui ne respecte pas les droits et lib­ertés fon­da­men­taux. Les Kur­des, les Belouch­es, les Azéris et bien d’autres peu­ples sont soumis à une forte pres­sion nation­al­iste. Nous savons com­bi­en de dégâts ont été causés dans le monde par les mis­siles et les armes chim­iques de fab­ri­ca­tion iranienne.

Il ne devrait pas être dif­fi­cile de devin­er la pres­sion que subis­sent les peu­ples lorsqu’ils sont privés de leur lib­erté dans un pays comme l’I­ran, où l’on pro­duit des armes lour­des et où règne une grande corruption.

C’est pourquoi il est impor­tant de dis­cuter du type de sys­tème de ges­tion qui devrait être adop­té en Iran comme une con­quête de la révo­lu­tion issue des protes­ta­tions qui ont touché de grandes mass­es et grâce aux per­son­nes qui sont descen­dues dans la rue coûte que coûte.

L’héritage de la guérilla kurde : Jin, jiyan, azadî

Le fait que les protes­ta­tions qui ont com­mencé après l’as­sas­si­nat de Jîna Ami­ni par le régime iranien se répan­dent main­tenant dans le monde entier et que même le slo­gan “Jin, jiyan, azadî” soit devenu la devise de la résis­tance des femmes dans le monde entier est une vic­toire pour la lutte pour la lib­erté du peu­ple kurde. Tout comme il est impor­tant de pronon­cer un slo­gan d’une seule voix, il est tout aus­si impor­tant de con­naître la philoso­phie du slo­gan et de savoir qui en sont les créateurs.

Jin, jiyan, azadî” est plus qu’un slo­gan : il souligne que dans les ter­res du Kur­dis­tan, les mots femme et vie, éty­mologique­ment par­lant, ont la même racine, il mon­tre com­ment ils dérivent les uns des autres.

Il est impor­tant de savoir que cette philoso­phie a d’abord été exprimée par les com­bat­tantes du PKK, qui se bat­tent dans les mon­tagnes depuis 40 ans pour la lib­erté des peu­ples du Kur­dis­tan, et par le leader du PKK, Abdul­lah Öcalan, empris­on­né par l’É­tat turc depuis 23 ans.

Il est impor­tant de savoir que les com­bat­tantes kur­des ont créé en 1993, pour la pre­mière fois, une armée dis­tincte de leurs cama­rades mas­culins et com­posée unique­ment de femmes dans les mon­tagnes, et l’ont reléguée dans l’his­toire sous le slo­gan “Jin, jiyan, azadî”.

Il faut égale­ment savoir que les femmes kur­des se bat­tent depuis des années en Iran, en Irak, en Turquie et en Syrie au sein de l’ar­mée de femmes qu’elles ont for­mée pour un Kur­dis­tan libre et qu’elles se bat­tent non seule­ment pour l’i­den­tité kurde, mais aus­si pour la lib­erté des femmes au Moyen-Ori­ent en par­ti­c­uli­er et dans le monde en général. Il est néces­saire de con­naître la philoso­phie de “Jin, jiyan, azadî” et de com­pren­dre l’idéolo­gie et le par­a­digme de la lib­erté des femmes qui l’ont créée.

Une nouvelle feuille de route : Jineolojî

Aujour­d’hui, tous ceux qui répè­tent sans cesse “Jin, jiyan, azadî” devraient savoir que les femmes kur­des présen­tent main­tenant une nou­velle feuille de route pour les femmes du monde entier, pour ramen­er la sci­ence des femmes qui avait été per­due, enter­rée et volée, depuis les racines du savoir antique. Pour analyser le monde d’au­jour­d’hui, elles ont fondé l’a­cadémie Jine­olo­jî pour créer une nou­velle méth­ode, des mil­liers de femmes en font partie.

Ils doivent bien le savoir, car ils com­pren­dront mieux les raisons pour lesquelles notre cama­rade Nag­i­han Akarsel, qui avait con­sacré 35 ans de sa vie au peu­ple kurde et à la lutte de libéra­tion des femmes dans le monde, pour­suiv­ant l’œu­vre de l’a­cadémie Jine­olo­jî (Jinéolo­gie), a été assas­s­inée en octo­bre par l’É­tat turc dans la région fédérale du Kur­dis­tan, et pourquoi, comme elle, des mil­liers de femmes qui ont don­né leur vie pour cette cause ont été assas­s­inées par les États coloniaux.

Il serait injuste pour l’idéolo­gie de la libéra­tion des femmes d’ex­primer la philoso­phie de “Jin, jiyan, azadî”, qui est l’héritage de mil­liers de femmes kur­des révo­lu­tion­naires telles que Sakine Can­sız et Nag­i­han, unique­ment en se lais­sant pren­dre au vent de la ten­dance pop­u­laire, en la décon­tex­tu­al­isant et en la sac­ri­fi­ant à la con­som­ma­tion du néolibéral­isme. C’est pourquoi je trou­ve impor­tant de cri­ti­quer cer­taines ques­tions dans l’e­sprit de l’époque.

La liberté ne peut être criée en agitant le drapeau du colonisateur

En par­ti­c­uli­er, étant en Europe, je voudrais attir­er l’at­ten­tion sur la dis­crim­i­na­tion dont nous, les femmes kur­des, sommes vic­times, en don­nant des exem­ples de protes­ta­tions en Europe. Nous, les femmes kur­des, sommes un mou­ve­ment organ­isé tant au Kur­dis­tan qu’en Europe et sur les autres con­ti­nents du monde. Dans les man­i­fes­ta­tions aux­quelles nous par­ticipons, nous nous déplaçons ensem­ble, en cri­ant des slo­gans con­tenant des dis­cours sim­i­laires. Parce que les slo­gans que nous crions lors des man­i­fes­ta­tions et les sym­bol­es que nous por­tons reflè­tent la bonne per­spec­tive de lib­erté de la lutte des femmes kur­des d’où nous venons.

Ain­si, nous, femmes kur­des, avons naturelle­ment pris notre place dans les actions qui ont eu lieu en Europe pour soutenir les protes­ta­tions qui ont com­mencé en Iran après le meurtre d’une femme kurde, Jîna Ami­ni. Et là encore, tout naturelle­ment, nous avons bran­di les dra­peaux du mou­ve­ment des femmes kur­des, à l’o­rig­ine du slo­gan “Jin, jiyan, azadî” dont tout le monde par­le ces derniers temps.

À ce moment pré­cis, nous avons été exposées à des attaques ver­bales et physiques. Parce que dans les appels lancés pour une action mon­di­ale, il a été aver­ti qu’au­cun autre dra­peau que le “dra­peau iranien” ne serait accep­té. L’aver­tisse­ment : “Aucun dra­peau ou sym­bole poli­tique autre que le dra­peau iranien ne sera autorisé” peut sem­bler nor­mal pour un Européen.

Mais arbor­er le dra­peau d’un pays comme l’I­ran, qui a exploité une par­tie de leur pays pen­dant 100 ans, équiv­aut à la mort pour des mil­lions de femmes kur­des. Parce que nous, les femmes kur­des, savons très bien que la lib­erté ne peut être criée sous le dra­peau de l’ex­ploiteur. Alors que des mil­liers de jeunes hommes kur­des ont per­du la vie parce qu’ils n’ont pas pris ce dra­peau et parce qu’ils ne se sont pas ren­dus aux États colo­ni­aux, nous deman­der de par­ticiper à des man­i­fes­ta­tions unique­ment à l’om­bre du dra­peau iranien et le ren­dre oblig­a­toire est une ques­tion sérieuse qui doit être discutée.

À un moment comme celui-ci, où, comme en Turquie, en Irak et en Syrie, lors des man­i­fes­ta­tions pour la révo­lu­tion, ain­si qu’en Iran, nous descen­dons dans la rue pour la lib­erté de tous les peu­ples, il est très dif­fi­cile de com­menter ce que cela représente d’être attaqué par ceux qui sont descen­dus dans la rue et nous ont demandé de retir­er nos drapeaux.

Pour avoir porté des dra­peaux kur­des lors des man­i­fes­ta­tions, pour avoir bran­di des dra­peaux du mou­ve­ment des femmes kur­des, pour avoir affir­mé que Jîna était une femme kurde, nous avons été attaquées plus que jamais et, à Berlin, nous avons été accusées de nation­al­isme par des man­i­fes­tants iraniens. En d’autres ter­mes, nous avons été méprisées par cer­tains pour nos actions con­tre la per­sé­cu­tion d’une femme kurde vivant dans l’une des qua­tre régions exploitées du Kurdistan.

Lors d’une man­i­fes­ta­tion où le slo­gan “Jin, jiyan, azadî” a été crié pour ne pas détenir le dra­peau d’un des États qui nous exploitent depuis cent ans, nous avons été qual­i­fiées de nation­al­istes et de fau­teurs de trou­bles. En tant que Kurde, c’é­tait une tor­ture pour moi et mes autres cama­rades kur­des de con­tin­uer obstiné­ment à pro­test­er jusqu’à la fin d’une man­i­fes­ta­tion où il y avait une haine si pro­fonde et cachée pour notre existence.

Mais en tant que femmes qui se bat­tent pour les Kur­des et pour les droits des femmes depuis des années, nous sommes obstiné­ment restées et con­tin­uerons à rester et à par­ticiper aux man­i­fes­ta­tions, car nous avons estimé que ce qui s’est passé ne pou­vait être une excuse pour aban­don­ner la man­i­fes­ta­tion. Et nous savons aus­si que cette dis­crim­i­na­tion à notre égard ne touche pas l’ensem­ble du peu­ple iranien, mais les prin­ci­paux groupes locaux qui étaient présents lors de la manifestation.

Placer le drapeau de l’oppresseur sur l’opprimé

Quant à la “men­tal­ité du dra­peau”, je con­sid­ère per­son­nelle­ment que le dra­peau lui-même est un sym­bole de nation­al­isme et un morceau de tis­su qui ne devrait pas exis­ter. Mais je ne con­sid­ère pas de la même manière un peu­ple qui se définit par un tis­su et une couleur alors qu’il se bat depuis des années pour que son exis­tence soit niée et ceux qui por­tent fière­ment le dra­peau représen­tant leur État, leur nation et leurs racines alors que cet État les exploite depuis des siè­cles et que la per­son­ne qui tient ce dra­peau n’a pas été capa­ble d’élever une voix forte con­tre l’ex­ploita­tion d’autres peu­ples dans son pro­pre pays.

Une per­son­ne qui fait par­tie d’un peu­ple sans État, opprimé et nié, et qui bran­dit un dra­peau exp­ri­mant son exis­tence, est dif­férente d’une per­son­ne qui a un État et qui par­ticipe à une man­i­fes­ta­tion en bran­dis­sant fière­ment le dra­peau de son État, surtout si elle le jette con­sciem­ment à la fig­ure de ceux que son État opprime, en igno­rant leur iden­tité et en usurpant l’une des qua­tre par­ties de sa terre.

L’ex­pres­sion con­stante de son exis­tence est une posi­tion révo­lu­tion­naire, ce que l’autre fait est un ser­vice au nation­al­isme. Nous devri­ons accepter ce fait comme tel, voir le mal et cess­er de nous cri­ti­quer mutuellement.

Jin, jiyan, azadî” n’est pas un slogan scandé par hasard

Aujour­d’hui, en Iran, tous les peu­ples se bat­tent main dans la main, sans dis­tinc­tion d’i­den­tité ou de sexe. Les Pers­es, les Turcs, les Belouch­es, les Kur­des et de nom­breux autres peu­ples vivant en Europe devraient se bat­tre ensem­ble, tout comme lors des man­i­fes­ta­tions en Iran. Pourquoi la présence de dra­peaux avec lesquels les peu­ples s’ex­pri­ment devrait-elle effray­er un Per­san ? On ne peut pas faire une révo­lu­tion avec la crainte que “le pays soit divisé”.

N’ou­blions pas que le fait que l’essence des reven­di­ca­tions issues des man­i­fes­ta­tions actuelles se résume au slo­gan “Jin, jiyan, azadî” ne peut être une coïn­ci­dence. Car ce slo­gan est une philoso­phie. Cette philoso­phie est un par­a­digme lib­er­taire, démoc­ra­tique et écologique de la vie des femmes qui a pris vie au Rojava.

En d’autres ter­mes, s’il y a une révo­lu­tion dans laque­lle ce par­a­digme prend vie, ce sera avec un mod­èle dans lequel tous les peu­ples déter­mi­nent libre­ment leur pro­pre des­tin, respectent la nature, la lib­erté de genre, dans lequel il n’y aura pas de cor­rup­tion, la pro­duc­tion d’armes sera arrêtée, et la voix unique et le dra­peau unique seront abolis.

Dans un soulève­ment où des mil­liers de bouch­es cri­ent le slo­gan “Jin, jiyan, azadî”, une philoso­phie qui s’op­pose à l’u­til­i­sa­tion d’un seul dra­peau, forcer les gens à défil­er sous le dra­peau iranien géant dans les man­i­fes­ta­tions en Europe sig­ni­fie ne pas com­pren­dre ce qui se passe dans son pro­pre pays et pourquoi des gens de toutes les nations man­i­fes­tent côte à côte dans les rues d’I­ran en ce moment. C’est réduire le cri des femmes à l’Is­lam et au voile.

Cela sig­ni­fie ne pas com­pren­dre pourquoi le peu­ple iranien a pris posi­tion con­tre l’É­tat iranien à un moment où il était con­fron­té à une bru­tal­ité aus­si grave. Cela sig­ni­fie ne pas com­pren­dre que le peu­ple iranien est lais­sé seul, car les soulève­ments ne visent pas seule­ment à chang­er le gou­verne­ment actuel, mais à met­tre en œuvre un nou­veau mod­èle de vie au Moyen-Ori­ent, basé sur la lib­erté des femmes, la démoc­ra­tie et l’é­colo­gie, un mod­èle de vie qui ne sert pas les intérêts des États cap­i­tal­istes. En bref, cela sig­ni­fie ne pas savoir ce que sig­ni­fie la vie libre.

Image à la Une : 40 jours de protestation contre le meurtre de Jîna Amini.

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Zehra Doğan
Auteure, mem­bre d’hon­neur de Kedistan
Jour­nal­iste, artiste. Jour­nal­ist, artist. Gazete­ci, sanatçı.